Robots de traite et Rouges Flamandes

Le robot de traite n’est pas réservé à la Holstein. Démonstration dans un élevage du Nord qui élève des Rouges Flamandes.

Dominique Vaesken, 34 ans, associé en Gaec avec sa mère Maria, élève 80 vaches Rouges Flamandes – elles seront une centaine d’ici à la fin du printemps grâce à l’arrivée de génisses et de taries en production – à Saint-Sylvestre-Cappel, entre Lille et Dunkerque. En octobre 2019, deux robots Boumatic MRS2 ont été installés (une douzaine de jours de travail pour les techniciens). Une transition de six semaines a permis aux vaches de se familiariser avec les machines et avec un nouveau plan de circulation dans la stabulation : elles continuaient à être traites en salle (2×5) tout en étant « poussées » pour aller récupérer le concentré (50 % soja – 50 % colza) au Dac des robots. Aujourd’hui, leur fréquentation atteint 2,75 passages par jour en moyenne. Ce que l’éleveur a déjà constaté : « moins d’engorgements et moins de mammites chez les vaches grosses productrices depuis la robotisation de la traite ». Le lait (référence de 660 000 l) est livré à Danone.

Deux robots pour 80 ou même 100 vaches, n’est-ce pas excessif ? Un seul robot double stalle aurait été « un peu juste », estime Dominique Vaesken, qui a préféré ne « pas saturer l’outil pour préserver la tranquillité ». Arnaud Dubosc, responsable commercial France de Boumatic, souligne aussi que la traite d’une Flamande (1,75 kilo de lait par minute) prend en général plus de temps que celle d’une Holstein (2,5 à 3 kilos par minute). Il faut y ajouter une minute et demie de préparation du pis et de branchement. « On n’ira pas plus vite pour respecter la montée de l’ocytocine », nous a-t-il expliqué à l’occasion d’une portes ouvertes, le 11 février au Gaec Vaesken.

Conforter le pâturage

Si Boumatic propose la location-vente (leasing), Dominique Vaesken a choisi d’acheter ses deux robots, l’un neuf, l’autre d’occasion. L’investissement ne lui est pas revenu plus cher qu’une nouvelle salle de traite flambant neuve, confie-t-il. En revanche, « les robots coûtent un peu plus cher en consommables ». En pratique, l’éleveur a signé un contrat d’entretien (14 000 € par an) qui intègre l’ensemble des dépenses : produits et main-d’œuvre. « Toutes les mises à jour logicielles sont gratuites », souligne aussi Arnaud Dubosc, en précisant que les modules qui équiperont le nouveau robot Boumatic, attendu en 2020, seront compatibles avec les versions antérieures de la machine.

Robots ou pas, Dominique Vaesken compte bien continuer à pratiquer le pâturage tournant dynamique avec ses vaches jusqu’à 500 mètres autour du bâtiment, y compris la nuit. Des portes de tri vont être installées avant la mise à l’herbe prévue entre le 15 et le 30 avril. Une partie des pâtures est plantée d’arbres, de sorte à conférer un abri aux vaches aux heures chaudes de l’été. Avec le soutien de Danone, l’éleveur a lancé un financement participatif pour pouvoir aménager de nouveaux chemins : un total de 11 500 € a été réuni, dont 7 500 € apportés par l’industriel laitier.

Des pattes « plus robustes »

Pourquoi la Rouge Flamande ? C’est une passion familiale qui remonte à son arrière-grand-père, quand la race comptait plus d’un million de têtes au lieu de quelques milliers aujourd’hui, rappelle Dominique Vaesken. Comment expliquer un tel déclin ? La tuberculose, d’abord, qui a entraîné des abattages massifs après-guerre. Un rendement moindre en lait que la Holstein, aussi, bien que la moyenne d’étable atteigne 7 300 kg au Gaec Vaesken (44/33,4). Hannibal 2, l’une des laitières, a même produit 9 500 kg d’un lait très riche (46/36) sur 300 jours, et une autre a atteint 13 500 kg sur 500 jours. Plus couramment, les primipares débutent la lactation à 22-23 l/j, les multipares autour de 30 l/j. La ration type contient 23 kg de maïs, 15 kg d’herbe, 8 kg de pulpe surpressée et 5 kg de pommes de terre.

