« On ne reprend jamais le lait »

La section lait de la Coordination rurale (CR) s’est réunie le 12 janvier à Rethel (Ardennes). Sa présidente, Sophie Lenaerts, éleveuse dans l’Oise, a répondu à nos questions.

Le prix du lait atteint des niveaux inédits. Pourtant, vous continuez à vous dire « inquiète ». Pour quelles raisons ?

Certes, le prix du lait a augmenté mais il n’atteint toujours pas, en moyenne, les 500 €/1000 l que nous jugions nécessaires déjà l’été dernier. Depuis, les charges se sont envolées. Pour ne rien arranger, beaucoup d’agriculteurs se sont couverts au moment où les intrants étaient au plus haut. Cela va peser sur leurs résultats en 2023, au moment où la fiscalité va sanctionner les bons résultats apparents (décalage de charges) de 2022. Or, les trésoreries ne se sont toujours pas remises de la crise laitière de 2009. Selon les Comptes de l’agriculture de la Nation, le surendettement atteint toujours 15 000 à 20 000 € par actif non salarié dans la production laitière.

De manière structurelle aussi, les raisons d’inquiétudes ne manquent pas. Le changement climatique, aussi bien que l’évolution des attentes sociétales, ne facilitent pas une bonne visibilité à long terme. La décapitalisation du cheptel s’amplifie, favorisée par les prix de la viande en 2022. On est tenté de ne pas garder les animaux imparfaits. Les jeunes générations refusent nombre des contraintes qui pesaient sur leurs aînés. Si, en plus, le revenu n’est pas là… Quand un éleveur arrête le lait, il n’y revient jamais.

Qu’espérez-vous en 2023 ?

Ce serait déjà pas mal si la régulation des marchés pouvait conduire à des prix rémunérateurs. Or, nous redoutons que la nouvelle Pac, qui permet à chaque pays européen de faire sa popote dans son coin, n’affaiblisse l’UE vis-à-vis de ses concurrents internationaux. La Pac 2023-2027 est également synonyme de soutiens en baisse (de 240 à 175 €/ha en moyenne) et de contraintes en hausse (éco-régimes).

L’autre grand chantier de l’année sera la loi d’orientation agricole. Au vu des premiers échanges, l’installation paraît avoir été négligée. Impossible, dans ces conditions, de bâtir l’agriculture viable, vivable et transmissible à laquelle nous aspirons.

Votre journée laitière du 12 janvier met l’accent sur les médecines alternatives en élevage. Pourquoi ce choix ?

C’est une demande de nos adhérents, en particulier de nos jeunes, qui ont une forte sensibilité sur le sujet. C’est pourquoi la CR participe au collectif Plantes en élevage. Les médecines alternatives sont promues par le plan EcoAntibio mais réfrénées parfois par la réglementation, voire certains vides juridiques. Quelles sont les huiles essentielles autorisées ? Quelles sont leurs promesses d’efficacité ou leurs limites ? Ou celles de l’ostéopathie ? Notre rendez-vous annuel est l’occasion de faire le point.

Propos recueillis par Benoît Contour

(Crédit photo : Coordination rurale)

A visionner :

Vidéo mensuelle de conjoncture laitière (Cniel, 12 janv. 2023)

A télécharger :

La filière laitière en bref (FranceAgriMer, 27 janvier 2023)

Conjoncture laitière au 24 janvier 2023 (Cniel)

La collecte dans le rouge (FranceAgriMer, 24 janv. 2023)

La collecte entame 2023 dans le rouge (FranceAgriMer, 17 janv. 2023)

Tableau de bord européen des produits laitiers (DG Agri, 11 janv. 2023)

415 à 460 €/1000 l pour les clôtures du printemps 2023 (Cerfrance, 10 janv. 2023)

La collecte a rechuté en décembre (FranceAgriMer, 10 janv. 2023)

Trajectoires d’évolution des élevages laitiers de l’Ouest (Idele, 10 janv. 2023)

Observatoire technico-économique des systèmes bovins laitiers (Civam, déc. 2022)

Lisez également

Le prix du lait progresse moins vite en France

En octobre, selon Bruxelles, le prix moyen du lait dans l’UE s'est établi à 51,71 €/100 kg, enregistrant une hausse par rapport à septembre (49,61 €/100 kg).