Alors que sécheresse et canicule mettent à mal prairies et cultures fourragères, l’Institut de l’élevage et le Gnis proposent proposent quelques pistes pour sécuriser, autant que faire se peut, l’alimentation des troupeaux de bovins : paille, coproduits, cultures dérobées, betterave fourragère, sursemis…
Sur son site internet, l’Institut de l’élevage (Idele) vient de mettre en ligne un « nouvel espace web pour (re)découvrir des leviers d’adaptation face à différents types d’aléas climatiques ». Au-delà d’un point conjoncturel sur la sécheresse 2019 (niveau des précipitations, humidité des sols (1), pousse des prairies…), différents articles font le point sur la conduite des troupeaux et des surfaces, et sur les solutions envisageables à court terme pour faire face à un déficit fourrager. Deux pistes alimentaires sont privilégiées : la paille et les coproduits.
« La paille de céréales est un aliment pauvre en sucres solubles, en matières azotées, en minéraux et en vitamines », décrit l’Idele. C’est aussi « un fourrage encombrant et peu digestible ». Cependant, « bien complémentée, c’est une ressource utilisable dans les rations des ruminants pour pallier le déficit de stocks fourragers ou le manque d’herbe au pâturage. Pour des animaux à besoins modérés, la paille est même le fourrage le plus simple à utiliser. » Dans son article, l’Idele fait le point sur les précautions à prendre lorsque la paille est utilisée comme fourrage principal et donne des exemples de rations pour les bovins viande. En précisant qu’une « attention particulière devra être apportée cette année sur la présence de moisissures dans les pailles, exposées à un printemps particulièrement humide ».
Autre solution évoquée par l’Idele, les coproduits : « une des pistes pour combler rapidement un déficit fourrager ». Il peut s’agir de coproduits de l’industrie agroalimentaire (pulpes de betteraves, lactosérum, drêches de brasserie, etc.), de coproduits disponibles directement sur l’exploitation (paille de céréales, canne de maïs, paille de pois, etc.) ou de coproduits de retrait des filières des fruits et légumes (pommes, carottes, pommes de terre, etc.). Ils représentaient un volume de plus de 12 millions de tonnes de matière sèche toutes filières confondues en 2015, souligne l’Idele dans ce second article qui précise les bonnes pratiques à adopter en ce domaine.
Dérobées fourragères
« Pour la troisième année consécutive, les productions fourragères, et surtout les prairies, subissent une période de sécheresse aggravée par de faibles réserves en eau à la fin de l’hiver et des températures exceptionnelles », constate le Gnis (2) dans un communiqué du 23 juillet. « Les conséquences économiques et techniques sont lourdes. La perte de la productivité des prairies est évidente. De plus, le potentiel de production est largement entamé pour l’avenir. En effet, il y a disparition de certaines plantes mal adaptées à ces contrastes climatiques, au profit d’autres comme le crépis ou la porcelle enracinée qui ne présentent pas d’intérêt fourrager. Par ailleurs, le maintien des animaux en prairie entraîne un surpâturage préjudiciable aux graminées et qui facilite l’invasion d’adventices adaptées à ce contexte climatique. »
« Cette pénurie de fourrages à pâturer entraîne la nécessité de nourrir avec des fourrages stockés initialement prévus pour l’hiver, ou avec des concentrés avec le surcoût que l’on imagine, sachant que les frais de récolte multiplient par 3 le prix de revient par rapport au fourrage pâturé », estime le Gnis. « Les solutions et décisions à prendre sont multiples et à adapter en fonction des conditions du foncier (disposition des parcelles), du type d’animaux, du mode d’exploitation prévu. » Comme « l’année climatique a avancé la date des moissons et autres récoltes, l’occasion est de miser davantage sur les cultures dérobées fourragères. Au moins 25 espèces sont disponibles, des crucifères, des légumineuses, des graminées comme le moha, le millet, le sorgho. Le choix se fera en fonction de la période prévue de récolte (ou pâturage), récolte uniquement à l’automne ou uniquement au printemps ou à la fois à l’automne puis au printemps. Mais aussi le choix se fera en fonction du mode de valorisation : pâturage, fauche, affourragement. Il faut penser aussi à la destruction de ce couvert et gérer le risque des repousses ou de la dissémination. »
Sursemis
Selon le Gnis, « les conditions difficiles pour la prairie sont aussi des périodes particulièrement favorables au sursemis. Le principe est d’utiliser de préférence un semoir de semis direct (pour une perturbation minimale du sol et éviter les levées d’adventices), de semer dans la terre (et non dans la matière organique de surface), à 1 cm de profondeur, des espèces pérennes agressives, comme les ray-grass d’Italie, les ray-grass hybrides et les trèfles hybrides. Ces espèces peu pérennes seront toutefois en capacité de produire rapidement des stocks. Pour une restauration plus durable de la prairie, on pourra envisager un sursemis de ray-grass anglais et trèfle blanc géant. La fétuque élevée, la fétuque des prés, la fléole, le dactyle sont plus lentes à s’implanter et il faudra être très rigoureux sur le fait de maintenir une hauteur basse du couvert existant afin que les jeunes plantules ne soient pas étouffées et aient accès à la lumière. » Le Gnis insiste enfin sur le comportement des betteraves fourragères qui, « même d’apparence fanées, surprendront par leur faculté de récupération dès que les conditions redeviendront favorables. Occasion de préciser que les betteraves pourront se pâturer au fil dès la fin août. »
BC
(1) « L’épisode de canicule, débuté ce lundi 22 juillet, va accentuer l’assèchement des sols superficiels dans les jours à venir », avertit Météo-France dans un communiqué du 25 juillet.
(2) Le Gnis (Groupement national interprofessionnel des semences) met à disposition les sites techniques www.herbe-book.org et www.prairies-gnis.org et propose une réglette sur le choix des cultures dérobées fourragères.