Pollution de l’air : Bruxelles veut inclure les grands troupeaux

La nouvelle directive sur les émissions industrielles s’appliquerait à « toutes les exploitations bovines comptant plus de 150 UGB ».

La Commission européenne a rendu public, le 5 avril, son projet de nouvelle directive sur les émissions industrielles (DEI). Celui-ci prévoit que « toutes les exploitations bovines, porcines et avicoles comptant plus de 150 unités de gros bétail (UGB) tomberont sous le coup de la directive. La part d’élevages intensifs de bovins, de porcins et de volailles réglementés sera de ce fait augmentée pour atteindre un nouveau total de 13 % des plus grandes exploitations d’élevage de l’UE, parmi lesquelles ont été incluses, pour la première fois, les exploitations bovines. Ces exploitations, 185 000 en tout, engendrent à elles seules 60 % des émissions d’ammoniac dues au bétail dans l’UE et 43 % des émissions de méthane. »

« Les exigences des MTD (meilleures techniques disponibles, ndlr) applicables tiendront compte de la nature, de la taille, de la densité et de la complexité des exploitations d’élevage concernées, notamment des spécificités des systèmes d’élevage en pâturage, dans lesquels les animaux ne sont détenus dans des bâtiments couverts que de manière saisonnière, et de toute la gamme d’incidences sur l’environnement qui peuvent en découler. »

Moins de méthane et d’ammoniac

« La réduction de la pollution de l’air, du sol et de l’eau/des eaux souterraines due à ces exploitations garantirait une maîtrise bien plus élevée des émissions de méthane et d’ammoniac de l’élevage, en particulier. S’ensuivraient les effets suivants : une couverture accrue des émissions d’ammoniac, de 18 % actuellement à 60 % ; une couverture accrue des émissions de méthane, de 3 % actuellement à 43 %. Dans l’ensemble, il devrait en résulter les bénéfices suivants en matière de réduction de la pollution : des réductions des émissions de méthane de 265 kt par an (soit 229 kt par an pour les bovins et 36 kt par an pour les porcins et les volailles) ; des réductions des émissions d’ammoniac de 128 kt par an (soit 50 kt par an pour les bovins et 78 kt par an pour les porcins et les volailles). »

« Les avantages pour la santé humaine, en termes monétaires, de la réduction du méthane et de l’ammoniac provenant de l’ensemble des exploitations bovines, porcines et avicoles tombant sous le coup de la DEI révisée ont été estimés à plus de 5,5 milliards d’euros par an, sans compter l’amélioration des systèmes écologiques », fait encore valoir la Commission européenne.

Dans une lettre ouverte du 4 avril, la FNB redoutait une application de la nouvelle DEI aux élevages bovins comptant plus de 100 UGB.

BC

LES REACTIONS

« La Commission européenne mélange tout » (FNSEA, FNB, FNPL, FNP, CFA)

La Commission européenne a proposé hier une révision de la Directive IED sur les « émissions industrielles » en l’étendant à presque tous les élevages, quelle que soit leur taille. Ainsi, un élevage bovin français de 100 vaches sur 120 hectares nourri à 80 % d’herbe et géré par un couple d’éleveurs, un élevage de 500 porcs alimentés par les céréales produites sur la ferme où travaille une éleveuse, un élevage de volailles avec 2 poulaillers de 1 200 m2 où travaillent l’éleveur et un salarié seraient désormais assimilés, du fait de cette directive, à… des élevages « industriels » !

Cette « classification » aura pour conséquence d’imposer toujours plus de normes de charges et de contraintes bureaucratiques aux éleveurs. Ce faisant, la Commission pousse, de fait, à accroître la taille des élevages et met en danger les élevages les plus petits ! Incompréhensible !

D’où vient cette confusion ? D’une volonté de condamner l’élevage familial en France et en Europe ? D’une volonté d’importer de la viande, du lait, du porc ou des poulets de pays où l’élevage est vraiment industriel, avec des dizaines de milliers d’animaux ? C’est absurde ! Nous appelons à un retour à la raison et à la défense de notre modèle français d’élevages à capitaux familiaux, modernisés, attentifs à l’environnement et performants. Il est garant d’une qualité reconnue et le fondement de notre souveraineté alimentaire !

Nous comptons sur le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, appelés à se prononcer sur cette proposition de révision, pour revenir au bon sens et s’opposer, conclut un communiqué du 7 avril cosigné par la FNSEA et ses associations spécialisées en élevage (FNB, FNPL, FNP, CFA).

« Un projet inacceptable » (Conf’)

« La Confédération paysanne dénonce vivement, dans un communiqué du 12 avril, le contenu du projet de révision de la directive européenne sur les émissions industrielles (IED) présenté par la Commission européenne. Ce texte encadre les émissions polluantes de quelque 50 000 installations en Europe, tous secteurs économiques confondus, dont les plus gros élevages de volailles et de porcs. »

« La Commission européenne propose d’élargir le champ d’application de cette directive aux élevages bovins et d’abaisser le seuil de tous les élevages concernés à 150 unités de gros bétail (UGB), quel que soit le nombre d‘actifs sur les fermes. Ce qui viserait la grande majorité des élevages bovins français, y compris paysans, pénalisant ainsi très fortement les systèmes herbagers aux vertus pourtant reconnues ! »

« Déjà en grande difficulté, les élevages bovins devront régulièrement passer par une coûteuse procédure d’autorisation et d’enquête publique, sur la seule base de leurs émissions de méthane et d’ammoniac, sans aucune considération pour leurs bénéfices sur la biodiversité, l’aménagement du territoire, l’économie locale ou la captation de carbone par les haies et les prairies. »

« La seconde aberration de ce projet (…) est d’alléger le régime d’autorisation existant pour les unités de production industrielles porcines et avicoles. Une aubaine pour les fermes-usines que nous combattons justement pour maintenir et développer un élevage paysan. »

« Ce projet est inacceptable, le Parlement européen et le Conseil doivent le revoir en profondeur pour garantir le maintien d’un élevage paysan en France », conclut le communiqué.

A télécharger :

Projet de DEI (en anglais)

Besoins en main d’œuvre des éleveurs laitiers (Idele, Wallonie – avril 2022)

Le travail dans les grands troupeaux laitiers (Idele, mars 2022)

Bulletin hebdomadaire des filières ruminants (Interbev, 20 avril 2022)

Bulletin hebdomadaire des filières ruminants (Interbev, 6 avril 2022)

Quel climat demain en France ? (Idele, janvier 2022)

Agriculture et numérique (Inrae-Inria, janv. 2022)

Agriculture et changement climatique (Ademe, fév. 2022)

Lisez également

Philippe Marquet président de Biolait

Installé dans la Loire, il transforme une partie de sa production en yaourts destinés à la restauration collective.