« La Blonde d’Aquitaine, une carcasse haut de gamme »

Dans le Lot, la famille Cadiergues sélectionne et engraisse des Blondes d’Aquitaine. Une race de grand format qui trouve son débouché dans la boucherie traditionnelle mais aussi à l’exportation.

Au lieu-dit Doumergue, à Anglars (Lot), la ferme Cadiergues élève des Blondes d’Aquitaine (176 vêlages en 2018) et engraisse des broutards limousins : des animaux achetés à 270 kg avant d’être expédiés vers l’Italie à 480 kg. « L’exportation est un moteur dans notre bassin allaitant », témoigne Fabien Cadiergues, qui s’est installé depuis une dizaine d’années en Gaec avec ses parents, diplôme d’ingénieur (Purpan) en poche. Les jeunes mâles Blonds d’Aquitaine sont eux aussi promis à l’exportation, à l’exception d’une quinzaine d’entre eux gardés pour être vendus comme reproducteurs. Les génisses sont engraissées et abattues entre 30 et 34 mois, avec un poids carcasse moyen de 525 kg. Les vaches de réforme sont abattues à un âge moyen de 7,5 ans pour un poids carcasse de 580 kg. Le taux de renouvellement du troupeau atteint 28 %. Ces femelles sont mises en marché par la coopérative Bovid’Oc et sa filiale Arcadie. L’objectif est d’en vendre un maximum en Label Rouge Blonde d’Aquitaine avec une conformation U où elles sont valorisées 5 €/kg. Un prix plus élevé que pour d’autres races, dû à un positionnement « haut de gamme » apprécié par les boucheries parisiennes. Ce tarif compense un « coût de production élevé, dû au temps long d’engraissement nécessaire pour avoir un niveau élevé de qualité », explique Fabien Cadiergues. La majorité des animaux est écoulée en Label Rouge. L’éleveur estime que « le Label Rouge devrait engager une réflexion pour mieux correspondre aux attentes sociétales, notamment en matière de bien-être animal. » (1)

La Blonde d’Aquitaine représente 6,7 % des effectifs bovins dans le Lot, indique la Chambre d’agriculture. Elle se place derrière la Salers (8,8 %), l’Aubrac (9,1 %) et la Limousine (41,7 %). Le grand-père de Fabien Cadiergues avait commencé à la sélectionner « à une époque où les vaches les plus lourdes se vendaient le mieux ». Son père a axé le cheptel sur la génétique et la reproduction. Aujourd’hui, ils continuent de rechercher le meilleur compromis entre facilité de naissance, qualités maternelles et qualités bouchères. Résultat, la Blonde d’Aquitaine produit des « veaux très longilignes, qui épaississent ensuite ». Elle se distingue aussi par « un rendement en viande très élevé, qui peut atteindre facilement 72 %, et par une proportion supérieure de morceaux nobles à utiliser en grillade ». Enfin, « c’est une vache adaptée au terroir local, habituée aux étés chauds et secs. Sans être rustique, elle est capable de vivre de pas grand-chose. Elle aime le soleil, ce qui explique qu’elle se développe en Amérique du Sud. Mais elle apprécie moins la boue »…

« Pour porter un projet, il faut le moral »

La Ferme Cadiergues s’apprête à emmener deux génisses et une vache suitée début octobre au Sommet de l’élevage, qui organise cette année le concours national de la race Blonde d’Aquitaine. Fabien et ses parents sont aussi « montés neuf fois à Paris en treize ans. C’est passionnant de rencontrer des gens et des systèmes différents », témoigne l’éleveur. Ce besoin de « créer du lien », avec le consommateur cette fois, il le satisfait en ouvrant sa ferme avec la vente directe de caissettes de bœuf. Il tente de se démarquer en proposant de la viande enrichie en acides gras oméga 3 grâce à l’ajout de tourteau de lin et de noix dans la ration des animaux. Un produit qui a séduit le seul restaurant deux étoiles du département. Il a conscience que la Blonde d’Aquitaine haut de gamme bénéficie pour l’heure d’un marché relativement « protégé », mais qui « se contracte ». Il pressent que l’avenir de l’élevage allaitant sera « très compliqué. Pour avoir de la rentabilité, il faut des hectares et peu de charges. C’est un effet de la Pac. C’est pourquoi beaucoup de laitiers qui cessent la production se lancent dans l’élevage des Aubracs, des animaux hyper rustiques ».

Les 230 ha du Gaec Cadiergues sont occupés par 40 ha de maïs (dont 30 ha irrigués), 20 ha de céréales, 100 ha de prairies permanentes et environ 70 ha de prairies temporaires (graminées et légumineuses en mélange pour une bonne autonomie protéique) qui alternent avec les surfaces cultivées. Fabien Cadiergues est tenté par la plantation de châtaigniers sur l’exploitation, pourvu qu’il ait la possibilité, technique puis administrative, de créer une seconde retenue d’eau. Pour l’heure, il continue d’équiper ses bâtiments agricoles de panneaux photovoltaïques, et porte, avec une trentaine d’autres exploitations de la région, un important projet de méthanisation de fumiers, lisiers et CIVE (cultures intermédiaires à vocation énergétique). Quatre installations sont prévues, pour un investissement global de 14 millions d’euros. La coopérative locale, Fermes de Figeac, les soutient sur le plan technique. L’association Methaseli Environnement, présidée par Fabien Cadiergues, a été créée pour l’occasion. Le projet fait actuellement l’objet de nombreux recours déposés par des riverains. « Ce qui est novateur fait peur. Pour porter un projet en France, il faut le moral. Ça va que nous sommes plusieurs. »

Autre préoccupation, la retraite prochaine de ses parents, Serge et Roseline, associés avec lui dans le Gaec. Un salarié avait commencé à travailler avec lui dans cette perspective, mais ça n’a pas pu se concrétiser. « Le renouvellement des générations, c’est ma priorité sur la ferme. »

Benoît Contour

(1) L’interprofession bovine (Interbev), dans son plan de filière bâti pour les Etats généraux de l’alimentation, a prévu de porter 3 % à 40 % en cinq ans la proportion de viandes sous Label Rouge.

NB. Article publié dans Grands Troupeaux Magazine n° 74 (septembre 2019)

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