La révision des contrats doit profiter à l’éleveur

« La mise en conformité des contrats doit servir à rééquilibrer les relations au bénéfice des producteurs agricoles », avertit le Médiateur des relations commerciales agricoles. La FNPL et la Confédération paysanne ne disent pas autre chose.

« La loi EGALIM a entendu rendre au producteur – ou son organisation de producteurs – l’initiative de proposer le contrat écrit qui régira ses relations avec ses clients », rappelle le Médiateur dans un communiqué du 2 avril 2019. « Elle fait de cette proposition le point de départ et de référence de la négociation qui s’engage en imposant à la partie destinataire de motiver ses éventuelles réserves ou désaccords : « Tout refus de la proposition (…) ainsi que toute réserve sur un ou plusieurs éléments de cette proposition doivent être motivés et transmis à l’auteur de la proposition dans un délai raisonnable au regard de la production concernée ».

« Le producteur peut néanmoins donner mandat à son acheteur de faire cette proposition de contrat. Le Médiateur rappelle à cet égard que ce mandat doit être explicite et que l’absence de proposition d’un éleveur avant la date fixée par la loi pour amender les contrats en cours ne vaut pas mandat donné à l’acheteur de proposer des modifications qu’il pourrait imposer sous menace d’interruption de la collecte. »

Respecter un préavis

« Le formalisme retenu par la loi EGALIM vise ainsi à restaurer la capacité des agriculteurs à peser dans la négociation commerciale en évitant qu’une des parties abuse de sa position de force et ne peut être invoqué pour imposer ses vues à son partenaire commercial. Ainsi, le Médiateur rappelle aux laiteries qu’elles ne peuvent se servir du fait que leurs éleveurs n’ont pas accepté leurs réserves et contre-propositions contractuelles pour mettre immédiatement un terme à leurs relations commerciales. Les relations commerciales peuvent se poursuivre dans les conditions du contrat existant jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé. Il encourage les acteurs à négocier de bonne foi et à s’inscrire dans une dynamique de négociation constructive pour que les contrats soient mis en conformité dans des délais raisonnables ».

« En tout état de cause, les négociations en cours pour mettre les contrats en conformité s’inscrivent dans le cadre de relations contractuelles existantes et établies. Toute rupture de ces relations doit respecter un préavis :

  • si les parties sont liées par un contrat écrit existant, les délais de préavis prévus à ce contrat s’appliquent naturellement. Il convient de souligner que la nouvelle loi EGALIM renforce les dispositions en matière de clause de résiliation et fixe un délai de préavis minimum de 3 mois en cas de non-renouvellement du contrat par l’acheteur.
  • en l’absence de contrats écrits, les relations ne peuvent être rompues sans qu’un délai raisonnable, fonction des usages, ne soit respecté. »

« Les producteurs pourraient mettre à profit cette période de poursuite des relations commerciales pour se constituer en organisation de producteurs (OP) ou rejoindre les OP existantes et bénéficier ainsi de la capacité des OP à obtenir des conditions plus équilibrées », suggère le Médiateur. Lequel se déclare « à la disposition de l’ensemble des acteurs pour les accompagner dans la mise en œuvre des nouvelles dispositions législatives, la mise en place de contrats équilibrés et la résolution des difficultés liées à leur exécution ».

« La mise en conformité des contrats patine » (FNPL)

« La mise en conformité des contrats laitiers en intégrant des indicateurs de coût de production, telle que la loi le prévoit au 1er avril, patine », regrette la FNPL dans un communiqué du 10 avril. « Les producteurs de lait ont, conformément à cette loi, proposé aux industriels des avenants à leurs contrats, notamment par l’intermédiaire de leur OP. Pour certaines entreprises, l’accord-cadre, obligation légale instaurée sous le précédent gouvernement, n’est même pas encore effectif ! La FNPL a pris ses responsabilités en mettant à la disposition des producteurs de lait des modèles de contrats. Aux entreprises de prendre la leur ! (…) Revenir en arrière sous de faux prétextes n’est pas EGA compatible. »

« La coopération ne fait pas exception à ce devoir d’exemplarité alors que la loi prévoit des « effets similaires » pour les coopératives concernant l’intégration des coûts de production dans le calcul du prix du lait. Alors que le grand débat s’achève, la FNPL entend provoquer un vrai débat au sein des assemblées générales de coopératives laitières qui vont se dérouler d’ici l’été. L’objectif, pour la FNPL, est de sortir par le haut du sentiment de défiance dans le modèle coopératif. L’enjeu est, en adéquation avec l’ordonnance sur la coopération, de faire toute la lumière sur les modalités de détermination du prix et de la répartition du résultat des coopératives. »

« Rejoignez les OP transversales FMB » (Conf’)

Dans un communiqué du 19 mars, la Confédération paysanne avait déploré que certains acheteurs industriels « profitent scandaleusement de l’évolution pour fragiliser davantage encore les producteurs isolés et s’attaquer à la défense collective des intérêts des éleveurs laitiers. Ainsi, des producteurs de lait non membres d’une OP ou membres d’une OP transversale France Milk Board (FMB) ont reçu un courrier de leur acheteur leur signifiant qu’ils devaient dans un délai très court annoncer s’ils proposaient un avenant à leur contrat de leur propre chef ou s’ils déléguaient cette charge à leur acheteur. »

« La peur de ne plus être collecté, le fait de devoir être à l’initiative du contrat, et ce dans un délai raccourci, engendrent une réelle pression sur le producteur au point de se sentir contraint de déléguer cette proposition d’avenant à son acheteur. Acheteur qui ne manquera pas d’imposer son contrat et la détermination du prix qui en découle, au détriment du producteur. »

« Face à cela, nous appelons les producteurs concernés à ne pas se paniquer, à ne pas signer l’éventuel avenant proposé par leur acheteur et à rejoindre les organisations de producteurs transversales FMB sur leur territoire. Ils seront ainsi couverts par la proposition d’accord-cadre réalisée par l’OP à laquelle ils auront donné mandat. »

« Membre fondatrice de FMB, la Confédération paysanne dénonce le comportement de ces industriels. Cette attitude nous conforte dans la nécessité du regroupement en organisations transversales de producteurs fortes, qui ne soient pas inféodées à des industriels. C’est la voie à suivre pour une meilleure défense collective des producteurs de lait. Nous souhaitons aussi alerter l’État : l’inversion de la contractualisation est insuffisante sans une action contraignante pour rééquilibrer le rapport de forces actuel entre laiteries et producteurs. Sous peine d’acter définitivement l’abandon des producteurs par les pouvoirs publics à la loi du marché, l’ordonnance sur les prix abusivement bas et le retour à des outils de régulation du marché doivent relever ce défi », conclut le communiqué.

BC

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