Agreste, le service de la statistique du ministère de l’Agriculture, a récemment actualisé son étude européenne sur les revenus des producteurs laitiers. Les résultats de cette enquête mettent en lumière une réalité préoccupante : les élevages laitiers français sont moins moins rentables que leurs homologues européens.
Des revenus bruts nettement inférieurs à la moyenne européenne
En 2022, le revenu brut d’exploitation par ETP (équivalent temps plein) non salarié des producteurs laitiers français atteignait seulement 83 922 €. À titre de comparaison :
- 516 642 € pour un éleveur danois,
- 128 248 € pour un belge,
- 127 099 € pour un irlandais,
- 94 946 € pour un espagnol.
Ces chiffres proviennent du Réseau d’information comptable agricole (RICA), une enquête harmonisée au niveau européen qui collecte chaque année des données comptables et technico-économiques détaillées auprès d’exploitations agricoles. Ces données permettent d’analyser la diversité des résultats, de dresser des diagnostics économiques et financiers, et d’évaluer l’impact des politiques publiques.
Des structures moins compétitives
En moyenne, les Français élèvent 73,60 vaches laitières, un chiffre comparable à celui des Espagnols (73,94) mais bien inférieur à celui des Danois (223,54) ou des Allemands (81,20). Bien que les exploitations françaises bénéficient d’une surface agricole utile (SAU) relativement importante, elles demeurent désavantagées sur plusieurs plans :
- Subventions : en 2022, les producteurs français recevaient en moyenne un peu supérieur à 42 000 € d’aides publiques, un montant inférieur à celui des Belges, des Danois et des Allemands. Les Irlandais et les Espagnols, en revanche, sont moins soutenus.
- Endettement : le niveau d’endettement des éleveurs français est alarmant, atteignant 49,1 % par actif, soit l’un des plus élevés d’Europe. Seuls les Danois, avec un endettement de 64,6 % affichent des chiffres plus préoccupants.
- Propriété foncière : les éleveurs français ne possèdent que 10 % de leurs terres, un pourcentage bien inférieur à la moyenne européenne de 46,7 %, ce qui limite leur autonomie économique.
En plus de ces désavantages structurels, les producteurs français souffrent de prix de vente moins élevés que leurs concurrents européens. Ces faibles revenus contribuent à alimenter le malaise croissant au sein du monde agricole français.
Revenu des producteurs laitiers européens en 2022 (Source Agreste 2025)
Belgique | Danemark | Allemagne | Espagne | France | Irlande | Italie | Luxembourg | Pays-Bas | Pologne | UE 13 | |
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Nombre d'ETP | 2,01 | 4,10 | 2,41 | 2,19 | 2,13 | 1,85 | 2,33 | 1,75 | 1,97 | 1,87 | 1,95 |
Effectifs vaches laitières (en tête) | 91,82 | 223,54 | 81,20 | 73,94 | 73,60 | 94,62 | 70,51 | 93,98 | 105,48 | 21,64 | 48,89 |
Superficie (ha) | 65,43 | 195,31 | 94,74 | 37,72 | 110,12 | 68,07 | 43,01 | 117,35 | 61,34 | 25,78 | 49,07 |
Revenu Brut d'exploitation (€ par ETP non salarié) | 128248 | 516642 | 124998 | 94946 | 83922 | 127099 | 398803 | 607772 | 677530 | 213599 | 283115 |
Total Produits (en €) | 524254 | 1907464 | 554960 | 403411 | 398029 | 421765 | 85788 | 202005 | 141617 | 31169 | 67241 |
Taux d'endettement (dettes /actif) | 23,6 % | 64,6 % | 25,9 % | 4,3 % | 49,1 % | 5,2 % | 1,7 % | 28,8 % | 24,2 % | 3,8 % | 12,8 % |
Part des terres en propriété | 28,4 % | 65,7 % | 33,9 % | 49,7 % | 10 % | 71,9 % | 31,6 % | 45,3 % | 55,6 % | 68 % | 46,7 % |
Subventions totales (€) | 26295 | 79344 | 40139 | 25053 | 42312 | 21426 | 25763 | 80477 | 28898 | 29413 | 21022 |
Productivité globale (production brute/charges) | 152 % | 132 % | 123 % | 141 % | 114 % | 149 % | 139 % | 114 % | 135 % | 154 % | 134,8 % |
Un contexte alarmant
Cette étude met en lumière les nombreux défis auxquels font face les producteurs laitiers français, entre des revenus insuffisants, un fort endettement, et une dépendance accrue aux subventions. Ces difficultés expliquent en grande partie le désarroi actuel des agriculteurs, confrontés à une concurrence européenne féroce et à des marges de manœuvre toujours plus réduites.
Erwan LE DUC