Prix stables sur les marques nationales

La négociation commerciale 2024 se solde par de « légères baisses » de prix pour la viande et de « légères hausses » pour les produits laitiers.

L’observatoire de la négociation commerciale (ONC), qui regroupe les organisations professionnelles représentant les industriels (ANIA, FEEF, ILEC et LCA) et les enseignes de la grande distribution (FCD), a examiné les données transmises par sept enseignes et quatre fédérations professionnelles et a validé les résultats agrégés du traitement de ces données. Les négociations commerciales annuelles, qui concernent uniquement les produits à marque nationale, se sont déroulées entre le 1er décembre 2023 et le 31 janvier 2024 avec un décalage de calendrier, les entreprises dont le chiffre d’affaires était inférieur à 350 M€ devant signer leurs contrats avant le 15 janvier.

Résultat : « La hausse de tarif demandée par les industriels dans leurs conditions générales de vente (CGV), tous secteurs confondus dans la limite du périmètre de l’étude (marques nationales, produits non livrés en vrac, une partie du rayon boulangerie-viennoiserie, hors viandes fraîches non emballées par le fournisseur, hors poissons…), s’est élevée en moyenne à + 4,5 %, avec une dispersion entre familles de produits (de + 3 % à + 5,7 %) moindre que les années précédentes. Cette demande a été très inférieure à celles de 2022 et 2023 où elle était de respectivement de + 7,2 % et + 14 % », indique l’ONC dans un communiqué du 13 mai.

– 1 % à + 1 %

« Le résultat moyen des négociations est, en revanche, plus difficile à établir car il est proche de zéro alors que certaines familles de produits sont en légère baisse (entre – 0,5 % et – 1 %) quand d’autres sont en légère hausse (entre + 0,5 % et + 1 %). En outre, la moyenne globale, toutes familles confondues, est différente selon que l’on prenne les chiffres des enseignes (+ 0,4 %) ou ceux des fournisseurs (+ 0,9 %) ; cette différence est faible en valeur absolue (écart de 0,5 point) mais importante en valeur relative, du simple au double. Elle s’explique notamment par le fait que le résultat que l’on veut établir est cette année du même ordre de grandeur que la marge d’erreur de la méthode (< 1 %). »

Toujours selon l’ONC, « le bilan global des négociations 2024 peut être résumé en retenant simplement que les prix des contrats au stade du prix « 3 net » (1) sont en faible augmentation, avec une hausse moyenne inférieure à 1 %, nonobstant le fait qu’on observe de légères baisses de prix pour les surgelés et les produits frais non laitiers (charcuterie, viande…) et de légères hausses pour les produits laitiers, l’épicerie salée et sucrée, et les boissons ».

BC

(1) Le prix « 3 net » est le tarif auquel sont appliqués : 1) les remises prévues dans ses conditions générales de vente (1-net) ; 2) les remises et ristournes négociées avec le distributeur à titre de conditions particulières de vente (2-net) ; 3) les services de coopération commerciale (3-net) – source : ONC.

LES REACTIONS

« Un doute » sur une pleine application d’Egalim (FNSEA et JA)

« Le médiateur des relations commerciales agricoles a publié le 14 mai les résultats de l’Observatoire des négociations commerciales annuelles pour l’année 2024. Les résultats montrent un décalage préoccupant entre les augmentations des prix initialement demandées par les fournisseurs (+ 4,5 % en moyenne, en raison de la hausse des coûts de production globaux) et celles qui ont été effectivement négociées (+ 1 % en moyenne), avec des variations notables selon les familles de produits. Plus inquiétant encore, les données révèlent que « la hausse moyenne de la matière première agricole (MPA) déclarée par les industriels n’a pas été couverte par la hausse du prix 3 net », soulignant un doute sur la sanctuarisation du prix de la MPA, essentielle pour la pérennité de l’agriculture française », écrivent la FNSEA et les Jeunes agriculteurs (JA) dans un communiqué du 18 mai.

