Christine Valentin, réélue en février 2019 à la présidence de la Chambre d’agriculture de Lozère, a témoigné, le 26 février au SIA, de la conversion de son exploitation d’élevage laitier à l’agriculture biologique.
Les quatre associé(e)s du Gaec familial de Fraissinet (La Canourgue) disposent de 370 ha, pour l’essentiel des causses de faible valeur agronomique situés à 830 mètres d’altitude, en zone de montagne. Les vaches et les brebis restent 5 à 6 mois à l’intérieur. Le chargement ne dépasse pas 0,55 UGB/ha. Quand le revenu de l’exploitation a chuté à moins de 10 000 euros en 2014 (les annuités de remboursement absorbant l’essentiel du solde), « nous nous sommes dit qu’il fallait changer notre système », se souvient Christine Valentin. Fallait-il renoncer à l’élevage bovin parce que désormais « le lait de vache est au prix mondial », et se concentrer sur le lait de brebis destiné à la production de Roquefort, plus rémunérateur ? Mais ce serait oublier le loup qui rôde et des années de passion pour la génétique Brune. La décision a finalement été prise de garder des bovins en passant, soit à la transformation et à la vente directe du lait, soit à l’agriculture biologique. Un audit (1) de l’exploitation – « 3 jours à tout regarder » – a conclu en faveur de la seconde option. Parce que les entreprises laitières cherchaient du lait bio dans la région. Parce que les prairies naturelles étaient déjà bio sans en avoir le label (« aucun engrais ni phytosanitaires »). Parce que les vaches recevaient peu de traitements vétérinaires. Et aussi parce que « nos enfants avaient vraiment envie qu’on passe en bio et que le beau-père de 82 ans nous avait dit que nous faisions le bon choix ».
« Opportuniste ? Et pourquoi pas ? »
« Ça a marché, se réjouit Christine Valentin. Nous sommes très satisfaits. Nous avons trouvé un meilleur équilibre. Nous avons entraîné d’autres producteurs dans la vallée du Lot et créé un groupe de développement. » La conversion a débuté en mai 2016. En décembre 2017, le lait de vache était vendu en bio à Sodiaal. Alors que les associés du Gaec pensaient initialement rester en conventionnel pour le lait de brebis, la conversion s’est là encore imposée. En mars 2018, il était vendu en bio. « Passer de 900 €/t à 1 300 €/t a permis de dégager 35 000 € pour trouver un salarié ». En lait de vache, le prix a bondi de 337 €/1000 l en 2016 à 482 €/1000 l en 2018 – « ça couvre les charges même si l’aliment est plus cher ». Surtout, le revenu disponible a vraiment augmenté. « Une conversion en bio opportuniste ? Et pourquoi pas ? »
Autonomie protéique
Est-ce à dire que tout a été facile ? Certainement pas. Le Gaec a renoncé au zéro pâturage adopté depuis l’installation de deux robots de traite à partir de 2005. Il a fallu abandonner les hormones utilisées pour cycler les brebis. L’assolement s’est complexifié pour gagner en autonomie protéique (prairies temporaires de luzerne, prairies temporaires relais, avoine, méteils ensilés ou moissonnés). Surtout, il a fallu faire face à deux « graves sécheresses en 2017 et 2018 » qui ont fait chuter le rendement en lait de vache (de 9 200 l/an à 7 900 l/an) et imposé une réduction du cheptel (95 vaches à la fin 2016, 70 vaches au début 2019). Une décapitalisation que Christine Valentin espère temporaire. « Nous avons gardé des génisses pour pouvoir remonter en effectif si l’année est normale. » En 2019, elle va tenter la culture de betterave fourragère sans désherbant. Mais pas sans eau… La retenue collinaire créée en 2014 y trouverait un regain d’intérêt.
Benoît Contour
(1) Le diagnostic du projet de conversion a été réalisé dans le cadre du « Visa pour la Bio » proposé par la Chambre d’agriculture et financé par la Région Occitanie.