« Les marchés, lieux de liberté »

Les transactions sur un marché de bétail sont exemptées de contractualisation, réaffirme la FMBV. La Coordination rurale et la Confédération paysanne prennent leurs distances avec la prochaine obligation de contractualiser.

« Les marchés de bétail vif sont assimilés à des marchés de gros et donc exclus du champ d’application de la loi Egalim 2, comme le précise l’article 1 : « Le présent article et les articles L. 631-24-1 à L. 631-24-3 ne s’appliquent ni aux ventes directes au consommateur, ni aux cessions réalisées au bénéfice des organisations caritatives (…), ni aux cessions à prix ferme de produits agricoles sur les carreaux affectés aux producteurs et situés au sein des marchés d’intérêt national définis à l’article L. 761-1 du code de commerce ou sur d’autres marchés physiques de gros de produits agricoles ». En pratique, « un éleveur qui vend sur un marché aux bestiaux n’a pas besoin de conclure un contrat avec son acheteur », souligne la Fédération française des marchés de bétail vif (FMBV) dans un communiqué du 10 décembre. « C’est une reconnaissance de la spécificité des marchés qui défendent depuis toujours le prix par la mise en concurrence des acheteurs dans un cadre sain, transparent, et immédiat. Les cotations hebdomadaires en sont le reflet. »

« Au 1er janvier 2022, les marchés seront donc les derniers lieux de liberté pour le commerce de bétail en France », poursuit la FMBV. « Les usagers des marchés conservent leur pouvoir de négociation et leur liberté. Puisse Egalim 2 faire remonter les prix de marché pour la pérennité de l’élevage en France. Les marchés continueront de travailler sereinement avec leurs opérateurs car seule la pluralité des acheteurs permettra de maintenir les débouchés et défendre le prix. »

La FMBV indique fédérer « 45 marchés (soit 95% d’entre eux) répartis sur tout le territoire, pour 1 million d’animaux vendus en moyenne par an. Il s’agit soit de marchés de gré à gré, soit de marchés au cadran, soit de marchés à la criée. Une dizaine de marchés proposent également la vente par vidéo. Les marchés facilitent la commercialisation des animaux et la défense d’un prix juste. Ils publient des cotations transparentes chaque semaine. Ils sont utilisés par 16% des éleveurs en direct et près de 1 000 opérateurs commerciaux pour un volume d’affaire moyen de 12,5 millions d’euros chaque semaine, dont 45% sont garantis et versés aux vendeurs en moins de 6 jours. »

Ne pas contractualiser plus de 70 % d’un cheptel (CR)

Dans un communiqué du 10 décembre, la Coordination rurale se dit « sceptique mais ouverte » sur la contractualisation. « Puisque le ministre de l’Agriculture souhaite proposer des prix et pas des primes aux éleveurs allaitants à travers la loi EGA2 et la contractualisation obligatoire, la section Viande de la Coordination Rurale souhaite donner une chance à ses propositions, malgré de nombreuses interrogations et réticences. Afin d’améliorer l’acceptabilité et la faisabilité de cette mesure, elle demande que cette contractualisation se limite à 70 % des cheptels. Les éleveurs doivent pouvoir garder la main sur une partie de leur commercialisation. »

« Les revenus des éleveurs allaitants sont parmi les plus faibles des agriculteurs français. Nous partageons le constat qui est fait par les autorités, à savoir que le statu quo ne peut plus durer. La loi EGAlim 1 a été un échec ; aussi nous émettons des réserves sur les effets de la seconde version. Cependant, nous ne souhaitons pas rester uniquement dans une position de critique, et donc aspirons à participer à un retour de la valeur en ferme », affirme Stéphane Charbonneau, responsable de la section Viande de la CR.

