L’ex-ministre des relations avec le Parlement est devenu, le 20 mai 2022, « ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire » : une nouvelle appellation réclamée par la FNSEA. Sans attendre que le nouveau ministre prenne ses marques, syndicats et associations agricoles le pressent de répondre à leurs revendications, nombreuses et diverses.
Julien Denormandie quitte le gouvernement, en expliquant qu’après dix années passées dans les ministères (dans les cabinets ministériels sous la présidence Hollande, comme secrétaire d’Etat puis ministre durant la première présidence d’Emmanuel Macron), il souhaite « enfin pouvoir consacrer plus de temps à (sa) famille ».
LES REACTIONS
« Accompagner l’agriculture dans ses transitions » (Chambres d’agriculture)
« Les Chambres d’agriculture se félicitent de la nomination de Marc Fesneau comme ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Sa connaissance du monde agricole et des Chambres d’agriculture de par son parcours professionnel, mais aussi de la ruralité et des acteurs du territoire, sera un atout pour nous permettre de travailler ensemble à relever les nombreux défis auxquels doit faire face le monde agricole. »
« Parmi les principaux défis : le revenu des agriculteurs, l’impact du changement climatique, les attentes sociétales. A ces trois défis s’ajoute désormais le besoin d’augmenter la production et on peut se féliciter que le ministère de l’agriculture et de l’alimentation devienne le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. »
« Parce que le monde agricole est en proie à des incertitudes inédites, nous savons que nous pourrons compter sur le nouveau ministre de l’agriculture pour travailler de manière opérationnelle afin d’accompagner l’agriculture dans ses transitions économiques, sociétales et climatiques. C’est pourquoi nous allons demander à rencontrer rapidement le nouveau ministre afin de partager ces différents enjeux et lui faire part de nos propositions », conclut Sébastien Windsor, président des Chambres d’agriculture.
« Revaloriser l’acte de production durable » (FNSEA)
« La FNSEA félicite Monsieur Marc Fesneau pour sa nomination au poste de Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. C’est dans un esprit constructif, avec la volonté ferme de conforter l’agriculture française comme source de solutions en matière d’alimentation souveraine et durable, d’énergies renouvelables, de lutte contre le changement climatique et de protection de la nature, que la FNSEA accueille le Ministre. »
« Le contexte de crise sanitaire et de guerre sur le sol européen ainsi que les défis auxquels contribue l’agriculture – démographiques, économiques, environnementaux, énergétique et sociétaux – nécessitent de revaloriser l’acte de production durable sur nos territoires. »
« Les agriculteurs attendent des perspectives claires pour jouer leur rôle d’acteur de premier plan de la reconquête de la souveraineté alimentaire et énergétique, tant en France qu’en Europe. Ils attendent des réponses immédiates pour parer à l’urgence à court terme : hausses exceptionnelles des charges, notamment des intrants, de l’alimentation animale ou de l’énergie, et sécheresse qui impactent déjà des récoltes pourtant prometteuses. Mais ils attendent aussi les conditions qui leur permettent de voir loin et de tirer une juste rémunération de leur engagement dans le métier. »
« Dans ce cadre, la loi d’orientation et d’avenir annoncée par le Président de la République sera un acte fort et la FNSEA, syndicat de propositions et de solutions, sera au rendez-vous pour porter la voix des agriculteurs : cet enjeu d’attractivité des métiers est absolument majeur pour l’avenir même de l’agriculture française, pour la place de la production agricole française dans la balance commerciale, pour sa contribution aux grands enjeux alimentaires mondiaux fragilisés par les multiples crises et pour la transition écologique de notre pays. »
« C’est dans ce même esprit volontariste que la FNSEA aborde l’orientation de planification écologique souhaitée par le Président de la République et confiée à la Première Ministre. L’agriculture française, qui est une solution au défi écologique, soutiendra la lisibilité de cet enjeu auprès des agriculteurs via des objectifs ambitieux, clairs et réalistes. Elle attend de la puissance publique un accompagnement, fort et pérenne, pour permettre aux agriculteurs de poursuivre la voie du progrès empruntée depuis plusieurs décennies maintenant. Innovation au service de la transition agroécologique, réduction de l’impact carbone par l’émission de crédits carbone agricoles, pratiques régénératives favorables à la biodiversité naturelle et cultivée, production d’énergies renouvelables… Les potentiels sont là, et doivent être soutenus et encouragés. »
« La FNSEA sera un partenaire ouvert et à l’écoute du nouveau Ministre. Mais aussi un partenaire exigeant car les épreuves vécues ces deux dernières années doivent porter leurs enseignements et recréer le consensus autour de la nécessité de produire sur notre territoire, une alimentation durable et accessible à tous. Dans le sévère contexte inflationniste que nous traversons et qui affecte tout particulièrement les plus précaires, le chèque alimentaire est évidemment une urgence. L’enjeu de la souveraineté alimentaire durable nous oblige collectivement. »
