Le revenu marque le pas

Le revenu agricole s’oriente à la baisse (- 6,3 %), après le pic atteint en 2022.

La commission des comptes de l’agriculture de la Nation, réunie le 20 décembre, a rendu public le compte prévisionnel de l’agriculture pour 2023. Selon l’Insee, qui en propose une synthèse, « la production agricole en valeur se replierait de 0,8 %, dans un contexte mondial de retombée des prix des céréales et des matières premières après deux années de fortes hausses. » Pour leur part, « les consommations intermédiaires augmenteraient de 2,5 % en valeur, sous l’effet principalement d’une nouvelle hausse du prix des engrais. Après s’être accrue pendant deux ans, la valeur ajoutée de la branche agricole serait en recul, la production étant en repli alors que les consommations intermédiaires s’élèvent. Au total, la valeur ajoutée brute au coût des facteurs par actif en termes réels diminuerait de 9 %, après avoir progressé de 13,1 % en 2021 puis de 9,6 % en 2022. »

En 2023, « les productions végétales progresseraient de 6,1 % en volume. Les récoltes de céréales augmenteraient de 5,8 %, avec le retour à des conditions météorologiques moins pénalisantes que celles de l’été 2022. » Néanmoins, « la production végétale baisserait de 4,6 % en valeur, du fait d’un recul des prix (- 10,1 %). La production animale s’élèverait de 5,2 % en valeur, l’augmentation des prix faisant plus que compenser la baisse des volumes. »

Prix en hausse en bovins lait et viande

« La hausse de la valeur de la production de bétail se ralentit nettement en 2023 (+ 4,1 % après + 19,9 % en 2022) », souligne le ministère de l’agriculture. « L’augmentation des prix est moindre (+ 9,7 % après + 23,6 %), toujours associée à une baisse des volumes (- 5,1 %). La production de gros bovins est stable en valeur. La baisse des volumes s’accentue en 2023 (- 4,8 %), sous l’effet du recul des abattages dans le contexte général d’érosion du cheptel. Ceci est toutefois compensé par la hausse des cours (+ 5 %). La faiblesse de l’offre contribue à maintenir les prix élevés, mais leur progression est en très net ralentissement par rapport à l’année précédente (+ 27 %), en raison d’une diminution de la demande. De plus, les prix des aliments pour bovins décroissent à partir du deuxième trimestre. »

« La production de veaux se replie en valeur (- 1,4 %) sous l’effet d’une contraction des volumes (- 6,8 %), en partie rattrapée par le renchérissement des prix (+ 5,8 %). Comme pour les bovins, les prix augmentent moins que l’année précédente (+ 15 % en 2022), en raison du manque de dynamisme de la demande intérieure et de la moindre pression des coûts de l’alimentation animale. »

« La production de laits, produits laitiers et autres produits animaux augmente de 5,8 % en valeur. Ceci découle de la hausse des prix (+ 7,1 %), atténuée par la baisse des volumes (- 1,2 %). La valeur de la production de lait et produits laitiers enregistre une hausse de 5,3 %, portée par la hausse des prix (7,5 %) Les volumes produits diminuent de 2 %, la décapitalisation du cheptel laitier se poursuivant. »

Hausse des subventions

« En 2023, les subventions d’exploitation en France métropolitaine devraient s’établir autour de 8,4 milliards d’euros. Leur montant augmenterait de 150 millions d’euros par rapport à 2022, en raison notamment de l’entrée en vigueur de la nouvelle Pac au 1er janvier 2023 », précise le ministère de l’agriculture.

