Le lait normand redoute l’agrivoltaïsme

Le président de la région promet d’« engager systématiquement un recours contre tous les projets tant que nous n’aurons pas examiné les conditions d’expérimentation ».

Hervé Morin, président de la région Normandie, a rencontré le 12 janvier à Héronchelles (Seine-Maritime) les élus locaux et les citoyens concernés par le projet d’implantation d’une centrale solaire porté par l’entreprise H2air, sur une parcelle de 5 ha appartenant à une agricultrice de la commune. A cette occasion, il « a rappelé son opposition à cette pratique d’agrivoltaïsme, qui, sur sa lancée actuelle, pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l’économie agricole, l’attractivité économique et touristique de la Normandie et plus largement, de la France », rapporte un communiqué de la région.

« A cause de l’agrivoltaisme, ce sont des zones agricoles et d’élevages entières qui risquent d’être cannibalisées par la présence des panneaux photovoltaïques. En particulier, toute l’industrie laitière pourrait être impactée : si la production de matière première disparait, les usines agroalimentaires de première transformation sont vouées à fermer, portant un coup fatal à cette filière d’élevage déjà fragile. La filière agroalimentaire normande, qui compte 120 000 à 150 000 emplois, est également directement liée à la production agricole de son territoire. Par ailleurs, cette pratique est un frein majeur à la pérennité, la transmission des exploitations agricoles, et l’installation des jeunes agriculteurs. Les agriculteurs propriétaires ne céderont en effet plus ces terres devenues plus que rentables grâce à la redevance perçue pour l’implantation de panneaux photovoltaïques. »

« Quand on est une grande région comme la Normandie, il faut d’abord expérimenter et être sûrs que le potentiel agricole et la biodiversité seront préservés avant d’accepter des projets lucratifs par centaines », a déclaré Hervé Morin. « J’engagerai systématiquement un recours contre tous les projets tant que nous n’aurons pas examiné les conditions d’expérimentation. J’ai donc écrit au Premier ministre pour apporter une contribution forte au décret en consultation qui doit être publié », a priori « aux alentours du 15 février », selon la région Normandie.

La concertation publique touche à sa fin

« La concertation publique sur le décret concernant les installations photovoltaïques sur terres agricoles, naturelles et forestières, dont l’agrivoltaïsme, lancée fin décembre après des mois de tergiversation, s’achève demain », indique la Confédération paysanne dans un communiqué du 15 janvier. « Nous refusons d’abandonner le combat primordial de défense du revenu paysan et de l’installation. C’est pourquoi, dès cet été, la Confédération paysanne avait refusé de poursuivre la discussion autour de ce décret consistant à finaliser techniquement la vente du secteur agricole aux grands énergéticiens. La Confédération paysanne exige de fait l’interdiction des centrales photovoltaïques et de l’agrivoltaïsme sur toutes les terres agricoles, naturelles et forestières. »

« Le couplage entre production solaire et production agricole est perçu comme un moyen pour développer les énergies renouvelables et apporter un complément de revenu aux agriculteurs. A première vue, l’agrivoltaïsme est séduisant. En réalité, la production solaire sur des terres agricoles est incompatible avec la souveraineté alimentaire et l’agriculture paysanne. Les effets pervers de l’agrivoltaïsme sont multiples : atteinte à la vocation nourricière de la terre du fait de l’artificialisation et de la concurrence entre production énergétique et alimentaire, précarisation des baux ruraux, perte d’autonomie paysanne, manne financière générant des conflits d’intérêt, perte de la qualité de vie au travail, dégradation des paysages, atteinte à la biodiversité… Notion marketing, le terme d’agrivoltaïsme vise à légitimer un opportunisme foncier et financier dans un contexte économique difficile pour le monde paysan. »

« A contrario, il faut un plan de développement des énergies renouvelables qui se concentre sur les zones artificialisées et les toitures. Les gisements photovoltaïques sur les toitures et les espaces artificialisés (dont l’efficacité technique et économique est souvent sous-estimée malgré leur proximité immédiate des lieux de consommation) sont largement suffisants pour répondre à la demande d’électricité renouvelable, comme l’a démontré l’Ademe (agence de la transition énergétique, ndlr). La Confédération paysanne se réserve donc le droit d’actionner tous les moyens à sa disposition afin de protéger notre souveraineté alimentaire et nos terres agricoles, naturelles et forestières. »

BC

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