« Des dossiers urgents attendent le nouveau ministre » (CR)
La Coordination Rurale prend acte de la nomination de Marc Fesneau au ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire et l’en félicite. La nouvelle appellation du ministère consacre la priorisation de la souveraineté alimentaire que la Coordination Rurale défend depuis sa création. Cela passe par des agriculteurs en plus grand nombre, une politique de rentabilité économique et une réglementation environnementale adaptée à cet enjeu. »
« Le syndicat ose espérer que Monsieur Fesneau saura porter un projet ambitieux, mais surtout de bon sens, pour l’agriculture. Les chantiers sont nombreux et c’est bien d’une certaine « dose de courage », selon les mots de son prédécesseur, dont il devra faire preuve pour que puisse advenir une politique agricole cohérente sur les enjeux économiques et environnementaux. »
« Le texte d’orientation et d’avenir agricole sera un de ces chantiers. Les positions de Marc Fesneau relatives au foncier et à l’installation laissent espérer des avancées positives en la matière. La CR compte sur le nouveau ministre, qui a démontré au travers de ses différents mandats locaux et nationaux, une ambition certaine en faveur de l’élevage et de l’agriculture plus globalement. »
« Le syndicat espère également que le statut d’ancien « élu rural » conférera à Marc Fesneau clairvoyance et sens pratique dans le dossier sensible du stockage de l’eau. Face à la sécheresse, des restrictions d’eau ont déjà été actées dans plusieurs départements. Le stockage de l’eau est plus que jamais une priorité ; le nouveau ministre de l’Agriculture doit en avoir conscience. »
« Un changement de cap s’impose » (Conf’)
« Nous souhaitons la bienvenue à Marc Fesneau au Ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire. Nous nous félicitons que le concept de souveraineté alimentaire figure dans l’intitulé de ce nouveau Ministère, concept porté et développé par La Via Campesina en avril 1996 comme alternative aux politiques néolibérales de l’OMC qui ont dérégulé les marchés. Incluse dans la définition même de la souveraineté alimentaire, l’expression démocratique des peuples fait partie prenante du concept. Ce nouvel intitulé appelle donc à un débat démocratique majeur sur l’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et du modèle agricole. »
« La nomination de Marc Fesneau à la tête du Ministère de l’agriculture marquera-t-elle une prise de conscience du Président de la République face au marasme agricole ? Qu’il s’agisse du revenu paysan, de la gestion de la grippe aviaire, de la Pac, du foncier, du renouvèlement des générations et de l’installation, des OGM, des méga-bassines ou encore de méthanisation… toutes les décisions prises lors du précédent quinquennat l’ont été à rebours de la mise en œuvre de la transition agroécologique et de la souveraineté alimentaire, dont la définition a été largement dévoyée. »
« Nous sollicitons dès maintenant un rendez-vous avec le nouveau Ministre. La planification écologique et la souveraineté alimentaire doivent être l’occasion de nouer un dialogue constructif entre le Ministre et la Confédération paysanne. La planification écologique, nous la pratiquons déjà sur nos fermes depuis des années au travers de l’agriculture paysanne. Or cette dernière a été fortement attaquée et pénalisée lors du précédent quinquennat sous la pression des lobbys agroindustriels et financiers. »
« La réponse de la France concernant le PSN aux observations de la Commission européenne dans les semaines à venir constitue la dernière chance pour mettre en œuvre une Pac qui réponde mieux aux défis et aux attentes des agriculteurs : meilleure répartition des aides, accompagnement à la transition, reconnaissance de l’AB et autonomie des fermes, renouvellement des générations… »
« Notre volonté d’apporter une réponse efficace et pérenne à l’ensemble du monde agricole est entière, tout en exigeant le respect entier et constant du pluralisme syndical agricole. Les travaux avec ce nouveau Ministère doivent absolument porter cette ambition. Le financement du développement et de l’accompagnement à l’installation doit augmenter et être équitablement réparti. Nous rappellerons et porterons des propositions concrètes pour que les dossiers du revenu et de l’emploi paysans, du partage du foncier et de l’eau, de l’élevage plein air soient traités avec force et détermination pour mettre fin aux reculs sociaux et écologiques de ces années passées. Nous jugerons sur les actes de ce nouveau gouvernement de la véritable reconnaissance du rôle d’utilité publique du métier de paysan.ne. »
« Des prix minima garantis par l’Etat » (Modef)
