L’agricultrice régénératrice au banc d’essai

Polyculteur-éleveur en Picardie, Franck Dehondt expérimente l’agriculture régénératrice avec l’appui du BTPL.

FRANCK DEHONDT N’A « QUASIMENT PAS LABOURÉ DEPUIS VINGT ANS ». RÉSULTAT : « DES PLANTES PLUS RÉSILIENTES, NOTAMMENT EN PÉRIODE DE SÉCHERESSE. »

Sujette à l’érosion des sols, l’EARL(1) Dehondt (Lucheux, Somme) a adopté, il y a une quinzaine d’années, le non-labour et l’agriculture de conservation. Les années passant, elle a été confrontée à la résistance de plantes vivaces et à un plafonnement des rendements. Aussi Franck Dehondt n’a-t-il pas hésité quand sa coopérative laitière, La Prospérité Fermière, et le BTPL(2) ont imaginé, en 2021, une démarche d’accompagnement des éleveurs en agriculture régénératrice. « C’est une troisième voie entre l’agriculture conventionnelle et le bio. C’est un moyen de reconnaissance des bonnes pratiques du terrain qui, de plus, entre dans la continuité de mon travail », témoigne-t-il.

UNE AGRICULTURE RÉGÉNÉRATRICE

« L’agriculture régénératrice est un atout pour la filière laitière, complète Jérôme Huet, directeur du BTPL. Elle agglomère et apporte une partie des réponses aux enjeux du plan de filière(3) et aux attentes sociétales : réduction du carbone, bien-être animal, pâturage, biodiversité, performance agronomique et économique, biodiversité… » Le projet pilote dans lequel s’inscrit Franck Dehondt est le fruit d’une co-construction entre le BTPL, La Prospérité Fermière, son client General Mills (qui fabrique les glaces Häagen-Dazs près d’Arras) et l’Institut de l’élevage. L’objectif est d’arrimer à ce projet, pendant cinq années, dix exploitations aux profils différents selon la nature de leur système fourrager, les avancées déjà accomplies, la présence ou non d’un robot de traite… Les enseignements de cette phase expérimentale permettront d’identifier les freins et de définir les conditions de réussite d’une transition d’un plus grand nombre d’éleveurs vers ces pratiques.

DES BACTÉRIES SUR LES LITIÈRES

Franck Dehondt mise sur l’agriculture régénératrice pour conserver la fertilité de ses terres et optimiser l’utilisation des effluents d’élevage produits par ses 63 vaches et leur suite. Il va bâcher sa fumière pour limiter les écoulements liquides d’azote et de potassium : « une journée de travail valorisée 15 000 à 20 000 € au regard du coût des éléments fertilisants préservés », estime-t-il en substance. D’ores et déjà, il prépare et épand une solution de bactéries lactiques sur les litières pour limiter leur échauffement et créer une meilleure ambiance (moins d’ammoniac) dans la stabulation. Non seulement il ne cure plus que tous les deux mois, au lieu de tous les quinze jours auparavant, mais encore le nombre de mammites a diminué, constate-t-il. En pratique, l’éleveur achète un litre de solution mère (à 30 ) qu’il dilue dans mille litres d’eau chauffée à 34°C avec 30 kilos de mélasse pour multiplier les bactéries.

Au champ, les fumiers ainsi traités affichent une meilleure valeur agronomique. Cet avantage se cumule avec quinze années d’agriculture de conservation des sols (semis direct sans labour) qui ont permis de décompacter la terre. L’eau et l’air circulent davantage. Le développement des racines est facilité. Résultat : des « plantes plus résilientes, notamment en période de sécheresse », observe encore Franck Dehondt.

BENOÎT CONTOUR

(1)   EARL : exploitation agricole à responsabilité limitée

(2)   BTPL : bureau technique de promotion laitière

(3)   Dans le cadre des États généraux de l’alimentation, l’interprofession laitière (Cniel) a adopté, en décembre 2017, son plan de filière : « France Terre de Lait ».

 

EN CHIFFRES…

L’EARL DEHONDT (SOMME)

  • 1,8 unité de main-d’œuvre (UMO)
  • une SAU(1) de 92 ha, dont 22 ha de maïs ensilage et 12 ha de prairies
  • 63 vaches Holsteins à 8 000 l/an
  • 503 000 litres livrés à La Prospérité Fermière
  • un système de pâturage tournant avec 29 paddocks (15 ares par vache)
  1. SAU : surface agricole utile

DONNÉES ÉCONOMIQUES

✔ Marge brute : 253 €/1000 l

✔ Marge brute : 91 064 €/UMO

✔ Charges opérationnelles : 149 €/1000 l

✔ EBE(1) : 177 €/1000 l

✔ EBE/UMO(2) : 41 356 €

✔ Annuités : 44 €/1000 l

✔ Prix d’équilibre : 309 €/1000 l

 

  1. EBE : excédent brut d’exploitation
  2. UMO : unité de main-d’oeuvre

 

 

 

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