Hausse de 17 % du revenu agricole

L’envolée des prix des productions végétales permet un rebond du revenu par actif non salarié, estimé à 17,1 % en 2021.

La commission des comptes de l’agriculture de la Nation (CCAN) a approuvé, le 15 décembre, le compte prévisionnel 2021 établi par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). Principal constat : « après deux années de baisse, la valeur de la production de la branche agricole hors subventions sur les produits se redresse très nettement en 2021 (+7,5%) sous l’effet de la hausse des prix des produits agricoles ».

« La production végétale croît de 11,6% en valeur du fait de la hausse des prix, atténuée par des volumes en léger repli. L’envolée des prix des céréales (+ 24,9% en 2021 après +12,2 % en 2020) résulte d’une forte demande, notamment chinoise, dans un contexte de disponibilités mondiales limitées. Parallèlement, le volume des récoltes de céréales rebondit en 2021 (+17% après -18,8%) après une année 2020 difficile, marquée par la sécheresse. Par rapport à la moyenne des cinq dernières années, la récolte céréalière est supérieure en volume de 6,8% et les rendements se sont améliorés de 6,5%. De même, les oléagineux enregistrent une hausse importante des prix (+41,9%). Les protéagineux et les betteraves augmentent fortement en volume (respectivement +20,4% et +30%). A l’inverse, le volume de la production de vins et de fruits chute sous l’effet des mauvaises conditions météorologiques (respectivement -19,4 % et -11,3%), cette évolution étant en partie compensée par la progression des prix (respectivement +7,4% et +10,4%). »

« La valeur de la production animale repart à la hausse (+1,8% après -0,9 %) sous l’effet d’un renchérissement des prix (+3,4%) en partie compensé par une baisse de volume (-1,6%). Les prix du bétail, des produits avicoles et du lait expliquent ce rebond, à l’exception du prix des porcins qui recule (-4,5 % après -4,8%) du fait notamment de l’affaiblissement de la demande chinoise. »

Hausse des prix et baisse des volumes en lait et bovins viande

Plus précisément, la valeur du lait et des produits laitiers transformés par les exploitations (10,25 milliards d’euros en 2021) augmente de 2,4%, la hausse des prix (+3,9%) compensant la baisse des volumes (-1,4%). « La collecte de lait de vache fléchit en début d’année pour se redresser ensuite légèrement. Les raisons de cette baisse sont la moindre qualité des fourrages, une complémentation en céréales rendue plus difficile du fait de prix élevés et la poursuite de la décapitalisation du cheptel laitier. Les disponibilités ainsi limitées, associées à une consommation nationale dynamique ainsi qu’à une demande mondiale ferme en produits laitiers industriels, orientent les cours du lait à la hausse », explique la CCAN.

« La production de gros bovins (5,8 Md€) augmente de 3,9%. Le renchérissement des prix (+5,2%) est en partie compensé par une baisse des volumes (-1,2%). Cette évolution résulte d’une baisse des abattages au second semestre conjuguée au dynamisme de la demande, conséquence de la réouverture progressive de la restauration collective et de la restauration à domicile. Après une année 2020 difficile suite aux restrictions sanitaires, la production de veaux (1,18 Md€) se redresse et croît de 6,3% en valeur. La hausse des prix atteint 7,4%. Celle-ci est légèrement contrebalancée par une réduction des volumes de 1%. Face à des abattages qui reculent au premier trimestre, et qui restent à un niveau bas depuis, la reprise progressive de la demande se répercute sur les prix. »

Progression de l’emploi salarié

A l’échelle de l’agriculture prise dans son ensemble, « la forte augmentation des prix s’accompagne de la progression du coût des intrants, à un rythme plus modéré toutefois. Les consommations intermédiaires augmentent en valeur (+2,8% après -1,9%) en raison d’une progression des prix (+3,5%), atténuée par une légère contraction des volumes (-0,7%). L’augmentation des charges résulte principalement de la hausse des prix des aliments pour animaux (+9,5% après +0,6%) et de l’énergie (+15,7% après -13,9%). La consommation d’engrais et d’amendement continue de reculer en volume (-10,6% après -8,6%). »

« En 2021, la valeur ajoutée brute de la branche agricole progresse fortement (+14,2%), du fait de l’augmentation de la production au prix de base, qui est portée par la hausse des prix (+8,6%). En 2021, les subventions d’exploitation (hors subventions sur les produits) s’élèveraient à 7,8 milliards d’euros, en baisse de 0,1% par rapport à 2020. La valeur ajoutée brute au coût des facteurs augmente de 11,5% en 2021. »

« Le volume de l’emploi agricole décroît tendanciellement. En 2021, l’emploi total baisse de 0,2% : la réduction de l’emploi non salarié se poursuit (-1,5%) tandis que l’emploi salarié croît de 1,9%. Dès lors, la valeur ajoutée brute au coût des facteurs de la branche agricole par actif augmente de 11,7%. En termes réels, elle rebondit de 11,2 %, après -3% en 2020. » Au final, le résultat brut de la branche agricole progresse de 15,4% en 2021, et de 17,1% par actif non salarié (+31,1% pour le résultat net, qui se déduit du résultat brut en enlevant la consommation de capital fixe, précise encore la CCAN).

