Le ministère de l’agriculture et Arvalis évaluent la récolte de blé tendre 2018 à 35,1 Mt, Agritel à 34,2 Mt et ODA à 33,6 Mt seulement. Les productions européenne et mondiale viennent également d’être révisées à la baisse.
« La production de blé tendre est estimée à 35,1 Mt (-4 % par rapport à 2017 et -2,1% par rapport à la moyenne 2013-2017), indique la dernière note statistique du ministère de l’agriculture. L’estimation du début août est donc revue en baisse de 1 Mt sur les chiffres de juillet. Les conditions météorologiques (forte chaleur fin juin, orages dans l’ouest) ont perturbé la fin de cycle et la forte hétérogénéité des situations sur le territoire induit une plus grande variabilité des estimations. Le rendement est révisé à la baisse à 71,1 q/ha (73,1 q/ha au 1/07), soit au niveau de la moyenne quinquennale 2013-2017. Il est toutefois inférieur de 4,1 % à la moyenne olympique 2013-2017 qui atteint 74,2 q/ha (en excluant le rendement le plus élevé – 79,4 en 2015 – et le plus faible – 53,7 en 2016). »
Les chiffres du cabinet Agritel s’appuient sur un sondage réalisé du 18 au 20 juillet auprès d’opérateurs de la filière pour conclure à « une récolte décevante en quantité avec toutefois l’avantage d’une qualité en majorité excellente qui favorisera la mise en marché ». Plus précisément, Agritel estime la récolte de blé tendre française à 34,17 Mt, en retrait de 6,5 % par rapport à 2017. « Celle-ci, d’une exceptionnelle précocité, déçoit dans l’ensemble puisque c’est la troisième plus faible de la dernière décennie en quantité », commente Michel Portier, directeur général d’Agritel.
Les terres superficielles s’en sortent le mieux
Selon Agritel, le rendement moyen national s’élèverait à 69,17 q/ha – c’est presque 4 q/ha de moins que l’estimation du ministère et 6 q/ha de moins que ce qu’attendait le commerce européen (Coceral) en juin. La surface emblavée, au plus bas depuis six ans, atteint 4,94 millions d’hectares et amplifie l’impact de la chute de rendement. Elle est la conséquence d’un excès de précipitations tout au long de l’hiver mais également au printemps. « Ce sont les terres dites superficielles qui s’en sortent le mieux cette année avec leur facilité à drainer les excédents d’eau tandis que les terres les plus profondes habituées aux meilleurs rendements sont pénalisées », précise Michel Portier. « Le décrochage est très fort sur toute la façade Atlantique. La Bretagne et les Pays de la Loire accusent une nette baisse de rendement (voir la carte ci-dessus). Mais celle-ci est encore plus sévère en Aquitaine et Midi-Pyrénées où la situation est très compliquée avec près de 20 % de chute de rendement », ajoute Michel Portier.
12 % de protéines
« Les conditions particulièrement chaudes et sèches de la fin de cycle ont permis d’atteindre sur une large partie du territoire de très hauts niveaux qualitatifs », poursuit Agritel. « Les poids spécifiques sont très élevés tandis que le cap des 12 % de protéines sera probablement de nouveau dépassé cette année », détaille Michel Portier. « Seuls le Sud-Ouest et le Sud-Est de la France dénotent puisque les orages à répétition connus ces derniers mois ont vraiment dégradé la qualité, même si cela reste marginal à l’échelle nationale. »
En conclusion, Michel Portier estime que « la qualité de la récolte 2018 permettra sans aucun doute à la France d’avoir une offre attractive pour les acheteurs internationaux et européens, et ce d’autant plus que les volumes à commercialiser sont réduits chez nos compétiteurs. »
« Le marché du blé se prépare à une situation critique » (ODA)
De son côté, le cabinet Offre et demande agricole (ODA) anticipe, dans un communiqué du 26 juillet, un « lourd déficit de la production mondiale » de blé cette année. Dans l’UE, « les conditions climatiques extrêmes constatées dans le nord de l’Europe nous ont amenés à réduire notre estimation de production européenne de blé tendre à seulement 124,9 Mt, soit une baisse de 14,5 Mt par rapport à l’an dernier ! En France, l’enquête sur les rendements de blé tendre réalisée comme chaque année auprès du réseau des agriculteurs ODA nous permet aujourd’hui d’annoncer une récolte de 33,6 Mt. Nous constatons une forte hétérogénéité des rendements et des qualités. Il est probable que nous révisions ce chiffre dans les prochaines semaines. »
