Producteurs et industriels laitiers jugent différemment l’attitude de la distribution.
Alors que les fameuses « renégociations commerciales » sur le prix du lait en 2022 tardent à se concrétiser, au moins publiquement, les producteurs de lait (FNPL) appellent les industriels (Fnil) à bouger, tandis que ces derniers demandent à la distribution de relâcher sa pression. Tous mettent en garde contre un risque de décapitalisation du troupeau laitier français.
« L’heure de vérité approche » (FNPL)
« Intermarché a annoncé avoir accepté toutes les hausses demandées au titre de la matière première agricole », rapporte la FNPL dans un communiqué du 30 août. « Intermarché propose même de faire preuve de transparence dans le cadre de réunions tripartites ! Sur BFM/RMC, Dominique Schelcher, PDG de System U, confirme ce que la FNPL clame depuis des mois : « le lait UHT ½ écrémé à moins d’un euro le litre, à terme ce n’est pas tenable ! »
« Les prises de position d’Intermarché et de System U sont importantes, et la FNPL tient à les saluer. Ainsi, nous appelons solennellement tous les autres distributeurs à suivre cet exemple et à ne plus vendre, après le 6 septembre 2022, de lait à un prix qui ne permet pas une juste rémunération des éleveurs, déconnecté de ce qui est pratiqué dans les pays européens comparables. La FNPL et les fédérations départementales resteront mobilisées pour s’en assurer dans toutes les régions françaises. »
« Transparence et hausse du prix du lait en magasin constituent un pas dans la bonne direction, mais cela ne suffira pas. La FNPL lance donc un appel impérieux à l’ensemble de la transformation laitière : ces hausses doivent revenir aux paysans avant qu’il ne soit trop tard. En premier lieu, la loi l’exige. La FNPL veillera à ce qu’elle soit respectée en saisissant, comme elle l’a déjà fait, le médiateur des relations commerciales à chaque fois qu’elle l’estimera nécessaire. En second lieu, après avoir fait des producteurs de lait les variables d’ajustement pendant des années, il est grand temps que toutes les laiteries coopératives et privées considèrent les éleveurs comme des fournisseurs à préserver – certaines laiteries l’ont déjà compris, il suffit de regarder le prix payé aux éleveurs. Faute de quoi, il se pourrait bien que, dans les mois à venir, les usines aient de plus en plus de mal à trouver du lait à transformer (…) Il est inconcevable que des éleveurs soient acculés à la vente d’une partie de leurs troupeaux afin d’acheter du fourrage pour le reste, c’est pourtant la réalité de nombreuses exploitations », déplore la FNPL.
« Les industriels ont pris sur leurs marges » (Fnil)
« Dans un contexte de forte inflation et face à une sécheresse exceptionnelle, les industriels laitiers sont engagés auprès des producteurs grâce à un prix du lait dynamique, en augmentation de près de 25 % en un an », souligne l’industrie laitière (Fnil) dans un communiqué du 30 août. « Les industriels veulent donner de la visibilité aux producteurs et continueront à les accompagner, mais leurs marges de manœuvre sont conditionnées aux négociations commerciales avec la distribution, qui sont trop tardives, peu réactives et insuffisamment efficaces. »
« Après des années de déflation des prix alimentaires, il n’est plus acceptable que le prix de vente aux consommateurs de nombreux produits laitiers se situe à un niveau très inférieur à celui de l’inflation des coûts, comme le lait entier (+5%), le lait demi écrémé (+6%) ou les yaourts (+7%). Si les industriels laitiers ont pris sur leurs propres marges au cours des derniers mois pour continuer à assurer la rémunération des producteurs, cette situation n’est plus tenable. Pour François-Xavier Huard, président-directeur général de la Fnil : « les producteurs et les industriels laitiers ne doivent pas être la variable d’ajustement des marges et des parts de marché de la distribution ».
« Après des mois de négociations et plusieurs missions parlementaires qui confirment le bien-fondé de ses demandes, la Fnil demande donc : que les hausses légitimes de tarifs proposées par les laiteries et les fromageries soient immédiatement acceptées par la distribution et répercutées sur le prix au consommateur ; que les contrats déjà signés soient mis en œuvre de manière urgente pour remonter dès que possible la valeur en amont de la filière. En parallèle, la Fnil souhaite qu’un plan de soutien à l’installation de jeunes agriculteurs dans la filière laitière puisse être rapidement mis en œuvre entre l’interprofession et le gouvernement, pour lutter contre la décapitalisation du cheptel et la déprise laitière dans les territoires. « Il en va de la rémunération des producteurs, de la compétitivité des industriels et de la pérennité de la filière laitière en France », avertit François-Xavier Huard.
BC
A télécharger :
La collecte se redresse en semaine 36 (FranceAgriMer, 20 sept. 2022)
Tableau de bord hebdomadaire des produits laitiers (FranceAgriMer, 16 sept. 2022)
Tableau de bord hebdomadaire des produits laitiers (FranceAgriMer, 9 sept. 2022)
Le prix du lait dans l’UE (Commission européenne, 7 sept. 2022)
Tableau de bord européen des produits laitiers (DG Agri, 7 sept. 2022)
« Les producteurs restent une variable d’ajustement » (tribune France OP Lait, 29 août 2022)
Les abattages bovins toujours en repli (ministère de l’agriculture, 2 sept. 2022)
Tableau de bord européen des produits laitiers (DG Agri, 31 août 2022)
Les prix agricoles en hausse de 25% sur un an (ministère de l’agriculture, 31 août 2022)
Note de conjoncture lait de vache (FranceAgriMer, 29 août 2022)
Tableau de bord hebdomadaire des produits laitiers (FranceAgriMer, 26 août 2022)
Tableau de bord mensuel des indicateurs du Cniel (25 août 2022)