Une entrée dans l’interprofession a fait débat lors des assises de France OP Lait.
Dix ans après la création des organisations de producteurs (OP) dans le secteur laitier, décidée dans la perspective de la sortie des quotas, France OP Lait (1) a fait le point, le 13 octobre à Paris, à l’occasion de ses premières assises. Actuellement, 25% de la collecte nationale passe via des OP, 55% par les coopératives, 20% par des contrats individuels entre éleveurs et transformateurs, rappelle Philippe Duclaud, directeur de la performance économique au ministère de l’agriculture, qui salue de « belles réussites » avec les OP. « Depuis le début 2019, le prix du lait en France est repassé devant le prix allemand. Ce différentiel illustre l’effet de la loi Egalim sur la construction du prix ». Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuse, estime, lui aussi, que les OP et les associations d’OP « ont un impact assez fort sur les prix » du lait, contrairement à ce qui se passe dans la filière de la viande bovine, dont la « structuration est encore embryonnaire, avec très peu de groupements de producteurs ». Il est lui-même éleveur de vaches limousines… Martine Leguille-Balloy, députée LREM de Vendée, ne s’enthousiasme pas non plus. « Dans le lait, il faut arrêter le satisfecit total. Nous nous sommes trompés sur plusieurs points. Les indicateurs sont trop flous. Nous avons sous-estimé la capacité des acteurs du marché à les contourner », explique-t-elle en substance. « Nous avons besoin de transparence sur le mix produits des entreprises pour définir le prix du lait », complète Frédéric David, producteur de lait membre de France OP Lait.
4 M€ pour les OP
Pour le président de France OP lait, Denis Berranger, « il n’y a pas de modèle type d’OP. Certaines réunissent 40 producteurs, d’autres plus de 1 000. Certaines sont verticales, d’autres horizontales ». En juillet dernier, le ministère de l’agriculture recensait 72 OP dans le secteur du lait de vache. Pour Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle, agriculteur de profession, « 5 ou 10 associations d’OP » suffiraient pour « créer un rapport de force et fixer les prix par grands bassins laitiers ». Les OP, ajoute-t-il, ont « besoin de la Pac ». Un point de vue partagé par Frédéric Courleux, conseiller agricole du député européen Eric Andrieu (Socialistes et Démocrates), qui fait un parallèle avec le secteur des fruits et légumes : depuis 1996, c’est aux OP qu’a été confié le « premier niveau de régulation » (retrait des excédents, programmes opérationnels). « Une fenêtre va s’ouvrir avec la nouvelle Pac de 2023. Vous avez un an et demi pour définir les missions d’intérêt général à confier aux OP et demander des financements. » Jean-Baptiste Moreau se demande s’il ne faudrait pas « conditionner l’accès à certaines aides » à l’appartenance à une OP.
Le gouvernement paraît sensible, de son côté, aux moyens de fonctionnement des OP : dans le volet agricole du plan de relance, 4 millions d’euros sont fléchés pour la formation, juridique notamment, des représentants des OP, a annoncé Philippe Duclaud. « Négocier, cela s’apprend. » « La formation des OP à la négociation collective est un élément pivot pour renforcer leur poids dans les négociations commerciales », ajoute le ministère de l’agriculture au moment de confier à Serge Papin, ancien patron de Système U, une mission relative à la répartition de la valeur dans les filières agroalimentaires.
« Nous sommes légitimes au Cniel »
Les OP ont-elles vocation à siéger à l’interprofession, au même titre que les producteurs, les coopératives, les industriels et la distribution, admise au Cniel il y a un an ? « Nous sommes complètement légitimes au Cniel. Les autres ont mis dix ans à y entrer. C’est une question de temps », estime Denis Berranger. Daniel Perrin, secrétaire général de la FNPL et administrateur du Cniel, se montre plus réservé. « Au Cniel, on ne peut parler ni de prix, ni de volumes. Je ne vois pas la plus-value pour les OP d’en être. Mais on doit avancer ensemble ». C’est précisément ce qui a manqué au moment de mettre en place le programme de réduction volontaire de la production en avril dernier, regrette Denis Berranger. Alors que les pires scénarios circulaient au démarrage de la crise sanitaire, « aucun président d’OP ne savait qu’il y avait de l’argent au Cniel. On aurait sans doute demandé plus aux transformateurs et aux distributeurs. On aurait sans doute mieux adapté le dispositif. Nous ne remettons pas en cause ce qu’il s’est passé, mais la méthode. Le Cniel ne doit pas être quelque chose d’opaque », conclut Denis Berranger.
Benoît Contour
A télécharger : Rapport du gouvernement sur les EGAlim (30 septembre 2020)