« La Coordination Rurale, qui s’est toujours opposée à la contractualisation obligatoire, estimant qu’elle prive les éleveurs de liberté, émet plusieurs réserves :

  • Comment une contractualisation franco-française pourra-t-elle s’inscrire dans le marché européen à la fois pour les importations, mais aussi pour les exportations ? N’y aura-t-il pas une tentation des industriels à se fournir à l’étranger ? Nos positions à l’export sont-elles suffisamment robustes pour imposer nos coûts de production ?
  • La contractualisation se met en place dans un contexte de hausse des prix. Ne risque-t-elle donc pas de limiter cet effet de marché ? De plus, elle intervient alors que les coûts de production sont au plus haut : les indicateurs de coût de production seront-ils suffisamment fiables pour éviter une chute des prix par la suite ?

Il reste beaucoup de zones d’ombre à éclaircir avant le 1er janvier, et peu de temps pour parvenir à des contrats et à des indicateurs respectant le travail des éleveurs. La section Viande de la CR travaillera avec tous les partenaires volontaires pour que l’esprit de la loi se traduise sur le terrain. »

« Une menace pour l’autonomie des paysans » (Conf’)

A l’occasion du comité de suivi des relations commerciales du 16 décembre, la Confédération paysanne estime, dans un communiqué, que la loi Egalim 2 sera « inopérante » pour les producteurs de viande bovine, et ce « pour deux raisons principales. D’abord, en refusant d’interdire le paiement en-dessous du prix de revient, le gouvernement laisse la fixation du prix à la négociation entre les paysan.nes et leurs acheteurs. Cette réforme ne change donc rien à l’asymétrie du rapport de force. De plus, l’introduction d’indicateurs de coûts de production dans les modalités de fixation du prix n’aura pas d’intérêt tant que les acheteurs pourront décider, au détriment des paysan.nes, de minorer leur prise en compte en faveur des prix du marché. Deuxième point tout aussi fondamental : la contractualisation obligatoire, le socle d’Egalim 2, censé permettre de mieux rémunérer les éleveurs.euses. Mais ce que le Ministre n’évoque jamais, c’est que sans une prise en compte réelle du prix de revient, cette contractualisation obligatoire est en fait une menace pour l’autonomie des paysan.nes, et ce pour trois raisons :

– L’engagement sur 3 ans, sans contrainte réelle sur les prix, risque de rendre captif les paysan.nes, au profit de leurs acheteurs qui se sécurisent un volume d’approvisionnement pour faire tourner leurs outils.

– A l’échelle du commerce d’animaux entre paysan.nes, cette réforme a encore moins de sens : qui va faire un contrat de 3 ans pour acheter quelques bêtes à son voisin ? Il n’est pas possible que tous les échanges se fassent sur une échelle de 3 ans.

– Enfin, la contractualisation de 100% des volumes avec des contrats complexes enclenche des obligations administratives démesurées pour de nombreux paysans.nes qui croulent déjà sous la paperasserie. »

« Enfin, la seule petite lueur d’intérêt d’Egalim 2 est totalement douchée par le comportement des entreprises de l’aval qui refusent de contractualiser et qui empêchent Interbev de faire son travail de publication des indicateurs de coût de production. »

« La Confédération paysanne dénonce avec force la supercherie de ces comités de suivi de négociations commerciales qui restent cruellement défavorables aux éleveurs.euses. La situation dramatique de l’élevage en France – 33 000 élevages en bovins viande (-31%) ont disparu en 10 ans selon le dernier recensement agricole – exige une seule réponse : qu’un prix de revient non négociable soit le point de départ à toutes négociations commerciales. »

BC

A télécharger :

Bulletin hebdomadaire des filières ruminants (Interbev, 29 déc. 2021)

Bulletin hebdomadaire des filières ruminants (Interbev, 22 déc. 2021)

La population bovine au 1er décembre 2021 (FranceAgriMer, 17 déc. 2021)

Tableau de bord hebdomadaire des viandes (FranceAgriMer, 20 déc. 2021)

Conjoncture hebdomadaire des viandes (FranceAgriMer, 13 déc. 2021)

Bulletin hebdomadaire des filières ruminants (Interbev, 8 déc. 2021)

Cotation des gros bovins vifs (FMBV, 7 déc. 2021)

Tableau de bord hebdomadaire des viandes (FranceAgriMer, 3 déc. 2021)

Conjoncture mensuelle viande bovine (FranceAgriMer, 29 nov. 2021)

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