La Rouge Flamande possède de nombreuses qualités, témoigne Dominique Vaesken. Ses pattes sont « plus robustes » que celles de la Holstein et elle est donc moins sujette aux boiteries. Sa longévité est meilleure aussi : « une Rouge Flamande fait couramment 6 à 7 veaux avant d’être réformée alors qu’une Holstein dépasse rarement 4 ou 5. » Enfin, son format lui confère de bonnes qualités bouchères : les carcasses qui atteignent 350 à 400 kg sont achetées 3,80 €/kg, bien davantage que celles des Holsteins.

Benoît Contour

EN CHIFFRES…

GAEC VAESKEN (nord)

  • Maria et Dominique Vaesken,
  • une surface agricole utile de 71 ha, dont 24 ha d’éco-pâturage
  • un cheptel de 80 Rouges Flamandes (qui passera à 100 laitières au printemps) 
  • deux robots Boumatic MRS2

LA ROUGE FLAMANDE, SOUVENT ASSOCIÉE À LA HOLSTEIN

La race Rouge Flamande compte actuellement 3 500 vaches réparties dans 350 élevages de la région Hauts-de-France. Son Herd Book regroupe 60 élevages, indique la Coopérative d’insémination artificielle de Douai (CIA Gènes diffusion). Elle se classe dans le groupe des « races laitières de grand format », et « se distingue par la richesse de son lait en matière protéique ».

Selon l’Union Rouge flamande, qui met en œuvre le programme de sélection et de promotion de la race, « le déficit productif de la Rouge Flamande par rapport à la Holstein atteint les 3 000 kg de lait, écart que beaucoup jugeraient rédhibitoire. Or, les éleveurs de Flamandes, dans leur majorité, possèdent des Holsteins et, pour eux, détenir des Flamandes ne relève pas d’un sentimentalisme excessif pour une survivance du passé mais au contraire d’une vraie démarche technique. »

En 2010, l’Union Rouge Flamande, avec l’appui du CIA Gènes Diffusion, a cherché à cerner les raisons du choix de la Flamande à partir d’une étude technico-économique réalisée dans 20 exploitations détenant 10 à 100 % de Flamandes. Ses atouts : d’abord sa fertilité, avec un intervalle vêlage-vêlage de 391 jours dans les troupeaux comptant 80 à 100 % de Flamandes, contre 424 jours dans ceux en possédant moins de 20 %. La santé de la mamelle ensuite : dans l’échantillon, les troupeaux Flamands affichaient une moyenne de 213 000 cellules, contre 298 000 pour les troupeaux Holsteins. Des « veaux qui boivent » aussi, et qui se valorisent mieux. Une « réelle efficacité économique », enfin, mise en évidence à plusieurs niveaux : sur le prix du lait (361 €/1 000 l dans les troupeaux possédant 60 % de Flamandes et plus, contre 322 €/1 000 l dans ceux en comptant moins de 40 %), le prix des veaux (123 € vs 92 € par tête), sur le coût alimentaire (106 vs 129 €/1 000 l), ou sur la marge brute : 253 € aides comprises vs 212 €.

La Flamande a aussi ses « faiblesses », reconnaît l’Union Rouge Flamande, à commencer par une « précocité moindre ». Dans l’étude précitée « apparaît une différence de 8 mois entre les troupeaux composés de moins de 20 % de Flamandes et ceux de plus de 80 % de Flamandes. En pur, cet écart peut atteindre 10 mois. Contrepartie appréciable, une longévité illustrée par la meilleure performance obtenue en 5e lactation, plutôt qu’en 3e ou 4e pour la majorité des races. » La morphologie de sa mamelle est « perfectible ». Elle « pêche dans les attaches », mais les « mamelles restent saines, fonctionnelles, un décrochage même un peu prononcé n’entraînant pas de difficulté de traite ni de sensibilité accrue aux mammites. Un écart de trayons plus large est apprécié en traite robotisée. »

Lisez également

L’art de l’adaptation

Éleveur bio dans les Ardennes, Bruno Faucheron s’appuie sur l’herbe pour nourrir 100 (+/- 20) vaches selon la valeur et le volume des fourrages de l’année.