La viande bovine à un tournant

Si la contractualisation « a pour vocation d’encadrer le prix des matières premières agricoles, elle pourrait aussi être utilisée en faveur de la structuration de la filière », estime Cerfrance.

Dans une lettre de veille économique consacrée aux marchés agricoles en 2021, Cerfrance dresse le bilan de l’année pour les principales productions et revient sur les enjeux de la loi Egalim 2, notamment la généralisation des contrats. « Pour les produits laitiers, c’est déjà le cas, les initiatives sont nombreuses. Sur la viande, cela reste plus rare », constate Philippe Boullet, directeur Performance et Prospectives Cerfrance Conseil National. « La dynamique contractuelle attend que soit clarifiée la stratégie de réponse à la demande en termes de calendrier, de volume, de race, de poids et de modes de production pour qu’avec les négociations sur les prix, la contractualisation s’inscrive pour l’éleveur dans un modèle économique explicite. »

« Dès le 1er janvier 2022, un contrat obligatoire devra être mis en place entre l’agriculteur et son premier acheteur pour la commercialisation des animaux finis (la date du 1er juillet est pressentie pour les animaux maigres). Les modalités de fixation du prix (prix plancher, tunnel de prix…) et les indicateurs de coûts de production pris en compte devront être négociés et formalisés », complète Nathalie Velay, chargée de mission en veille économique chez Cerfrance Alliance Massif Central, dans le chapitre consacré à la filière allaitante.

Plus aisé pour les JB que les vaches ou les broutards

« La mise en œuvre de cette première étape est un challenge pour une filière où la culture du gré à gré reste très implantée et pose la question de l’organisation des producteurs pour la négociation des contrats. Par ailleurs, si elle semble assez naturelle à mettre en place pour les jeunes bovins qui sont des produits relativement standardisés et avec un calendrier de production maîtrisable, le cadre de la contractualisation semble moins évident pour les vaches et pour les broutards (comment s’engager sur un prix tributaire des lois d’un marché mondialisé ? Les opérateurs seront-ils en mesure de clarifier leurs besoins, quel type d’animal, à quel moment ?) », s’interroge Nathalie Velay.

« Si la filière veut se donner l’ambition d’utiliser la contractualisation pour aller chercher de la valeur ajoutée, cela signifie que le champ des engagements réciproques devra aller au-delà de la prise en charge des animaux et de la sécurisation du prix. Dans le monde d’après, on peut imaginer que les éleveurs s’engageront sur un prévisionnel de mise en marché (volume et calendrier), à l’instar de la filière ovine, afin d’aider à anticiper le disponible des animaux à venir (pour ajuster les politiques commerciales des opérateurs) et d’optimiser le fonctionnement des outils d’abattage ; ou qu’ils feront évoluer leur mode de production (race, poids, saisonnalité…) en fonction d’un cahier des charges plus ou moins exigeant selon le marché visé et la promesse de prix associé. »

Quel avenir pour la grille Europa ?

« Pour les opérateurs, poursuit Nathalie Velay, le défi restera la valorisation complète de la carcasse pour créer de la valeur, la communication avec les producteurs sur l’évolution de la demande de leurs propres clients et l’adoption de modalités de prix à la hauteur des efforts engagés, quitte à remettre en question certains fondamentaux comme la grille Europa. La mutualisation du risque, avec la création de caisses de péréquation, pourrait également faire partie du modèle. »

« À l’aube de l’application de cette loi Egalim, il est difficile de dire jusqu’où ira l’engagement stratégique des maillons de cette filière, mais les lignes bougent. La première organisation de producteurs transversale (ELVEAOP) est née le 16 avril 2021. Les changements seront limités si la contractualisation se borne à mettre en place un tunnel de prix et ne concerne que le marché domestique. Mais les lignes pourraient aussi bouger davantage et accélérer les mutations dans la qualité des animaux vendus, facteur d’augmentation de la marge », conclut Nathalie Velay.

BC

A télécharger :

Inséminations sur les femelles allaitantes en 2021 (Institut de l’élevage, nov. 2022)

L’avenir des protéines animales en France (Crédit Agricole, sept. 2021)

L’agroalimentaire français s’internationalise (Insee, 13 janv. 2022)

Conjoncture hebdomadaire des viandes (FranceAgriMer, 10 janv. 2022)

Bulletin hebdomadaire des filières ruminants (Interbev, 5 janv. 2022)

Tableau de bord hebdomadaire des viandes (FranceAgriMer, 3 janv. 2022)

Bulletin hebdomadaire des filières ruminants (Interbev, 29 déc. 2021)

Tableau de bord hebdomadaire des viandes (FranceAgriMer, 27 déc. 2021)

Arrêté de reconnaissance ELVEA 21-89 (26 déc. 2021)

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