Le revenu tiré de la méthanisation tourne généralement autour de 500 €/kWe, mais c’est beaucoup moins pour les installations récentes ayant recours à l’externalisation et à de « nouveaux constructeurs à la fiabilité incertaine ».
Le Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’agriculture vient de publier un rapport (1) relatif aux revenus tirés de la méthanisation agricole. Une cinquantaine d’agriculteurs-méthaniseurs installés dans quatre régions (Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire, Grand Est, Ile-de-France) ont été enquêtés sur leur stratégie d’insertion dans la filière biogaz. Premier constat : « cette filière connait actuellement une logique d’industrialisation et d’extension – au sens d’une augmentation du nombre de segments et donc d’acteurs. Cette dynamique se traduit par une plus grande difficulté, pour certains agriculteurs, à dégager un revenu de cette activité non agricole, en particulier pour ceux situés en amont de la filière et qui n’ont pas réussi à internaliser au maximum les différentes étapes du processus de production. Il n’est pas certain que les agriculteurs, à terme, parviennent à être des acteurs dominants de la méthanisation et à en dégager un revenu significatif, quelles que soient leurs spécificités. » Néanmoins, l’étude montre que quatre modèles émergent, pas tous logés à la même enseigne.
Internalisation et symbiose
Ce premier modèle rassemble des unités de méthanisation (UM) générant un revenu courant avant impôts (RCAI) par kilowatt électrique (ou son équivalent en injection) installé « compris entre 580 €/an et 850 €/an. Il concerne généralement des éleveurs seuls dans le projet qui, en termes productifs, internalisent la maintenance afin d’en maîtriser le coût. Ils utilisent peu de main-d’œuvre salariée, ce qui se répercute sur leur temps de travail et les conduit à accentuer leur spécialisation agricole. Ils minimisent le coût de leurs substrats en privilégiant l’usage de leurs propres effluents. Ce modèle repose essentiellement sur des unités en cogénération de première génération (avant 2015), ayant bénéficié d’importantes subventions. » Dans ce modèle, l’activité de méthanisation se révèle « très complémentaire à l’activité agricole. C’est pourquoi ces agriculteurs ne cherchent pas nécessairement à maximiser le rendement de production d’électricité, mais privilégient la qualité du digestat : il s’agit d’en faire un substitut aux engrais de synthèse. »
Céréaliers en injection
« Ce deuxième modèle concerne des agriculteurs individuels ou des très petits collectifs portés par un céréalier. Il rassemble des unités générant un RCAI/kWe compris entre 400 €/an et 650 €/an, avec un cas extrême situé à 800 €/an. Il repose sur une génération d’unités de méthanisation en injection apparues avec la deuxième phase, dite « de développement » de la filière (après 2015). À l’inverse du modèle précédent, ces agriculteurs cherchent à maximiser le rendement énergétique de l’unité, avec l’injection qui assure un bien meilleur rendement énergétique que la cogénération, et en employant des substrats très méthanogènes. Ainsi, pour produire du méthane, l’utilisation de CIVE et de cultures dédiées est régulière. Le digestat est un autre élément essentiel de la production, qui garantit une plus grande autonomie en engrais, indispensable pour assurer la production des substrats végétaux alimentant le digesteur. Pour cela, l’organisation productive repose sur un salariat plutôt spécialisé (anciens ouvriers de l’industrie et de la maintenance), qui assure le fonctionnement ordinaire de l’UM (remplissage des cuves, surveillance et astreintes, etc.) et parfois la comptabilité. De leur côté, les agriculteurs se spécialisent dans les tâches administratives. »
Petits collectifs d’agriculteurs
« Le troisième type concerne des petits collectifs de céréaliers et d’éleveurs, dont la coopération peut dépasser le seul projet de méthanisation (création d’un groupement d’employeurs, travail collectif pour les moissons, etc.). Ces UM génèrent un RCAI/kWe compris entre 450 €/an et 650 €/an. Dans ce modèle, l’investissement est plus récent (après 2015). Dans ce modèle, comme dans le précédent, l’UM est séparée juridiquement des entités agricoles. Tout est facturé, même lorsqu’il s’agit formellement d’un échange entre l’UM et les agriculteurs membres du collectif, pour l’achat des CIVE, l’épandage, l’achat du digestat, etc. Ce modèle concerne aussi bien des UM en injection qu’en cogénération (…) Contrairement au cas précédent, il s’agit rarement d’assurer le plus grand rendement énergétique de l’unité. L’objectif est de valoriser les substrats produits en interne, comme dans le modèle « internalisation et symbiose » (…) L’industrialisation de l’unité n’est que partielle, contrairement au cas précédent. Pour réduire le coût du travail, les associés préfèrent mobiliser l’un d’entre eux, dont l’activité est presqu’entièrement consacrée à l’UM, plutôt que d’employer des salariés. »
Externalisation partielle et technologie générique
« Ce dernier modèle implique des agriculteurs seuls ou en très petits collectifs, éleveurs pour la plupart, ayant investi plus récemment dans la méthanisation, après 2015, donc durant la phase de développement et non pas d’émergence de la filière. Le RCAI/kWe est faible et compris entre – 511 €/an et + 80 €/an. Le coût de l’investissement est plus élevé que dans le modèle « internalisation et symbiose », en raison d’un grand nombre d’acteurs intervenant dans la construction des méthaniseurs (assistants à maîtrise d’ouvrage, maîtres d’œuvre, cabinets de conseil, etc.). Les coûts de maintenance sont élevés car ces UM s’appuient généralement sur de nouveaux constructeurs à la fiabilité incertaine (…) La volonté d’une partie des agriculteurs de ce groupe d’optimiser la production de biogaz les conduit à inclure davantage d’intrants hautement méthanogènes, comme les issues de céréales, achetées auprès de leurs coopératives. Ce choix pèse sur les charges opérationnelles et sur le RCAI (…) En résumé, ce quatrième modèle est une version dégradée du modèle « internalisation et symbiose ».
BC
(1) « Analyse de filière des dynamiques de revenus de la méthanisation agricole », CEP, juillet 2021
A lire : « Faire plus petit pour voir plus grand » (Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle, 29 octobre 2021)