« La baisse de l’emploi non salarié se poursuit (- 2 %), et conduirait à une diminution du résultat brut de la branche agricole par actif non salarié de 6,3 % (après + 17,3 %). Le résultat brut de la branche agricole par actif non salarié en termes réels (compte tenu de l’inflation, ndlr) régresserait de 11,3 % en 2023 (après + 14 %). »

56 000 € de revenu moyen en 2022

« En 2022, dans un contexte de forte inflation liée au conflit en Ukraine et de hausse de charges, et malgré une année particulièrement chaude et sèche qui a pesé sur certaines productions, l’excédent brut d’exploitation (EBE) des exploitations agricoles toutes orientations de production confondues atteint une moyenne de 84 080 € par équivalent temps plein non salarié, soit une progression de 16,9 % par rapport à 2021 », indique le ministère de l’agriculture dans une autre publication relative aux résultats économiques des exploitations en 2022. « Cette hausse intervient après une augmentation de 27,9 % entre 2020 et 2021. Un tel niveau est historiquement haut, au-dessus de ceux observés depuis 1990, supérieur de 45,2 % à la moyenne des 20 dernières années. »

« Le résultat courant avant impôts (RCAI) par équivalent temps plein (ETP) non salarié, net des charges financières et des amortissements, s’élève à 56 010 € (+ 28,2 %). » Il atteint 54 473 € en bovins lait (+ 36,8 % par rapport à 2021), 26 601 € en bovins viande (+ 25,8 %), 19 819 € en ovins-caprins (- 18,1 %), 124 409 € en porcins (+ 371 %), 66 381 € en céréales et oléo-protéagineux (+ 10 %) ou encore 89 599 € dans les autres grandes cultures (+ 45,9 %).

BC

LES REACTIONS

« Finie l’embellie ! » (FNSEA)

« Les comptes nationaux de l’agriculture pour l’année 2023 sont parus ce jour. L’embellie des deux dernières années est passée : le résultat brut de la branche agricole a chuté de 11 % en 2023 selon les estimations du ministère. Les causes sont multiples : baisses de volume, retournement des prix, et charges pesantes sur la comptabilité des agriculteurs. »

« Pour les productions végétales, le retournement de marché entre des prix d’engrais très élevés et des prix de vente en berne sur les marchés mondiaux a créé un effet ciseau délétère sur le compte des agriculteurs. Les rendements corrects en 2023 (+ 6 % de volume produit) ne compensent pas les pertes de valeur produite (- 24 % pour les céréales, – 21 % pour les oléo-protéagineux, – 9 % pour les vins de table). »

« La valeur de la production animale a crû de 5 %, mais les revenus des éleveurs restent parmi les plus faibles. Surtout, la baisse de production en volume s’accroit encore pour les viandes, la volaille et les produits laitiers, tandis que les importations ne cessent, elles, d’augmenter, questionnant le défi de la souveraineté alimentaire. »

« Le respect des lois EGAlim doit absolument rester de mise : aucune baisse de prix n’est envisageable dans un contexte d’accroissement des arrêts d’activité d’élevage et les agriculteurs ne peuvent pas supporter encore une baisse de revenu. »

« La FNSEA continue de porter une vision politique de long-terme, claire et ambitieuse, nécessaire pour donner de la visibilité aux agriculteurs, leur permettre d’assurer une production alimentaire en quantité et qualité suffisantes pour les marchés français et internationaux, et d’en tirer un revenu décent et attractif, afin que le modèle agricole familial perdure. Il est impératif de reconnaître et de valoriser le rôle central des agriculteurs dans la préservation de notre souveraineté alimentaire et dans la contribution à une économie durable. Nous insistons sur l’urgence d’adopter des politiques qui garantissent des prix équitables pour nos produits, tout en soutenant l’innovation et la transition écologique dans le secteur agricole. »

« Toutes les productions ne sont pas à la fête » (Coordination rurale)

« Les comptes nationaux prévisionnels de l’agriculture en 2023 ont été présentés aujourd’hui par la Commission des comptes agricoles de la nation (CCAN). Si l’on peut se réjouir de certains chiffres pris isolément, la Coordination Rurale (CR) est particulièrement inquiète de l’effet ciseau en grandes cultures, de la poursuite de la diminution du cheptel et des décapitalisations, ainsi que par la réduction continue de l’emploi non salarié. »

« Ces éléments montrent l’urgence de protéger les agriculteurs face à la volatilité des prix. La dérégulation aura été la pire erreur pour les agriculteurs : la CR défend la régulation des productions agricoles et de leur prix sur la base de leur réelle valeur économique. Il est également urgent de mener une véritable politique en faveur de l’élevage ; ce n’est pas la sanctuarisation des prairies qui maintiendra l’élevage, mais bien l’inverse. »

