Stress thermique : les atouts du monitoring

En charge du monitoring des vaches et notamment des outils développés par Medria, Jean Tourneux travaille pour le groupe Seenergi en Vendée et en Charente-Maritime. Grâce aux données collectées par ces outils, il a pu constater les effets de la chaleur sur la rumination et l’ingestion. Les résultats sont très parlants.

Le monitoring et les outils connectés fournissent de précieux renseignements sur le comportement des animaux. Seenergi les a exploités l’été dernier pour en tirer de précieux enseignements. « En 2018, nous nous sommes penchés sur les données concernant plusieurs élevages afin d’expliquer les effets du stress thermique sur le troupeau. Nous avons ainsi combiné la courbe des températures enregistrées par nos stations météorologiques connectées Weenat, avec celle obtenue grâce au Feed Live développé par Medria », souligne Jean Tourneux. Les enregistrements réalisés par le Feed Live démontrent que la durée d’ingestion des vaches baisse, ce qui correspond bien à une baisse réelle de la consommation de la ration. Les vaches ont moins d’appétit quand il fait très chaud et sont très fatiguées. Elles se déplacent moins à l’auge. « Cette baisse de consommation entraîne une couverture énergétique moindre, alors que l’animal lutte et dépense plus d’énergie pour réguler sa température corporelle. Si en plus, nous rajoutons les besoins pour assurer la production laitière… bonjour les dégâts », pointe l’expert. « Et que dire du reste des performances zootechniques ! Notamment l’élévation du niveau de cellules dans le lait, lié au système immunitaire très diminué des animaux épuisés, ou encore les vêlages prématurés, sans parler de la reproduction qui reste, sur le plan physiologique, la fonction de luxe d’une vache laitière. Nous avons constaté beaucoup d’échecs à l’IA pendant ces périodes de stress thermique ».

Inversement, la courbe de rumination en période de canicule est très élevée. En fait, cette élévation est trompeuse et ne reflète pas la réalité. « Lors des épisodes de fortes chaleurs, les vaches souffrent beaucoup et elles sont très essoufflées. Cet essoufflement provoque un système de balancier au niveau du cou et de la tête, comparable à celui advenant durant la phase de rumination. Parfois, certaines laitières ont même la langue étirée et bavent. Une grande partie de la gestuelle de la rumination est ainsi reproduite pendant ces périodes de fortes chaleurs, c’est ce qui explique les pics de rumination enregistrés, qui sont donc artificiels. Ces derniers nous permettent toutefois de suivre et de mettre en évidence la souffrance des animaux et aussi de mesurer et d’apprécier les conditions de logement pendant ces périodes de canicules. Nous devons être les seuls à pouvoir le faire. »

Lorsque l’épisode de fortes chaleurs se termine, la rumination baisse fortement et chute en dessous de la normale. C’est la conséquence logique de la baisse d’ingestion, avec toujours un décalage dans le temps pour une vache, entre ce qu’elle rumine et ce qu’elle ingère.

Les amplitudes des pics de chaleurs, la durée dans le temps sur plusieurs jours consécutifs, combinées avec des températures qui ne baissent pas beaucoup pendant la nuit, font des ravages au sein des troupeaux et peuvent clairement se lire sur le tracé des courbes.

Un éleveur témoigne

Durant l’été 2018, un éleveur contacte l’expert monitoring chez Seenergi et lui signale une chute d’ingestion de ses vaches laitières (VL) après de fortes chaleurs . Il précise : « Notre bâtiment, tout ouvert côté sud, est au top 10 mois sur 12. Mais, en été, aucune vache ne reste couchée côté soleil. La rangée de logettes est vide pendant 13 à 14 heures/jour. Il fait entre 50 et 60 sur les matelas. Nos vaches ont perdu entre 4 et 5 heures de repos quotidien et restent debout devant l’auge. Sachant qu’une heure de repos gagnée est synonyme d’une production d’un litre de lait, elles ont effectivement perdu 5 litres. »