« Le Modef prend acte de la nomination de Marc Fesneau au ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire. Le Modef demande au nouveau ministre de changer radicalement la politique agricole et de rompre avec celle qui est responsable de la sous-rémunération des paysans avec des revenus en dessous du seuil de pauvreté, d’une réduction continue du nombre d’exploitations et d’une spécialisation des productions. Dans ce contexte, il est primordial de garantir la rémunération des paysans par des prix garantis par l’État, d’encadrer les marges et les pratiques de la grande distribution par le coefficient multiplicateur et maîtriser les productions agricoles sur le marché intérieur. »
« L’installation doit être un enjeu majeur pour le devenir de l’Agriculture. Aujourd’hui, un exploitant sur quatre a plus de 60 ans et 58 % des chefs d’exploitations et co-exploitants ont 50 ans, un chiffre en augmentation de 6 points depuis 2010. L’installation de jeunes et nouveaux agriculteurs devient un enjeu prioritaire, sachant que, dans 5 ans, 270 000 agriculteurs vont partir à la retraite. Des outils d’accompagnement à la transmission doivent être proposés aux agriculteurs plusieurs années avant leur départ en retraite, d’autant plus lorsque le système d’exploitation demeure viable. Les installations sont en baisse de 6,7 % en 2020 ; on compte aujourd’hui une installation pour deux à trois départs à la retraite. »
« Le Modef exige une politique des structures qui favorise réellement l’installation par rapport aux agrandissements, une aide complémentaire afin de garantir un Smic durant 5 ans lors d’une installation, une aide à la transmission des exploitations de 30 000 € à destination des chefs d’exploitations en fin de carrière, la mise en place d’un prêt à taux zéro, plafonné à 30 000 €, pour tout projet d’installation et l’assouplissement des règles permettant d’obtenir les aides à l’installation en repoussant la limite d’âge à 45 ans. »
« Et enfin, les deux lois Egalim sont un véritable échec pour les exploitants familiaux. Le ministre devra prendre à bras le cors la question des prix payés aux producteurs et l’encadrement des marges de la grande distribution. Le Modef sollicitera une rencontre avec le nouveau ministre le plus rapidement possible. »
« Redonner à la bio sa place dans la prochaine Pac » (FNAB)
« Le président de la République entame son second mandat en affirmant que « ce quinquennat sera écologique ou ne le sera pas ». Pourtant, jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement a échoué à atteindre les objectifs qu’il s’était fixé en matière de développement de l’agriculture biologique. Ni l’objectif de 15% de surfaces en Bio au 1er janvier 2022, ni celui de 20% d’aliments bio dans les cantines à la même date, n’ont été atteints. La profession agricole biologique attend donc de son nouveau ministre des annonces fortes et rapides pour que la bio soit à nouveau une priorité politique. »
« Conformément à la demande de l’Europe, la France doit redonner à la bio sa place au sein de la prochaine Pac : la FNAB demande une aide de 145 euros par hectare et par an dans l’éco-régime. »
« Il est primordial dans un premier temps de répondre à l’urgence et de mettre en place une aide dédiée de 20 centimes d’euro par assiette pour contrer la hausse des prix alimentaires qui pénalise la bio à la cantine. Ensuite, il faudra, à travers la prochaine loi de finances, accroître l’enveloppe dédiée à la formation du personnel de cuisine et à l’équipement des restaurants avec une prime aux collectivités de trente centimes d’euro par repas et par an. »
« Certaines filières bio connaissent un ralentissement du marché et une crise de croissance. C’est notamment le cas des fermes bio laitières qui ont perdu 17 millions d’euros en 2021. « Si la France avait respecté son objectif de 20% de bio à la cantine, il n’y aurait pas eu de crise du lait bio », souligne Eric Guihéry, représentant de la FNAB au Cniel. »
« Les agriculteurs bio doivent être traités comme les autres et avoir droit au soutien de l’Etat pour passer ce palier de croissance, c’est pourquoi nous demandons un plan de résilience dédié aux filières biologiques », conclut Philippe Camburet, président de la Fnab.
« Corriger le tir sur la Pac » (collectif Pour une autre Pac)
« Dans les toutes prochaines semaines, les autorités françaises finaliseront la deuxième mouture du Plan stratégique national (PSN), la déclinaison nationale de la réforme de la Pac. C’est au nouveau ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, que revient maintenant la responsabilité des ultimes arbitrages sur ce dossier. Les critiques sévères de la Commission européenne attendent une réponse à la hauteur. »
« Si la révision du PSN est obligatoire, elle constitue également une occasion incontournable, pour Marc Fesneau, d’aller au-delà du minimum fixé par le règlement européen et de mettre en œuvre la planification écologique promise par Emmanuel Macron. Dans ce contexte, les 45 organisations membres de la plateforme Pour une autre Pac saluent l’arrivée du nouveau ministre rue de Varenne, et espèrent restaurer une collaboration fructueuse, basée sur une considération effective de toute la profession agricole comme des organisations environnementales, de bien-être animal, de solidarité internationale et de citoyens-consommateurs. »
BC
A télécharger : La souveraineté, une énigme dans le paysage agricole (Chambres d’agriculture, mars 2022)