Le piège des cessions d’aides Pac

Les collectifs Pour une autre Pac et Solidarité Paysans ont présenté, le 2 février en visioconférence, un rapport sur la cession des aides Pac, « symptôme de dépendance, de perte d’autonomie et de fuite en avant du monde paysan ».

Selon Mathieu Courgeau, producteur de lait bio en Vendée et président de la plateforme Pour une autre Pac (1), la cession des aides Pac n’est « pas nouvelle et il y a peu de chance que cela change avec la stabilité annoncée de la prochaine Pac ». Selon lui, cette pratique n’est « pas mauvaise en soi mais elle peut conduire à des dérives. Quand trois quarts des aides sont gagées, se met en place une spirale de l’endettement dont il est difficile de sortir. D’autant que les aides Pac représentent 70 à 80 % en moyenne du revenu agricole, et jusqu’à 200 % en bovins viande », explique-t-il en substance.

Peu de chiffres sont rendus publics quant à l’ampleur de ce phénomène, poursuit Mathieu Courgeau. Selon une étude de l’Agence de services et de paiement (ASP) citée dans le rapport, 9 % des aides du 1er pilier de la Pac auraient été finalement versés, entre 2010 et 2014, à un créancier, pour un total de 682 millions d’euros. La proportion pouvait dépasser 20 % dans certains territoires d’élevage et de polyculture. Les cessions d’aides Pac étaient très majoritairement dirigées vers les banques (80 %), les 20 % restants se répartissant entre les coopératives (63 %), la MSA (17 %) et les fournisseurs (14 %).

Les crédits à court terme accordés aux agriculteurs en contrepartie de la cession future d’aides Pac sont assortis de niveaux d’intérêt parfois « scandaleux », dénonce Mathieu Courgeau. L’étude évoque les taux « 8 à 14 % par an » pratiqués entre 2010 et 2014 par des coopératives et certains fournisseurs, taux qui atteindraient « aujourd’hui jusqu’à 18 % » – contre 2 à 5 % par an dans les banques. Le rapport cite le cas d’un éleveur normand dont « les frais financiers imposés par sa coopérative en échange de prêts s’élèvent à 20 000 euros par an ». Il mentionne également un jugement de la cour d’appel de Versailles qui, en 2019, « a condamné une coopérative pour soutien abusif d’un céréalier en région Centre ».

BC

(1) Pour une autre Pac réunit notamment la Confédération paysanne, la Fnab, le réseau Civam, Terre de liens, France Nature Environnement, Greenpeace…

A télécharger :

MAEC et aides bio 2015-2022 (ministère de l’agriculture, 12 mai 2022)

La Pac 2015-2022 en un coup d’oeil (ministère de l’agriculture, fév. 2022)

Les adhérents jugent leurs coopératives (sondage ADquation, 20 janv. 2022)

 

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