Si le gouvernement tire « un premier bilan d’étape nuancé » des négociations commerciales 2019, le syndicalisme agricole et l’industrie alimentaire se montrent beaucoup plus sévères.
Les ministres de l’économie, Bruno Le Maire, et de l’agriculture, Didier Guillaume, ont réuni le 13 février les représentants des producteurs, des transformateurs et des distributeurs dans le cadre d’un comité de suivi des relations commerciales. « À la lumière des premiers constats dressés par les enquêteurs de la DGCCRF (1), les ministres ont fait un premier bilan d’étape nuancé du déroulement des négociations », indique un communiqué. « De l’avis d’une partie significative des fournisseurs et producteurs, notamment de PME et de représentants des filières du lait et des fruits et légumes, les négociations commerciales qui doivent s’achever à la fin du mois se déroulent dans un état d’esprit constructif et dans un climat apaisé, notamment par rapport à l’an passé. Les ministres ont notamment salué plusieurs accords passés par des enseignes de distribution avec des acteurs de la filière laitière, qui témoignent d’une réelle volonté de prise en compte de l’exigence de rémunération équitable des agriculteurs. Ils ont souligné la nécessité de poursuivre dans cette voie et de multiplier ces initiatives. » Pour autant, « des comportements critiquables restent à déplorer » en matière de « pénalités logistiques », de « déréférencements », de « comportement » des centrales d’achats et de « respect des conditions de promotions en vigueur depuis le 1er janvier 2019 ».
Viande bovine : l’aval ne joue pas le jeu (FNSEA-JA)
La FNSEA et les JA, qui participaient à cette réunion, « y ont rappelé l’importance d’appliquer l’ensemble du dispositif prévu par la loi EGAlim (2) : l’inversion de la construction du prix sur la base des indicateurs de coût de production et la fin de la guerre des prix, grâce à l’encadrement des promotions et au relèvement du seuil de revente à perte », rapporte un communiqué du 14 février. « A deux semaines de la fin des négociations commerciales , plusieurs accords sont certes positifs dans le secteur laitier, mais nous sommes loin du compte dans les autres secteurs, particulièrement celui de la viande bovine, où les acteurs de l’aval sont rompus à ne pas appliquer les EGA. Il reste encore quelques jours pour aboutir à des accords revalorisant les prix dans l’ensemble des filières, avec un retour de valeur dans les cours de ferme que nous appelons de nos vœux. »
« Aucun changement de mentalité » (Confédération paysanne)
La Confédération paysanne participait également à la réunion. « Tout le monde se gargarise des hausses annoncées sur le prix du lait. Nous avons rappelé, lors de ce comité, que ces prix demeurent cependant toujours en dessous du prix de revient de 396 €/t calculé par l’Institut de l’élevage. De plus, ces hausses interviennent dans un contexte de marché plutôt favorable avec la fin des stocks européens de poudre de lait et un ralentissement de la collecte (…) Aucun changement de mentalités n’est réellement observé sur les filières viande, fruits et légumes et céréales », signale le syndicat dans un communiqué du 14 février.
« Les accords avec les agriculteurs ne sont pas pris en compte » (Ania)
« La réalité est très loin des effets d’annonce de la grande distribution. Dans 15 jours, si rien ne change, les Etats généraux de l’alimentation seront bel et bien enterrés », affirme l’Association nationale de l’industrie alimentaire (Ania) dans un communiqué du 13 février. « Loin des beaux discours, la réalité des box cette année s’avère aussi terrible que les années précédentes : demandes de baisses de prix systématiques de la grande distribution à l’encontre des entreprises alimentaires, pressions, chantage, menaces de sorties de rayons pour vos produits si vous n’acceptez pas les conditions imposées (…) Le constat de l’Observatoire des négociations commerciales de l’Ania est sans appel. 96% des 453 entreprises sondées estiment que la situation avec leurs clients de la grande distribution n’est pas meilleure, voire s’est dégradée, par rapport à l’an passé. Acheter au prix toujours le plus bas reste le seul leitmotiv des distributeurs, quelle que soit la qualité du produit, quelles que soient les démarches engagées vis-à-vis de l’amont agricole, quel que soit le coût des matières premières. » En particulier, « 71% des entreprises qui ont formulé des demandes de hausses de prix justifiées par des hausses de coûts de matières premières agricoles déclarent que ces demandes n’ont pas été prises en compte ». De même, « 88% des entreprises qui se sont engagés contractuellement avec les agriculteurs déclarent que ces démarches ne sont pas prises en compte. »
BC
(1) DGCCRF : Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
(2) Etats généraux de l’alimentation