Lait contre viande bovine

Les accords de libre-échange agricole conclus ou envisagés par l’UE offrent des perspectives aux produits laitiers européens mais exposent davantage sa filière de la viande bovine, conclut un nouveau rapport.

Un bureau d’étude placé auprès de la Commission européenne vient de publier un rapport (1) évaluant les conséquences, en 2030, des accords de libre-échange (ALE) envisagés ou déjà conclus par l’UE avec 12 pays ou groupes de pays à travers le monde, notamment le marché commun sud-américain (Mercosur), le Canada ou la Nouvelle-Zélande (2). Le rapport conclut que « les accords de libre-échange analysés ont le potentiel de bénéficier au secteur agroalimentaire de l’UE lorsqu’ils sont considérés simultanément ». Mais il met également en évidence la « vulnérabilité des secteurs du bœuf, de la viande ovine, de la volaille, du sucre et du riz ». Pour le lait, la balance est positive.

Viande bovine : la menace sud-américaine

« Le secteur de la viande bovine est l’un des plus sensibles dans les négociations commerciales, en particulier pour l’UE, mais aussi pour nombre de ses 12 partenaires de libre-échange », souligne le rapport. « C’est la raison pour laquelle l’UE choisit généralement d’accorder des contingents tarifaires au lieu de libéraliser le commerce avec ses partenaires (c’est le cas avec le Canada ou le Mercosur). Le partenaire commercial de l’UE peut adopter une approche similaire (par exemple, le Japon a réduit ses tarifs sur le bœuf mais ne les a pas supprimés). »

« Dans le scénario de référence , la moitié des importations de bœuf de l’UE proviennent des 12 partenaires de libre-échange. L’UE a un commerce net négatif d’environ 1 milliard d’euros avec ces pays, presque entièrement généré par les relations commerciales avec le Mercosur. Selon les simulations, la mise en œuvre des 12 ALE augmenterait les importations de bœuf de l’UE dans les scénarios conservateur et ambitieux de 21,3% et 25,5% respectivement (correspondant à 512 millions d’euros et 614 millions d’euros respectivement). L’essentiel de l’augmentation des importations provient du Mercosur (422 millions d’euros dans les deux scénarios, soit 82% et 69% de l’augmentation des importations selon le scénario), l’Australie ayant également accès au marché (avec 45 millions d’euros et 121 millions d’euros respectivement). Cette augmentation est nettement inférieure aux niveaux projetés dans étude de 2016. »

De son côté, l’UE peut espérer accroître ses exportations, « principalement » vers le Japon (+ 90 millions d’euros) et les Philippines (+ 15 à 60 millions d’euros). Toutes destinations confondues, elles pourraient progresser de 31 000 tonnes (scénario prudent) voire 41 000 tonnes (scénario ambitieux).

Au final, « la balance commerciale de l’UE se détériore en raison de l’évolution des échanges bilatéraux avec le Mercosur et l’Australie qui n’est que partiellement compensée par une augmentation des exportations de l’UE et par une baisse des importations en provenance des autres pays. » Plus précisément, « les importations de viande bovine de l’UE augmenteraient d’environ 85 000 tonnes et 100 000 tonnes par rapport au scénario de référence dans les scénarios prudent et ambitieux, respectivement (…) L’impact final sur le marché est une détérioration de la balance commerciale nette de 12 à 13%. Les prix à la production devraient baisser de 2,4% dans les deux scénarios, avec des effets mineurs sur la consommation (0,6%) et la production (-0,3%). »

Lait : 1 milliard à gagner

Selon le rapport, « le secteur laitier de l’UE est très compétitif et bénéficie d’une protection tarifaire substantielle, ce qui conduit à des importations limitées. Malgré la réduction drastique des tarifs d’importation proposée aux pays ciblés par les ALE, les importations de produits laitiers en provenance de ces pays devraient rester faibles en valeur absolue. La seule exception est la Nouvelle-Zélande qui, dans le scénario ambitieux, pourrait accroître ses exportations de produits laitiers vers l’UE d’environ 100 millions d’euros grâce à la réduction de 50% du tarif initial, fixé à environ 46%. Au contraire, les exportations de l’UE vers les 12 pays partenaires montrent une évolution positive significative. L’effet final de la libéralisation est une amélioration du solde laitier de l’UE de plus de 1,1 milliard d’euros dans les deux scénarios, ce qui montre un avantage concurrentiel significatif de l’UE et le potentiel d’exportation de ce secteur. Les exportations de l’UE, en particulier vers le Japon, augmentent considérablement, et celles vers le Canada, l’Indonésie, le Mexique et les Philippines affichent des résultats très positifs. »

« L’augmentation des possibilités d’exportation de produits laitiers de l’UE vers les 12 partenaires de libre-échange devrait améliorer la balance commerciale. Le fromage et le lait écrémé en poudre devraient afficher une forte croissance de leurs exportations. En raison de la complémentarité des produits, la demande d’exportation internationale entraînera une hausse des prix intérieurs (entre 0,9% et 2,7%) et de la production (≤2,1%) des produits laitiers concernés. Il en résulterait une augmentation de la production laitière intérieure d’environ 0,2% en raison de prix du lait favorables (+1,3%), ajoutant au total 890 millions d’euros aux recettes du marché des producteurs de lait en 2030. »

BC

(1) Cumulative economic impact of trade agreements on EU agriculture (26 janvier 2021)

(2) L’étude se concentre sur 12 accords commerciaux. Certains sont déjà entrés en vigueur (Canada, Japon et Vietnam), certains sont conclus mais pas encore entrés en application (Mexique et Mercosur), certains sont en cours de négociation ou font partie de l’agenda commercial de l’UE (Chili, Australie, Nouvelle-Zélande, Indonésie, Malaisie, Philippines et Thaïlande).

Lisez également

Philippe Marquet président de Biolait

Installé dans la Loire, il transforme une partie de sa production en yaourts destinés à la restauration collective.