Méthanisation : l’agriculture attendait mieux

Le plan de développement du biogaz que vient d’annoncer le gouvernement déçoit l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France.

Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a dévoilé, le 26 mars, les conclusions du groupe de travail « méthanisation » mis en place, le 1er février dernier, par le gouvernement. À cette occasion, quinze mesures ont été annoncées, qui s’organisent autour de trois axes prioritaires : donner aux agriculteurs les moyens de compléter leurs revenus (6 mesures) ; professionnaliser la filière méthanisation ; accélérer les projets de méthanisation. Des mesures accueillies plutôt fraîchement par l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) – son président, Francis Claudepierre, participait, le 26 février dernier au SIA, aux côtés de la présidente de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), Christiane Lambert, à un colloque ouvert par Sébastien Lecornu (à droite sur notre photo).

Appels d’offres pour les projets avec injection atypiques

« Un appel d’offres spécifique sera lancé pour permettre d’intégrer des projets qui n’entrent pas dans le cahier des charges des dispositifs existants, qui se concentrent actuellement exclusivement sur l’installation de méthaniseurs. Ces projets permettront d’accroître la production de biogaz sur des sites existants. Cette mesure concerne une diversité de typologie de projets, sous réserve que ces projets démontrent un intérêt sur le plan économique et environnemental, comme l’extension d’une installation existante, l’adaptation de méthaniseurs existants, la transformation d’une installation de cogénération en installation d’injection dans le réseau ou de double valorisation, le regroupement de plusieurs méthaniseurs, d’épurateurs, et de points d’injection ; ou encore des projets de biométhane porté pour lesquels plusieurs installations de production mutualisent un même point d’injection. »

Complément de rémunération pour les petites installations

« L’État va simplifier les règles de soutien tarifaire avec la création d’un tarif de rachat à guichet ouvert pour les installations de taille moyenne de 500 kW à 1 MW plutôt que des appels d’offres trop lourds pour cette taille de projet. Cette mesure sera prise par arrêté. »

Facilitation de l’accès au crédit

« La filière fait face à un problème d’accès au financement bancaire en raison d’une exigence d’un taux minimal de fonds propres et de garanties élevées pour bénéficier d’un financement bancaire. Le ministre de l’Agriculture a annoncé qu’il consacrera 100 millions d’euros sur le Grand Plan d’Investissement (GPI) pour financer un fonds de garantie BPI au bénéfice des projets de méthanisation agricole. »

Sortie du statut de déchets des digestats

« La facilitation de la valorisation organique des digestats va permettre de sécuriser les approvisionnements des agriculteurs. Une norme adaptée et dédiée aux digestats sera élaborée avec la profession, comme il en existe déjà une sur les composts. La possibilité de futurs cahiers des charges pour les digestats de méthanisation sera étudiée, intégrant notamment des biodéchets, sous l’égide du ministère de l’agriculture. Le code rural encadrera la sortie du statut de déchet de l’ensemble des matières fertilisantes et supports de culture fabriqués à partir de déchet, comme les digestats. »

Du bioGNV pour les engins agricoles

« L’utilisation du bioGNV par les engins agricoles sera rendue possible dans un avenir proche sur le territoire national à l’issue d’un travail en cours au niveau européen sur les modifications du règlement 167/2013 relatif à la réception des véhicules agricoles et de ses actes délégués (règlement 2015/96 et 2015/504). »

Décarbonisation du secteur des transports

« Un soutien financier sera mis en place pour les méthaniseurs qui alimentent les véhicules (bus, camions) permettant ainsi de contribuer à décarbonisation du secteur des transports et de développer un nouvel usage direct local du biométhane, en particulier lorsqu’on est loin du réseau de gaz. »

« L’AGRICULTURE OUBLIEE »

L’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) « se réjouit », dans un communiqué du 28 mars, « de voir trois dispositions importantes retenues : la professionnalisation de la filière avec la mise en place de formations dans le réseau de l’enseignement agricole dès 2018 et la mise en œuvre d’une charte des bonnes pratiques imaginée par notre association ; les adaptations réglementaires pour permettre le développement d’engins agricoles roulant au bioGNV ; le mécanisme de garantie des prêts bancaires par la BPI ». Cependant, ajoute l’association, « plusieurs autres mesures ne serviront pas les intérêts de l’agriculture. »

L’AAMF émet ainsi « de fortes réserves sur la proposition visant à rendre possibles les mélanges d’intrants comme les boues de stations d’épuration et les biodéchets. Nous participerons activement aux travaux sur le sujet. Les agriculteurs méthaniseurs sont capables de répondre aux enjeux de la valorisation et du retour au sol des biodéchets et des boues urbaines. Les collectivités locales doivent s’appuyer sur la méthanisation agricole pour respecter une logique d’économie circulaire et de sécurité sanitaire. Nous restons attachés à une réglementation ferme qui garantit un épandage des digestats fiable, gage d’une production alimentaire de qualité. »

De même, l’AAMF se dit « fermement opposée à la sortie du digestat du statut déchet. Le retour au sol du digestat doit rester lié au mécanisme du plan d’épandage avec des assouplissements facilitant les échanges de matière entre agriculteurs. La sortie du digestat du statut déchet présente de trop gros risques sanitaires. »

Par ailleurs, l’association juge les mécanismes d’appels d’offres « inadaptés au monde agricole, que ce soit pour le bioGNV ou le biogaz porté. Le mécanisme d’appels d’offres « Tarif de rachat à guichet ouvert » proposé pour les installations de 500 kW à 1 MW ne correspond donc pas aux besoins du monde agricole. »

« Enfin, poursuit l’AAMF, le plan présenté est dépourvu des moyens financiers indispensables au développement attendu. Il faut maintenir les aides à l’investissement. Sans cela, les nombreux projets d’agriculteurs attendus n’aboutiront pas. Les agriculteurs ne disposent pas des fonds propres nécessaires à l’autofinancement des projets de méthanisation car endettés à court terme pour financer les résultats négatifs des crises récentes. L’Etat doit abonder le fonds d’aide à l’investissement dédié à la méthanisation agricole à proportion des ambitions fixées par la PPE (1). Ainsi, à fin mars, plusieurs régions ont déjà consommé les enveloppes 2018 Ademe Méthanisation (2). Une ligne directrice nationale doit régir l’attribution de ces aides pour corriger les distorsions régionales. Les propositions de prêts délégués faites par la BPI et d’avance tarifaire formulées par la CRE (3) doivent être étudiées. »

BC

 

(1) PPE : programmation pluriannuelle de l’énergie

(2) Ademe : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

(3) CRE : Commission de régulation de l’énergie

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