« Face à l’érosion continue du nombre d’agriculteurs, laquelle va s’accentuer dramatiquement avec les départs en retraite à venir, il est indispensable d’assurer enfin un revenu digne couvrant les coûts de production ; c’est un des principaux facteurs pour retrouver l’attractivité du métier. »

« La CR souligne l’évolution favorable de l’industrie agroalimentaire bien que les dépenses alimentaires des ménages soient en baisse. La CR s’inquiète de la hausse des importations qui ne semblent que très peu préoccuper nos politiques. Pourtant, elles manquent de traçabilité et d’informations quant à leurs modes de production. Cette situation n’est ni satisfaisante pour les agriculteurs, ni pour les consommateurs qui risquent de perdre encore plus confiance quant à leur alimentation. »

« En conclusion, il y a urgence que les politiques confirment leur choix : soit on soutient les agriculteurs français pour qu’ils participent à la souveraineté alimentaire ; soit on soutient les importations, les accords de libre-échange et toutes les multinationales qui s’inscrivent dans le jeu de l’import-export, sans tenir compte de diverses pollutions générées. La CR dénonce cette politique de deux poids-deux mesures en ce qui concerne les devoirs et obligations ! »

« Une nette correction en 2023 » (Chambres d’agriculture)

« Les années se suivent sans pour autant se ressembler. En matière de résultats de la branche agricole, qui viennent d’être rendus publics par la Commission des Comptes de l’Agriculture de la Nation (CCAN, comptes prévisionnels 2023), on observe une franche rupture en 2023, comparativement à 2021 et à 2022. »

« La forte hausse des prix à la production, qui avait, en 2022, profité aux agriculteurs malgré la flambée des prix des consommations intermédiaires (engrais, énergie, aliment pour animaux…), et ce dans un contexte de guerre en Ukraine, laisse place en 2023 à un repli significatif, de l’ordre de – 10,1 % pour les produits végétaux. En revanche, s’agissant des prix des produits animaux, ils se sont redressés de + 7,9 %, sur fond de diminution de l’offre de – 2,5%. La baisse de volumes en productions animales va de – 4,8 % en bovins à – 6,8 % pour les veaux, et est de – 5 % pour les porcins. »

« Comme les prix des consommations intermédiaires de la branche agricole sont repartis à la hausse (+ 3,5 %), la valeur ajoutée brute recule de – 5,3 %. C’est une rupture par rapport aux deux années précédentes (+ 14,4 % en 2021 et + 17,3 % en 2022). Si l’on tient compte des subventions d’exploitation et des déductions d’impôts sur la production, la valeur ajoutée brute au coût des facteurs affiche un repli de – 9 % en termes réels (déflatés de l’indice du prix du PIB), contre + 9,6 % en 2022. Sur long terme toutefois, la valeur ajoutée au coût des facteurs demeure supérieure de 18,4 % à la moyenne des années 2010. »

« Selon les comptes prévisionnels, le revenu courant avant impôt (RCAI) par actif non salarié dévisse en 2023 de – 11 % en termes réels (+ 17,3 % en 2022). A signaler également, sur 9 mois de 2023/9 mois 2022, une forte contraction du solde excédentaire de la balance commerciale agroalimentaire, de l’ordre de 40 %, imputable pour l’essentiel à la chute des exportations de céréales. »

« Ces résultats confirment que l’agriculture française reste confrontée à une instabilité des marchés, indissociable depuis 2022 d’un contexte international tendu. Qu’elle n’est pas à l’abri de nouvelles poussées de fièvre dans le domaine des prix des intrants, pouvant endommager les trésoreries, si les prix, certes encore élevés, continuaient à baisser, notamment en grandes cultures. »

« Dans un tel contexte, les Chambres d’agriculture affichent une vigilance permanente et déploient les moyens nécessaires pour accompagner les agriculteurs dans ces moments incertains et volatiles, et remplis de défis à relever », commente Sébastien Windsor, président des Chambres d’agriculture.

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