Une « nouvelle carte des zones défavorisées » controversée

Stéphane Travert a présenté à la profession agricole, le 20 février, une « carte retravaillée » des zones défavorisées simples (ZDS) que le président de la République a présentée, deux jours plus tard, comme un « point final ». Pour les syndicats agricoles, au contraire, elle doit encore être améliorée.

Le ministre de l’agriculture fait valoir, dans un communiqué, que la nouvelle carte « améliore la situation globale, avec 14 000 communes classées contre 13 984 dans la carte du 9 février et 1.349 communes sortantes au lieu de 1 401. Elle devra être encore complétée par l’application d’un critère de continuité territoriale ».

« Si l’entrée d’un nouveau secteur dans le zonage constitue une opportunité de développement de l’agriculture et d’installation de nouveaux exploitants, la sortie d’une zone suscite en revanche de l’inquiétude chez les agriculteurs concernés », reconnaît le ministre. Aussi a-t-il annoncé la « construction d’un dispositif d’accompagnement :

–        l’élaboration de diagnostics territoriaux sur le nombre de bénéficiaires sortants, la typologie de leurs situations et de leurs difficultés, avec une attention particulière portée aux agriculteurs nouvellement installés ;

–        la réunion d’un groupe État‐Conseils régionaux pour identifier des outils mobilisables et adaptés aux différents territoires, et pour définir les conditions de leur bonne articulation ;

–        la mise en place de deux groupes de travail réunissant l’État, les Conseils régionaux et les professionnels, le premier avec une approche « projet individuel », le second avec une approche territoriale. « Ce deuxième groupe devra notamment se pencher sur la situation de départements du Centre Ouest (Deux‐Sèvres, Maine-et-Loire, Indre-et-Loire, Loiret) et plus globalement sur les perspectives à construire pour les zones intermédiaires », précise le ministère.

« Un travail loin d’être terminé », selon la FNSEA

Ces annonces n’ont pas totalement convaincu la FNSEA et les JA. Si les deux syndicats « prennent acte » de la nouvelle carte, ils regrettent qu’elle continue à « exclure trop de zones ». Le dispositif d’accompagnement est par ailleurs jugé insuffisant. « Les agriculteurs qui vont perdre les aides ne peuvent se contenter de réflexion ou de promesses d’engagements. Ils attendent du concret (…) Les groupes de réflexion annoncés doivent se réunir de toute urgence et intégrer les professionnels et les Conseillers régionaux (…) Le travail est loin d’être terminé, il doit aussi être poursuivi à Bruxelles pour améliorer et valider la proposition française. »

« Les agriculteurs sacrifiés », pour la Coordination rurale

« C’est une nouvelle fois un sentiment d’abandon qui habite les agriculteurs de la Coordination rurale. Abandon de la part du gouvernement français qui plie sous l’insistance de l’Union européenne, l’obligeant à ne plus considérer certains de ses territoires réellement handicapés comme tels. Les mesures d’accompagnement annoncées à grand renfort de communication n’y changeront rien. Limitées dans le temps, elles ne permettront pas aux agriculteurs de ces zones défavorisées de faire face à leurs handicaps structurels. »

« Un grand flou persiste », estime la Confédération paysanne 

« La nouvelle carte (…) continue à exclure des paysans qui ont besoin de l’ICHN », estime la Confédération paysanne. Un grand flou persiste quant aux sortants du dispositif. Il ne sera pas levé avant le mois de septembre, échéance que le ministère s’est fixée pour avoir la validation de la Commission européenne sur ce nouveau zonage. Cette situation laisse dans l’incertitude des milliers de paysannes et paysans pour encore plusieurs mois, sans compter que les critères de la France pourraient être rejetés par la Commission. Il faut donc poursuivre le travail sur ce zonage tant que la Commission ne s’est pas prononcée.

« Deux années de transition » (Emmanuel Macron)

À l’occasion de son discours à la « nouvelle génération agricole » prononcé le 22 février à l’Élysée, le président de la République est longuement revenu sur le dossier des ICHN, en insistant sur le « travail important qui a été fait » en ce domaine. « Il y a 115 cartes qui ont été changées, 115 versions. Et nous l’avons fait, le ministre a présenté mardi le point final, c’est une décision prise sur la carte sans clientélisme ni arbitraire, mais sur la base de critères avec des vraies avancées obtenues dans les discussions avec la Commission européenne qui a reconnu des principes de continuité territoriale, qui a permis d’abord d’améliorer le résultat dans les dernières semaines. Au final, il y a 1 380 communes qui sortiront et il y a 4 900 communes qui entrent et plus de moyens alloués à l’ICHN. Mais, comme souvent en France, ceux qui rentrent et qui ont les nouveaux moyens ne disent pas merci et, assez étrangement, ça n’est pas eux qu’on va interviewer prioritairement pour qu’ils puissent s’exclamer en disant « c’est formidable, je n’avais pas l’ICHN, ça va changer ma vie » mais il y en a quand même qui vont y arriver puisqu’on a plus de communes couvertes. Mais je sais l’angoisse pour toutes celles et ceux qui vont aussi sortir parce que c’est une part importante de leurs revenus. Alors, sur ce volet-là, il y aura un vrai travail d’accompagnement qui doit dans les prochaines semaines être construit, et le ministre s’est personnellement et avec beaucoup de force investi depuis des mois sur ce sujet et va le poursuivre. Il y aura d’abord, à partir du 1er janvier 2019, deux années de transition qui seront construites avec vous pour justement lisser les effets. Il n’y aura pas brutalement la fin des indemnités, ça n’est pas soutenable et pour personne, et je souhaite surtout, je veux que durant les semaines et les mois qui viennent, pour tous ceux qui sont impactés, on construise des mécanismes de substitution qui permettront d’accompagner ces changements. Mais il faut bien se dire les choses dans le même temps, les départements les plus touchés, les communes les plus touchées, il n’y avait plus aucun argument objectif par rapport aux critères donnés par la Commission et qui ne sont pas d’ailleurs compensateurs de handicaps naturels, ils compensent des difficultés de la filière, des difficultés qui leur sont propres, qu’il faut compenser avec d’autres instruments, il faut les aider à aller plus vite, j’y reviendrai, vers la méthanisation, il faut les aider à aller plus vite vers d’autres perspectives, photovoltaïque ou autres, il faut les aider à investir pour en effet être plus rentable mais on ne peut pas se mentir plus longtemps. »

Benoît Contour

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