« Moi, président(e)… »

A l’initiative du Conseil de l’agriculture française (1), six candidat(e)s à la présidence de la République ont passé un « grand oral », le 30 mars à Besançon (Doubs), en marge du congrès de la FNSEA.

Fabien Roussel (PCF), Emmanuel Macron (dans un discours et une interview enregistrés la veille), Marine Le Pen (RN), Valérie Pécresse (LR), Eric Zemmour (Reconquête !) et Jean Lassalle (Résistons !) ont, successivement, disposé de 10 minutes pour présenter leur projet agricole avant de répondre à des questions (du CAF et de la salle) pendant une demi-heure. Jean-Luc Mélenchon (LFI), Yannick Jadot (EELV) et Anne Hidalgo (PS) ont décliné l’invitation. Nicolas Dupont-Aignan (DLF), Philippe Poutou (NPA) et Nathalie Arthaud (LO) n’avaient pas été conviés au motif qu’ils sont crédités de moins de 2 % des intentions de vote dans les sondages.

Fabien Roussel – « seul candidat de gauche » à ce « grand oral », ainsi qu’il l’a souligné – veut « 500 000 agriculteurs en 2030 ». Pour y parvenir, il promet un doublement des moyens alloués à la formation et à l’installation (une banque sera privatisée pour distribuer des prêts à taux négatif), des prix agricoles « garantis et encadrés », des « clauses miroir » (réciprocité des engagements) avec les pays extérieurs à l’UE ainsi que l’exclusion de l’agriculture des accords de libre-échange. Opposé aux « fermes usines », il entend « favoriser les exploitations de taille moyenne et petite, soutenir d’abord les 60 premiers hectares et plafonner à 150 000 € » par an les aides Pac.

Emmanuel Macron entend prolonger les initiatives lancées durant son quinquennat : lois Egalim pour une « meilleure rémunération » des agriculteurs, adaptation au changement climatique (des plans d’action sont « en cours de finalisation » dans chaque filière), « clauses miroir » avec les pays tiers… Le conflit en Ukraine commande de « produire plus », mais « sans opposer agriculture et écologie » car il est possible de « réconcilier les agendas ». Une « loi d’orientation » permettra d’améliorer la compétitivité en réduisant les charges (« le TODE sera pérennisé »), de favoriser l’accès au foncier tout en protégeant les terres (des « actifs stratégiques »), d’encourager l’investissement dans le numérique, la robotique ou la génétique végétale (il veut rapidement un cadre européen pour les NBT (2)), de renforcer l’enseignement agricole ou de lutter contre les déserts vétérinaires. Il promet une « grande loi de simplification » pour accélérer les procédures d’autorisation et de raccordement des installations de méthanisation ou agrivoltaïques.

Marine Le Pen veut des « aides couplées à la production qui compensent l’écart » entre les prix intérieurs et les cours mondiaux, un « ministère de la ruralité » qui permette de « rééquilibrer les territoires », un « statut de l’animal », ou encore « 80 % de produits français dans la restauration collective d’ici cinq ans ». Elle entend « renforcer » les lois Egalim, exonérer de tout impôt les successions agricoles si l’exploitation est gardée dix ans au moins, porter de quatre mois à un an les aides à l’achat de carburant mises en place au 1er avril. Elle promet plus de moyens pour lutter contre les intrusions dans les fermes, qu’elles viennent des « talibans de la verdure » ou de la « délinquance itinérante ». Elle souhaite « pérenniser et améliorer les contrats vendange ».

Valérie Pécresse veut d’abord des « prix justes » en « imposant avec force Egalim 2 ». Elle entend ensuite « libérer les énergies » grâce à « moins de charges et moins de normes » : un « comité de la hache » taillera dans les réglementations ; ce qui relève de la loi sera réexaminé par le Parlement au 1er semestre 2023 ; les textes européens seront « renégociés ». En matière de phytosanitaires, « pas d’interdiction sans solution ». Elle promeut le « renouvellement des générations » avec une « défiscalisation à 95 % » des successions agricoles, assortie d’une « exonération de plus-values pour le cédant ». Elle portera le minimum vieillesse à 1 000 € par mois et « fera la réforme des retraites », de sorte qu’aucune pension ne sera inférieure au Smic. Elle veut créer les conditions d’un « meilleur accueil pour les femmes en milieu rural » grâce à davantage de services de remplacement et de lieux pour les jeunes enfants. Elle compte mettre en place le « repas à 1 euro » dans les cantines scolaires au bénéfice des familles les plus pauvres.

Eric Zemmour veut réunir « l’agriculture, l’environnement, la chasse et la pêche » dans un même ministère, afin que « l’écologie cesse de tyranniser l’agriculture ». Il ne croit pas à la cohabitation de l’élevage avec les prédateurs car « c’est une chimère de vouloir réconcilier le loup et l’agneau ». Il ne veut plus d’accords de libre-échange, ni de « surtransposition » des textes européens dans le droit français. Le renouvellement des générations impose une exonération des transmissions d’exploitations agricoles, un relèvement de la DJA, une simplification des procédures foncières. Il veut une réorientation de l’argent de la politique de la ville vers les campagnes pour embaucher 1 000 médecins dans les zones sous-dotées et financer une « prime de 10 000 € pour chaque naissance en milieu rural ». Il propose d’abaisser la CSG pour relever les retraites de 600 € par an, de porter la pension de réversion de 54 % à 75 %, et de rétablir la demi-part fiscale des veuves. Il veut supprimer les centrales d’achat, interdire l’installation de grandes surfaces à l’entrée des petites villes et instaurer un « Patriscore » sur le modèle du Nutriscore.

Jean Lassalle, vainqueur à l’applaudimètre à son arrivée à la tribune, a essentiellement dit sa passion pour l’agriculture, les agriculteurs – ses « frangins » – et les territoires ruraux. Il veut « reconstruire une organisation territoriale qu’on a détruite pour remettre de la cohérence », et transférer 3 milliards d’euros du budget alloué à l’UE vers les campagnes françaises au terme d’un référendum. Président, il « relancera l’agriculture. Une première priorité qui entraînera les autres. » S’il n’est pas favorable à un « Frexit », il propose de « se mettre en congé de la convention de Berne ou de la directive habitat car le loup et le lynx n’ont rien à faire dans nos troupeaux. »

BC

(1) Le CAF réunit la FNSEA, les JA, la CNMCCA (Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles) et les Chambres d’agriculture (APCA).

(2) New breeding techniques

A télécharger : Lettre de Christiane Lambert au réseau FNSEA (15 avril 2022)

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