« Cette baisse record de la production européenne vient se cumuler avec une récolte décevante dans le bassin de la mer Noire. À l’échelle mondiale, nous nous attendons à une réduction de la production de 30,2 Mt, soit une récolte de 720 Mt. Or la consommation mondiale a été estimée à 750 Mt l’an dernier et elle croît chaque année de 3 à 5 Mt. Cette situation de marché, semblable aux années 2010 et 2012, va donc ramener les stocks de céréales dans les pays exportateurs à leurs niveaux les plus bas. La consommation de blé va ainsi devoir se réduire au profit des autres céréales. Même avec d’excellents rendements, les récoltes de l’hémisphère Sud seront dans l’incapacité de compenser entièrement le manque de production mondiale. Sans compter la menace du retour du phénomène El-Niño dans les prochains mois qui n’engage pas à l’optimisme. »
Les 200 €/t dépassés
« Les marchés céréaliers commencent à réagir, constate ODA : en franchissant la barre des 200 €/t sur Euronext , le blé vient de mettre fin à un cycle de 4 ans de prix insuffisants et le mouvement de hausse n’est pas encore terminé. Pour faire face à la demande, les marchés vont devoir établir un nouveau niveau de prix permettant aux agriculteurs de produire les volumes nécessaires, de façon durable », conclut le communiqué.
La production mondiale de blé révisée à la baisse, celles de maïs et soja à la hausse
Le Conseil international des céréales (CIC) a révisé à la baisse, dans son rapport mensuel du 23 août 2018, son estimation de la production mondiale de blé en 2018/2019. Elle n’est plus attendue qu’à 716 Mt, contre 721 Mt prévu en juillet et 758 Mt engrangées en 201/2018. Les récents caprices de la météo ont conduit à abaisser la production de l’UE (- 4,1 Mt à 135,8 Mt, après 151,2 Mt en 2017 et 144,2 Mt en 2016) et celle de l’Australie (- 2 Mt à 20,5 Mt).
A l’inverse, le CIC a relevé la production de maïs à 1 064 Mt (+ 12 Mt), après 1 045 Mt en 2017/2018 et 1 087 Mt en 2016/2017. L’amélioration des perspectives aux Etats-Unis (+ 11,5 Mt à 370 Mt) en est à l’origine.
Le CIC a également reconsidéré à la hausse la production mondiale de soja (+ 7 Mt à 366 Mt – un niveau record), en raison là encore de projections plus avantageuses aux Etats-Unis (+ 6,8 Mt à 124,8 Mt).
Le blé rendu Bretagne a renchéri de 30 % en un an
« Les cotations publiées affichent un prix moyen du blé tendre rendu Bretagne proche de 215 €/t en août 2018, contre 160 €/t en août 2017 », constatent les fabricants d’aliments du bétail (Snia) dans un communiqué du 24 août. Soit une hausse de plus de 30 % en un an. « Le maïs connaît la même évolution. » Pour sa part, le tourteau de soja a renchéri de plus de 20 % (360 €/t en août 2018 contre « moins de 300 €/t » un an plus tôt). « On observe les mêmes tendances pour les tourteaux de colza et de tournesol ». Résultat, « l’indice IPAA (représentant l’évolution du prix des matières premières utilisées en alimentation animale publié par La Dépêche-Le Petit Meunier) a été réévalué à 166 points le 9 août contre 135 en août 2017 et 150 en avril 2018. » Etant donné que, « pour les entreprises du secteur de l’alimentation animale, le prix des matières premières représente environ 80% du prix des aliments livrés en élevage », celles-ci ne pourront « faire l’impasse sur ce contexte de hausse du prix des matières premières ».
BC
A lire également :
Les prévisions de récolte de grains et de fourrages en Europe en 2018 (Commission européenne, 27 août 2018, en anglais)
Le bilan des moissons 2018 au 9 août (FranceAgriMer/Arvalis/Terres Inovia)
La moisson 2018 et ses conséquences sur les marchés (Agritel, 22 août 2018)
Qualité de la récolte 2018 de blé tendre (FranceAgriMer, 22 août 2018)