La planète a faim de viande bovine

En 2017, la demande mondiale de bœuf a progressé plus rapidement que l’ensemble des viandes. La production et les échanges sont au diapason.

« Les États généraux de l’alimentation constituent des enjeux très franco-français. Avec la montée en gamme, la construction du prix, le bien-être animal, on est un peu hors-sol par rapport au reste du monde », analyse Emmanuel Bernard, président du comité de filière viande bovine à l’Institut de l’élevage (photo ci-contre). « Plusieurs centaines de millions de personnes n’ont toujours pas accès à une bonne alimentation. Dès lors, évitons de nous embarquer dans une réflexion trop rétrécie. La consommation et la production de viande bovine augmentent grâce au développement des classes moyennes dans les pays émergents. Nous devons prendre beaucoup de recul, ne pas garder le nez dans le guidon. » C’était tout l’intérêt de la 7e conférence sur les marchés mondiaux de la viande bovine organisée le 31 mai dernier à Paris.

Du potentiel en Asie…

Selon la FAO, la demande mondiale de viande bovine a progressé de 1,8 % en 2017 (1,4 % selon l’USDA), soit « plus rapidement que pour l’ensemble des viandes (environ + 1 % selon la FAO) », souligne Philippe Chotteaux, chef du département économie de l’Institut de l’élevage (Idele). Les hausses les plus fortes ont été enregistrées en Chine (+ 6 %), au Japon (+ 5,5 %), en Corée du Sud (+ 2,8 %), mais aussi aux États-Unis (+ 3,1 %) et au Canada (+ 3,8 %). Un « rebond » a également été observé en Amérique du Sud. En revanche, l’Europe, la Russie, l’Afrique ou l’Océanie hésitent entre stagnation et baisse. « Désormais, l’Asie représenterait 31 % de la demande mondiale, pour 60 % de la population mondiale. Il y a encore du potentiel. »

… et spécialement en Chine

C’est dire l’importance de la levée de l’embargo chinois sur la viande bovine française qui pourrait devenir effectif le 14 juillet prochain au terme d’une procédure accélérée : 16 mois au lieu de quatre à cinq ans, note Carole Ly (FranceAgriMer). Ensuite, il faudra convaincre les importateurs et les consommateurs chinois, « accoutumés à la viande et à la découpe australienne » et qui témoignent d’une « méconnaissance totale de la viande bovine française », avertit Jean-Marc Chaumet (Idele). Il y aura donc « nécessité d’investir fortement sur la communication » et de trouver un positionnement prix adéquat « compte tenu de la forte concurrence » sur ce marché. Un marché qui, de surcroît, s’est rouvert à la viande bovine états-unienne en 2017, dont la production est repartie de l’avant en 2017 (+ 3 % à 11,9 Mtéc). La filière française pourra tout de même compter sur la « bonne image de la France et des produits (de luxe) français » et sur la « curiosité bienveillante » des Chinois à l’égard des produits nouveaux. Une piste à envisager : coupler la vente de vin et de viande bovine.

Le Mercosur en embuscade

Pour l’heure, resitue Philippe Chotteaux, les principaux déterminants du marché mondial peuvent se résumer ainsi : « toujours plus de production en Amérique du Nord et du Sud et en Océanie ; une dynamique de consommation incertaine en Amérique latine (crise en Argentine et au Brésil) qui pourrait entraîner encore plus de disponible à l’export ; une demande toujours dynamique en Asie du Sud, aux Etats-Unis et une reprise dans les pays exportateurs de pétrole ; un risque sur les prix, notamment avec le jeu des taux de change. »

Dans l’UE, la production s’est effritée en 2017 (- 0,1 % à 7,79 Mtéc) et est « annoncée stable » en 2018, témoigne Caroline Monniot (Idele). Depuis le début de l’année, la cotation européenne des jeunes bovins R3 ou des vaches O3 se situe au-dessus de celle des années précédentes. La suite dépendra notamment de la conjoncture laitière, de la parité €/$, de l’après-Brexit ou encore des « accords bilatéraux à haut risque en négociation » avec l’Amérique du Sud (Mercosur) et l’Océanie (Australie + Nouvelle-Zélande). Pour la FNB, qui appelait les éleveurs à manifester « dans toute la France à partir du 10 juin », l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, « sur le point de se conclure », pourrait se traduire par l’arrivée, à droits de douane réduits, de « 99 000 tonnes de viandes supplémentaires, non tracées et peu contrôlées (…) dans les assiettes des consommateurs européens. »

BC

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