L’agroalimentaire se serre la ceinture

L’inflation des produits alimentaires s’explique marginalement, ces dernières années, par un accroissement des marges de la transformation ou de la distribution.

L’Inspection générale des finances (ministère de l’économie) vient de publier un rapport relatif à l’inflation des produits alimentaires qui, selon l’Insee, pourrait atteindre 12% en 2022 (+6,4% pour l’ensemble des biens). La mission a examiné l’évolution des prix et des marges aux stades de la production agricole, de la transformation alimentaire et de la distribution entre l’année 2019 et le premier semestre 2022, de sorte à limiter les biais liés à la pandémie de Covid.

Sur la période de référence de trois ans, l’excédent brut d’exploitation (EBE) de l’agriculture « progresse de 12%, principalement sous l’effet d’une hausse des prix de vente de la production. Cette hausse des prix de vente (+20,8%) est liée pour un peu plus de la moitié à la hausse des prix des intrants et pour le reste à la hausse des revenus des agriculteurs. Cette dernière s’explique essentiellement par l’augmentation des prix mondiaux des céréales et des oléagineux et pourrait, également, procéder d’un effet indirect des dispositions d’Egalim 2. » Pour leur part, « les exploitations spécialisées dans l’élevage (porcins, ovins, bovins, lait et viandes) ont transmis une hausse des prix de leur production qui les a préservées de la hausse des coûts des intrants. »

Entre 2019 et 2022 toujours, « l’EBE de l’industrie agroalimentaire baisse significativement de 16% sous l’effet d’une hausse des prix des intrants qui n’est pas compensée par celle des prix de vente de la production à la grande distribution. D’après les estimations de la mission, la contraction de l’EBE de l’industrie agroalimentaire contribuerait, à elle seule, à réduire la hausse des prix finaux à la consommation des biens alimentaires de 1,3%. Les difficultés de cette industrie s’inscrivent, par ailleurs, dans un contexte de dégradation tendancielle de son taux de marge, passé de 45% au début des années 2000 à 35% aujourd’hui. »

Enfin, « l’EBE du commerce se dégrade très légèrement de 1%, notamment sous l’effet des revalorisations salariales (le salaire moyen par tête y a progressé de 6,7% au premier trimestre 2022 en comparaison au quatrième trimestre 2019, contre 4,3% pour l’industrie agroalimentaire et 1,9% pour le secteur du transport). Convergents avec les entretiens menés avec la grande distribution et les données collectées par la mission, ces résultats suggèrent que l’EBE de la grande distribution connaît une légère baisse ou une stagnation. »

Dans un rapport complémentaire du 13 mars 2023, l’Inspection générale des finances met à jour les données évoquées plus haut afin de prendre en compte la totalité de l’année 2022. Les chiffres évoluent de manière significative : l’EBE de l’agriculture progresse de 27 % sur la période 2019-2022, celui du commerce de 9 % tandis que celui de l’agroalimentaire revient dans le vert.

« Des prix agricoles élevés en 2023 »

Selon l’Inspection générale des finances, « trois principaux facteurs pourraient contribuer à maintenir les prix des produits alimentaires à des niveaux élevés en 2023. Tout d’abord, les cours des matières premières agricoles devraient rester à des niveaux élevés en 2023. La lecture des prix des produits dérivés (« futures ») montre que les marchés anticipent une hausse modérée du prix du blé et du maïs jusqu’au premier trimestre 2023 avant un maintien à des niveaux élevés : à mi-2025, les prix du blé et du maïs seraient de 40% plus élevés que leur niveau de janvier 2020. »

« Ensuite, la flambée actuelle des coûts de l’énergie va très probablement perdurer et pourrait s’amplifier en 2023, conduisant l’industrie agroalimentaire à augmenter ses demandes tarifaires lors du prochain cycle annuel de négociations commerciales, au-delà des hausses non passées en 2022. L’industrie agroalimentaire pourrait être touchée en 2023 par des hausses de prix déjà matérialisées mais dont les entreprises étaient couvertes par leurs contrats et par de nouvelles hausses des prix de l’énergie et des matières premières industrielles. »

« Enfin, l’industrie agroalimentaire pourrait rencontrer des difficultés significatives à produire les produits alimentaires dans les mois qui viennent. Les contraintes sur l’offre liées à l’approvisionnement, à la pénurie de main d’œuvre et au financement pourraient limiter les volumes de production de produits alimentaires, créant ainsi un ajustement supplémentaire à la hausse des prix de vente à la grande distribution. »

BC

A lire également :

L’industrie laitière sous pression (3 janvier 2023)

A télécharger :

L’industrie agroalimentaire chouchoutée (Agriculture Stratégies, 18 avril 2023)

Tableau de bord hebdomadaire des produits laitiers (FranceAgriMer, 12 déc. 2022)

Note de conjoncture lait de vache (FranceAgriMer, 29 nov. 2022)

Lettre ouverte de la filière bio aux distributeurs (28 nov. 2022)

Hausse des importations de produits laitiers et de viandes (ministère de l’agriculture, 15 nov. 2022)

Nette réduction de l’excédent agroalimentaire (ministère de l’agriculture, 27 oct. 2022)

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