En se penchant sur les données du Feed Live de l’élevage, Jean Tourneux a pu démontrer que le premier pic de chaleur, au sein de cette exploitation, est intervenu vers le 21 juin. S’il ne constitue pas l’épisode le plus chaud de la saison, il n’en marque pas moins fortement les animaux car c’est le premier, et l’organisme n’est pas encore habitué. Le dernier des pics de chaleur est le plus violent en intensité et en durée et il fait le plus de dégâts, avec une perte estimée de 5 litres par VL, soit 1 000 l/ jour pour les 200 VL du troupeau. Certaines de ces laitières ne retrouveront pas leur niveau de production initial. Cette analyse permet également de mettre en lumière que les pics de chaleurs s’enchaînent et sont aussi de plus en plus rapprochés, beaucoup plus qu’on ne pourrait le penser. Ils laissent de moins en moins de répit aux animaux et cela risque de ne pas s’arranger dans les années à venir.

Équiper son bâtiment contre la chaleur

Grâce au monitoring Medria et aux stations connectées Weenat, Jean Tourneux a mis en évidence l’intérêt de bien équiper son bâtiment contre les températures excessives. 

Ainsi, lors de l’été 2018, il a comparé les courbes de deux élevages, géographiquement très proches (distants de 4 km), obtenues grâce au Feed Live Medria. Cette comparaison a été facilitée par la proximité géographique garantissant des conditions météorologiques très similaires. À noter que seul un des élevages étudiés est équipé de la station météorologique Weenat. L’une des stabulations enquêtées, de construction récente (moins de dix ans), ne possède aucun équipement pour lutter contre le stress thermique, alors que la seconde s’est dotée de grands ventilateurs sur les rangées de logettes et de ventilateurs associées à des brumisateurs sur la partie aire d’exercice.

L’épisode caniculaire de début août a été le plus violent. Il apparaît clairement sur les courbes Feed Phone de l’élevage dont la stabulation n’est pas équipée pour faire face aux grandes chaleurs. « L’éleveur estime la perte de lait à 5 litres / vache. Il n’est pas certain qu’elles retrouveront toutes leur niveau de production initial », commente Jean Tourneux.

Pour l’élevage voisin, doté d’un stabulation adaptée, le tracé des courbes ne montre pas les mêmes amplitudes : la hausse de la rumination est contenue, tout comme la baisse de l’ingestion. Même si elle n’est pas complètement nulle, l’incidence au niveau de la production laitière est très nettement diminuée. Même constat au niveau des performances de reproduction qui se sont révélées excellentes l’été dernier. « Nous pouvons clairement noter une incidence très éphémère dans cet élevage, à la fin de l’épisode caniculaire le plus violent. Cela correspond à un dysfonctionnement du dispositif de ventilation et de brumisation le 8 août au matin », précise le spécialiste.

 

Le stress thermique en résumé

Quatre facteurs peuvent se conjuguer et conduire à des situations de grand stress pour les bovins d’élevage :

  •         l’amplitude de la chaleur, avec des pics de + en + hauts (à plus de 30, voire 35 °C à l’ombre)
  •         la durée des épisodes qui s’étend sur plusieurs jours,
  •         le fait que les températures ne redescendent pas ou peu pendant la nuit et n’offrent plus de répit pour l’animal,
  •         le fait que les épisodes se répètent de plus en plus fréquemment.

 

=> Récemment, les phénomènes de fortes chaleurs enregistrés sont de plus en plus violents, de plus en plus longs, de plus en plus fréquents, et n’offrent plus de fraîcheur réparatrice la nuit.

 

Lisez également

Le prix du lait progresse moins vite en France

En octobre, selon Bruxelles, le prix moyen du lait dans l’UE s'est établi à 51,71 €/100 kg, enregistrant une hausse par rapport à septembre (49,61 €/100 kg).