Les vétérinaires au bord du burnout

Une enquête, commandée par l’Ordre national des vétérinaires et l’association Vétos-Entraide, décrit une profession en souffrance, en proie au sur-travail et au mal-être, encore plus chez les femmes.

« La profession vétérinaire souffre d’un score d’épuisement professionnel et de cynisme bien supérieur à la population générale, et même aux exploitants agricoles pourtant connus pour cela », avance une Enquête sur la santé psychologique des vétérinaires rendue publique le 18 mai 2022. « Malgré cela, comme chez les médecins généralistes, les vétérinaires gardent une efficacité professionnelle très au-dessus de ces deux populations. Ce sont les femmes vétérinaires qui témoignent de l’épuisement émotionnel le plus élevé ; phénomène qui peut être attribué au fait qu’en plus de leur investissement professionnel, elles assurent toujours une grande part des tâches domestiques et de l’éducation des enfants. De plus, elles ont encore à affronter des pressions psycho-sociales telles que les stéréotypes sexistes qui les contraignent à devoir prouver sans cesse leurs compétences. »

« Les vétérinaires qui exercent en milieu rural (en clientèle rurale exclusive, ou mixte : rurale + animaux de compagnie), ou en élevage industriel témoignent d’un épuisement émotionnel plus faible que ceux qui exercent en milieu urbain, auprès des animaux de compagnie (…) Les vétérinaires libéraux indépendants ont un moindre épuisement émotionnel, sont moins cyniques et ont une efficacité professionnelle plus élevée que les salariés ou les collaborateurs libéraux, bien que leur amplitude horaire hebdomadaire soit nettement supérieure à celle des salariés ou des collaborateurs libéraux. »

« Les caractéristiques objectives du travail (amplitude horaire, astreintes de nuit…) sont faiblement associées au burnout (…) La variable la plus associée au burnout est le nombre de jours travaillés alors qu’on est malade, ce qu’on appelle le présentéisme. Et ce présentéisme concerne plus les libéraux que les salariés. Même si les participants à l’enquête expriment souvent un « ras le bol » à l’endroit des gardes, en expliquant qu’ils s’attendaient à devoir en assurer en choisissant ce métier mais qu’ils n’étaient pas préparés à en faire autant, ou sans temps de récupération, ceux qui assurent des gardes et des astreintes de nuit ou de weekend de l’échantillon, ne diffèrent pas de leurs autres collègues en ce qui concerne le burnout. En revanche, il existe bien une corrélation entre le nombre de gardes et les troubles du sommeil, les idéations suicidaires et le nombre de tentatives de suicide. »

4,7 % de tentatives de suicide

Selon l’enquête, la profession vétérinaire « rencontre un taux de suicide bien supérieur (les données bibliographiques rapportent de 2 à 4 fois plus) à celui de la population générale et des groupes professionnels comparables réputés pour leur mal-être (…) Au cours des dernières semaines, 4,8 % des vétérinaires déclarent avoir eu des envies de suicide régulières (1), et 18,4 % occasionnellement, ce qui est largement au-dessus des données nationales observées chez les actifs. Les hommes sont plus touchés (26,2 %) que les femmes (21,9 %), et on retrouve la fonction bénéfique du couple puisque les personnes qui vivent en couple ont eu moins envie de se suicider que celles qui vivent seules, les couples de vétérinaires étant encore plus protégés. Il n’y a par contre aucun lien avec le fait d’avoir des enfants à charge. » 

L’enquête met en évidence huit grands facteurs de stress qui expliquent l’épuisement émotionnel, les troubles du sommeil et les idées suicidaires qui affectent nombre de vétérinaires : la charge de travail et le conflit entre vie professionnelle et vie privée (37,6 % des vétérinaires « auraient un rapport de dépendance toxique à l’égard de leur travail ») ; la peur de l’erreur ; le travail morcelé ; les tensions entre collègues ; les inquiétudes et pressions financières ; la confrontation à la souffrance animale ; la confrontation à la négligence ou la maltraitance de certains clients ; la crainte d’être blessé, « notamment en pratique rurale ».

BC

(1) Selon l’enquête, « 4,7 % des vétérinaires interrogés ont réalisé une tentative de suicide dans les années qui précèdent ».

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