« Le Groupe Bel a défendu notre revenu »

À l’heure où les relations sont souvent tendues entre les collecteurs et les producteurs laitiers, les associés du Gaec Curtat louent l’attitude du groupe Bel. Ces éleveurs ont mis le cap sur l’autonomie et la qualité et s’en trouvent récompensés. 

« Si certains éleveurs privilégient la course aux volumes pour assurer leur revenu, nous avons fait le choix de la qualité »

Basé en Mayenne, sur la commune de Villepail, le Gaec Curtat a donné naissance à des taureaux de premier plan en race Holstein : Lonard, puis Duga Isy, Etuk Isy ou encore Imperio. Les frères Curtat (Eric, et Patrick), et leur père Joseph, ont notamment travaillé la souche issue de la vache Benzooka EX 92. La famille Curtat a longtemps été très investie dans la sélection Holstein. La conduite d’élevage reposait alors sur une approche classique valorisant le maïs. Deux évènements majeurs ont amené Patrick à s’interroger sur la pérennité de ce système. « La chute des DPU(1) initiée dans les années 2000 nous a fait perdre 20 000 », constatent Pierre et Éric. « L’arrivée de la génomique a également modifié les contrats avec les unités de sélection ; et ce, d’autant plus que leur nombre n’a cessé de diminuer. Au final, nous ne pouvions plus faire jouer la concurrence. Les contrats sont devenus moins rémunérateurs. Les unités s’engageaient sur un nombre plus limité de géniteurs.» Ces deux phénomènes intervenant, peu ou prou, au même moment, nous avons perdu plus de 40 000 €. À ce contexte tendu, se sont greffées la crise du lait dans les années 2010 et plusieurs sécheresses. Patrick et son frère décident alors de changer de voie.

LE SOUTIEN DU COLLECTEUR

Avec le recul, ils constatent que la seule structure qui les a accompagnés dans ce changement est leur collecteur, le groupe Bel. Pour autant, les éleveurs ne sont pas naïfs : « si Bel défend le revenu des producteurs laitiers, c’est aussi pour sécuriser ses investissements industriels à Sablé-sur-Sarthe et à Évron. Face aux désengagements de l’État et de l’Europe, le groupe Bel a pris le relais. C’est lui qui a défendu le revenu des producteurs laitiers et donc participé au maintien de la production laitière ». En 2023, le lait du Gaec Curtat a été rémunéré 504 €/1000 l pour un prix de base fixé à 471 €/1000 l  ! « Si, pour assurer leur revenu, certains éleveurs privilégient la course aux volumes, nous avons fait le choix de la qualité », pointe Patrick

LE CHOIX DE LA RACE JERSIAISE

Les éleveurs mayennais ont misé sur un changement de race. Leur choix s’est porté sur la Jersiaise. « Nous avons découvert les atouts de cette race lors d’une porte ouverte. Contrairement à d’autres événements du même type, la présentation incluait des résultats économiques étayés. On ne nous a pas vendu du rêve ». Aujourd’hui, les Jersiaises du Gaec Curtat produisent un lait à 39,8 g/kg de protéines et 68 g/kg de matière grasse ! Certes, suite à ce changement racial, la moyenne de production de l’élevage a chuté. Les 105 vaches du cheptel (Jersiaises + Holsteins) produisent, en moyenne, 6 700 litres à 52,7 g/kg de matière grasse et 37 g/kg de protéines. Ramenée en lait standard, cela revient à une production de 8 600 kg ! Si la viande reste un point faible de la race, l’élevage a toutefois trouvé des créneaux pour bien la valoriser. « L’opérateur JA Gastronomie, spécialiste des viandes d’exception, nous reprend les vaches de réforme à 2,50 €/kg vif », souligne Éric. L’élevage vend également des génisses gestantes reprises à 1 400 € par Ouest Génisse. Pierre et Éric se sont adaptés à ce virage racial sans trop de difficulté. Ils ont toutefois dû revoir certaines de leurs pratiques. Ils ont notamment diminué la quantité de colostrum apportée aux veaux jersiais. Pour éviter les fièvres de lait, ils distribuent un bolus à toutes les Jersiaises en troisième lactation.

PLUS D’AUTONOMIE

En plus de miser sur une nouvelle race, ces éleveurs ont revu leur conduite d’élevage. Ils ont notamment renforcé l’autonomie fourragère en renforçant la place de l’herbe. Désormais, le cheptel pâture de février à octobre. L’herbe est valorisée sous diverses formes : enrubannage, ensilage de foin…Le méteil a également fait son entrée dans l’assolement. « La race Jersiaise produit un lait riche en matière grasse à partir de l’herbe. C’est une vache qui reste rustique ». Grâce à ces choix audacieux, le Gaec Curtat dégage une marge sur coût alimentaire intéressante : « 370 €/1000 l en 2022-2023 et 380 €/1000 l depuis le début de la campagne 2023-2024 ». Parallèlement, ces choix en matière d’assolement leur ont permis de s’engager dans une MAE (Mesures agro environnementales), avec, à la clé, des aides publiques. « Dans notre cas, il s’agit d’un ensemble de mesures permettant de protéger une zone de captage d’eau. Il nous paraît important de protéger la qualité de l’eau qui constitue un bien commun »

ERWAN LE DUC

  1. DPU : droits à paiement unique

 

GROUPEMENTS D’ACHATS : DES ÉCONOMIES À LA CLÉ

Éric Curtat participe au groupement d’achats informel. À la clé, les économies réalisées sont substantielles. Ainsi, sur le GNR, l’économie réalisée atteint 30 €/1000 l. Sur les phytos, ce sont près de 40 €/ha qui sont économisés. En matière d’achat de chaux et d’épandage, là encore, les économies sont avérées. 

 

EN CHIFFRES…

LE GAEC CURTAT (MAYENNE)

  • deux associés : Éric et Patrick Curtat
  • Une SAU(1) de 168 ha (15 ha de méteil, 15 ha de blé, 19 ha de maïs, 74 ha de prairies temporaires et 45 ha de prairies naturelles)
  • un cheptel de 105 vaches en production 
  • une production de 700 000 litres de lait (680 000 l sont collectés par Bel)

 

  1. SAU : surface agricole utile

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