« Le diagnostic posé par le médiateur confirme ce que la FNSEA et JA expriment avec force depuis le début de la mobilisation agricole initiée en novembre dernier : le revenu des agriculteurs est menacé par les difficultés persistantes dans l’application des lois Egalim. Nous l’avions souligné lorsque les dates des négociations commerciales avaient été avancées sous prétexte de lutte contre l’inflation : le revenu des agriculteurs ne peut pas être une variable d’ajustement. »

« Face à ce constat, la FNSEA et JA mettent en garde contre toute recommandation qui contribuerait à détricoter Egalim, et rappellent au Gouvernement son engagement vis-à-vis des agriculteurs français. Il est nécessaire d’apporter des ajustements législatifs urgents afin de renforcer les dispositions de la loi. Les prochaines négociations commerciales approchent et il est primordial que ces ajustements puissent être opérationnels d’ici là. »

« Nous demandons ainsi que la formation des prix de la MPA soit établie principalement à partir des indicateurs de coûts de production interprofessionnels, qui doivent être les seuls indicateurs de référence ou, à défaut, ceux des instituts techniques reconnus. Nous voulons également l’établissement d’une date butoir pour la conclusion des contrats amont entre l’agriculteur et son premier acheteur avant l’envoi des conditions générales de vente (CGV). La transparence dans les relations commerciales est un point clé pour garantir la sanctuarisation de la MPA. Ces ajustements sont essentiels pour une construction du prix en « marche avant », du producteur au distributeur conformément à l’esprit des lois Egalim afin d’assurer la sanctuarisation de la MPA à travers toute la chaîne de valeur et pour garantir une rémunération équitable aux agriculteurs. »

« Renoncer à la prise en compte des coûts de production serait inacceptable » (France OP Lait)

« Alors même que la construction du prix en marche avant et la transparence sont des enjeux cruciaux pour les organisations de producteurs (OP) et leurs producteurs de lait adhérents, comment le médiateur des relations commerciales agricoles peut-il préconiser dans les négociations commerciales entre industriels et grande distribution « un prix normatif de la MPA (…) à partir des cotations d’un indicateur de marché pertinent », interroge France OP Lait dans un communiqué du 21 mai. Pour la Fédération nationale des organisations de producteurs de lait, « tout renoncement à la transparence et à la prise en compte des coûts de production des agriculteurs serait inacceptable ! La compétitivité des industriels ne doit pas se faire sur le dos de celle des producteurs. »

« Première réalité, les industriels doivent négocier non pas directement avec les producteurs individuels, mais avec les OP dès lors que les producteurs en sont adhérents. En effet, aujourd’hui, la plupart des producteurs adhèrent à une OP pour négocier collectivement. Dès lors qu’un producteur adhère à une OP, l’acheteur n’a pas le droit de contourner l’OP pour proposer, ou plutôt imposer, un contrat individuel. »

« Deuxième réalité, dans le secteur laitier, beaucoup d’OP n’ont pas encore de contrat avec leur acheteur ! En effet, malgré leurs propositions de contrats qui doivent servir de base de négociation et des négociations interminables, la contractualisation écrite est loin d’être un fait établi dans les relations entre OP (donc les producteurs) et les industriels ! Mais alors, en l’absence de contrat, comment se calcule le prix du lait ? C’est très simple, l’industriel décide unilatéralement ! Et c’est d’autant plus facile de décider et de ne pas négocier que les industriels s’autofacturent ! »

« Troisième réalité, le prix ne couvre pas forcément les coûts de production d’un élevage ! En effet, la loi impose une prise en compte des coûts de production, mais pas la couverture des coûts de production des éleveurs. De ce fait, bien souvent, dans la pondération des indicateurs permettant de déterminer le prix, les coûts de production sont écrasés. De plus, les indicateurs de coût de production ne sont que des moyennes. Ils sont loin de répondre aux enjeux individuels, notamment d’investissement et d’installation ; bref, de satisfaire l’objectif du renouvellement des générations ! »

« Heureusement, il y a aussi des OP qui ont réussi à construire des partenariats vertueux avec des industriels volontaires ! Oui, il y a des choses bien, mais non, c’est loin d’être une généralité ! Dans le contexte des évolutions législatives en cours, France OP Lait s’interroge profondément sur l’opération séduction des industriels laitiers et sur le lobbying à l’œuvre. » Une allusion à un récent outil pédagogique sur le prix du lait payé au producteur présenté par la Fnil (Fédération nationale de l’industrie laitière). « S’il s’agit d’une belle réalisation théorique, France OP Lait constate qu’elle manque de réalisme ! »

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