La bio coupée dans son élan

L’élevage bovin bio a marqué le pas en 2023, pour la première fois depuis dix ans.

Les surfaces conduites en agriculture biologique (en conversion ou déjà converties) ont diminué de 2 % en 2023 pour revenir à 2,77 millions d’hectares (Mha), soit 10,4 % de la SAU, a indiqué l’Agence bio, le 13 juin. La quasi-totalité des 54 184 ha perdus concerne les grandes cultures (0,74 vs 0,77 Mha en 2022) et les surfaces fourragères (1,61 vs 1,64 Mha). A noter cependant que les surfaces toujours en herbe continuent à progresser (1 vs 0,97 Mha) alors que les cultures fourragères se replient pour la première fois depuis dix ans au moins : 0,59 vs 0,67 Mha.

Il en va de même pour le nombre d’éleveurs laitiers (4 990 vs 5 213) et l’effectif de vaches laitières (292 521 vs 302 267). Si le nombre d’éleveurs allaitants progresse légèrement (6 635 vs 6 598), le troupeau de vaches allaitantes (225 014 vs 228 305) diminue, du fait d’une moindre entrée d’animaux en conversion. Toutes productions agricoles confondues, 61 000 exploitations (14 % du total) étaient engagées dans la bio en 2023, soit 2 % de plus qu’en 2022 (7 % de nouveaux convertis pour 5 % de sortants : pour moitié des déconversions, pour un tiers des départs à la retraite). Elles emploient 145 000 personnes équivalent temps plein.

Le ventes de produits alimentaires biologiques se sont maintenues à 12 Md€ en 2023 mais, compte tenu de l’inflation (moins marquée qu’en conventionnel), la part de marché de la bio est retombée à 5,6 %, après 6 % en 2022. La tendance n’est cependant pas uniforme : alors que la crèmerie (lait, produits laitiers, œufs) progresse de 3 % en valeur, les viandes reculent de 9 %. Dans ce secteur, analyse l’Agence bio, « une grande part de la baisse des ventes est attribuable à la grande distribution qui représente 55 % des débouchés. Quand, dans le même temps, la vente directe poursuit la croissance à + 8,2 %, et gagne 2,9 points. En termes de circuits de distribution, la vente directe et ses 18 % de part de marché rejoint les magasins spécialisés qui ont 19 % de part de marché quand les artisans commerçants sont à 9 % de part de marché ».

15 M€ de plus pour les exploitations bio en difficulté

Le ministre de l’agriculture avait annoncé, le 28 février dernier, un dispositif d’aide à la bio à hauteur de 90 millions d’euros (M€) pour 2024 permettant d’apporter un soutien immédiat aux exploitations agricoles biologiques ayant subi des pertes économiques importantes. L’ensemble des demandes d’aides déposées sur ce guichet entre le 22 mars et le 3 mai 2024 et vérifiant les critères d’éligibilité dépasse l’enveloppe budgétaire initiale de 90 M€ d’euros, et s’élève finalement à un peu plus de 105 M€, indique le ministère dans un communiqué du 13 juin.

« Afin de couvrir la totalité des demandes d’aides éligibles sans appliquer de coefficient stabilisateur, et d’apporter ainsi un soutien à la hauteur du besoin de l’agriculture biologique, le Gouvernement a décidé de relever l’enveloppe budgétaire de l’aide de crise à hauteur de 105 M€. Le lancement des paiements des dossiers débutera dès la semaine prochaine. »

« Ce soutien supplémentaire conséquent accordé à la filière biologique vise à maintenir le potentiel de production biologique français au-delà des difficultés conjoncturelles actuelles, liées à un fléchissement de la demande, en complément notamment des moyens substantiels dédiés à la communication, et en cohérence avec le programme Ambition bio 2027 et la trajectoire de développement souhaités pour l’agriculture biologique. »

BC

LES REACTIONS

« Il faut engager un sursaut de développement » (Fnab)

« Si on peut se féliciter de l’augmentation du nombre de fermes en bio, on ne peut que s’inquiéter de la baisse historique des surfaces qui nous éloigne de l’objectif de 18 % de SAU bio en 2027 que la France a fixé dans la politique agricole commune », écrit la Fnab dans un communiqué du 13 juin. « Il est urgent de poser le bon diagnostic et d’y apporter les remèdes adéquats. Si le développement des fermes est une bonne nouvelle, le repli des surfaces implique que nous n’avons pas réussi à amorcer la transition des cultures céréalières qui sont aussi les plus consommatrices des herbicides qu’on retrouve dans notre eau potable. »

« Le gouvernement doit changer de stratégie et soutenir les fermes bio dans la durée. Malgré une aide conversion incitative de 350 euros par hectare pour certaines productions comme les grandes cultures, la conversion bio est à l’arrêt en ce début de nouvelle Pac. Le choix fait de ne financer que la conversion était une erreur, ce sont bien des aides dans la durée qui permettent d’inciter au passage en bio, pas des aides très généreuses sur une période courte. « Clairement, la cible a été manquée : non seulement les céréaliers ne passent pas en bio mais, pire, plusieurs d’entre eux arrêtent. L’erreur, ça a été de supprimer l’aide au maintien et de refuser de la remplacer par un soutien sérieux sur l’éco-régime en faisant croire que le consommateur assumerait seul le coût de la bio. Toutes les tendances syndicales sont aujourd’hui d’accord là-dessus », explique Loïc Madeline, référent professionnel Pac à la Fnab.

« La FNAB demande un sursaut de développement. Pour protéger l’eau potable, il faut continuer à développer les surfaces. La France doit s’engager vers un objectif de 100 % des aires d’alimentation de captage en bio en 2030. Pour préserver les fermes déjà en bio et éviter le retour en arrière, la France doit : augmenter l’éco-régime bio à 145 euros par hectare et par an ; flécher 100 % des paiements pour services environnementaux du ministère de l’écologie vers les fermes bio ; pour permettre au marché de repartir, il est urgent que la bio ait accès aux outils de régulation de marché : la Fnab demande dès 2025 l’ouverture d’un programme opérationnel pour le lait bio. »

« La bio a apporté les preuves scientifiques qu’elle est le label le plus abouti pour combiner productivité et durabilité. Pourtant, de nombreux soutiens publics partent encore vers des démarches qui n’ont pas fait leurs preuves comme le label HVE qui capte plus de 140 M€ par an du budget de la Pac. « Il est incompréhensible, dans le contexte de crise que connaît la bio actuellement, que le ministère de l’agriculture et le ministère de l’écologie financent encore des mesurettes environnementales et laissent mourir la bio en silence », explique Philippe Camburet, président de la Fnab.

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