BC

LES REACTIONS

« Des charges qui explosent » (FNSEA)

« Le résultat brut de la branche agricole s’améliore de 16%. Cette augmentation attendue provient essentiellement de l’amélioration des prix de vente de la totalité des productions agricoles, excepté le porc. En effet, la relance économique, la reprise de la consommation, notamment en restauration hors domicile, et le moindre niveau d’importation à cause de la crise ont fortement amélioré les prix des productions agricoles par rapport à 2020. Le résultat brut cache néanmoins des disparités entre les filières : il progresse pour les céréales (+46%) ou les betteraves grâce à une production haussière, mais il recule pour les fruits et le vin (-13%) à cause d’une production impactée négativement par le gel printanier. Dans le secteur animal, le résultat brut est stable, mais très fragile : l’explosion des charges corrélée à des cotations augmentant de manière beaucoup plus modérée conduira en 2022 à un effet ciseau qui remet en question le maintien même de l’activité d’élevage. »

En ce qui concerne les résultats des exploitations par orientation économique en 2020, également examinés par la CCAN du 15 décembre 2021, ils « affichent une baisse des résultats courants avant impôts par unité de travail non salariée (RCAI/UTANS) de 10% par rapport à 2019 : la moitié des exploitations agricoles ont un RCAI/UTANS inférieur à 20 000 euros par an, en particulier les éleveurs et les céréaliculteurs ; plus généralement, les agriculteurs français n’atteignent pas le niveau des voisins européens comme l’Allemagne et le Royaume-Uni. »

« Si ce résultat prévisionnel semble s’améliorer en 2021, cela reste à confirmer et ne sera sûrement pas le cas en 2022 : l’impressionnante flambée des charges agricoles ces derniers mois, que ce soit l’énergie, les engrais ou l’alimentation animale, est bien plus rapide que la hausse des prix agricoles et grèvera une fois de plus le revenu agricole. »

« Rien de réjouissant » (Coordination rurale)

Les chiffres prévisionnels 2021 « annoncent une hausse de 16 % de la production brute agricole, équivalant au niveau de 2018 et laissant prévoir une hausse du résultat brut de la branche agricole par actif non salarié de 17%. Cette prévision est à rapprocher du résultat par actif non salarié pour 2020 qui est en baisse de 10%. Les productions végétales connaissent une hausse de la production, hors secteur viticole, couplée à des prix élevés qu’il convient de nuancer. »

« Même si la hausse des consommations intermédiaires apparaît limitée (+2,8 %), elle traduit une réalité catastrophique pour les années à venir. Faute de trésorerie, beaucoup d’agriculteurs ont renoncé à fertiliser leur sol, ce qui compense l’envolée du prix de l’énergie (+15,5 % en valeur). Les achats d’engrais diminuent de 10,6% en 2021, après une baisse de 8,6% en 2020. C’est donc en puisant dans le capital production des terres que la production est maintenue ; capital qu’il sera difficile de reconstituer compte tenu du prix des engrais fin 2021. Les éleveurs subissent la forte augmentation du coût des aliments (+7,8 % en valeur) alors que les indices de prix n’augmentent péniblement que de 3,4 %, après les baisses connues en 2020 (-1,3%). Pour de nombreuses productions animales, les volumes baissent. Il n’y a donc rien de réjouissant dans les comptes prévisionnels 2021, et ils annoncent déjà une année 2022 compliquée. »

« Les résultats définitifs de 2020 (…) montrent que le solde disponible après remboursement n’est pas suffisant pour couvrir les prélèvements privés ! « Que peut-on faire avec un solde disponible moyen par actif non salarié de 21 350 € (en baisse de 13,3% par rapport à 2019) quand les prélèvements privés atteignent 28 560 € ? La hausse annoncée de 17% en 2021 ne sera toujours pas suffisante ! », s’inquiète Véronique Le Floc’h, représentante de la Coordination Rurale à la CCAN.

« Un rattrapage après la crise du Covid » (Chambres d’agriculture)

Les résultats prévisionnels de l’agriculture nationale en 2021 « sont positifs : la valeur ajoutée agricole (y compris les subventions) aurait progressé de 17,4% par actif par rapport à 2020 (à prix constant). La levée des dispositifs de confinement et de fermeture des restaurants en 2021 a apporté une bouffée d’oxygène suite à la baisse de 2020. Mais cette hausse est un rattrapage après une mauvaise année 2020 qui avait plongé de nombreux secteurs agricoles dans de grandes difficultés comme le montre les données du Rica de 2020 présentés par le ministère de l’agriculture à la CCAN : en 2020, les exploitations spécialisées en COP avaient connu une baisse de leur revenu courant avant impôt de -7,4% par rapport à 2019, -10% pour les exploitations viticoles, près de -8% pour les élevages bovins (laits et viandes), et même -52,6% pour les porcins. Dans ces conditions, la hausse de 2021 apparaît comme un rattrapage. »

« Cette reprise a été amplifiée par une conjoncture favorable dans le domaine des grandes cultures : les volumes récoltés sont dans la moyenne avec des contrastes en qualité et ils ont trouvé preneurs sur des marchés mondiaux dynamiques où leurs principaux concurrents étaient moins présents (conséquence d’accidents météorologiques extrêmes). Mais la conjoncture agricole de 2021 est contrastée : l’arboriculture et la viticulture ont subi des gelées de printemps dévastatrices et leurs récoltes ont, parfois atteint des déficits records. La croissance du résultat de la Ferme France pour 2021, telle que la prévoit l’INSEE ne sera pas générale. »

« A nouveau, en 2021, la conjoncture agricole aura été très heurtée. Mais, sur le long terme, l’agriculture maintient un cap de croissance grâce, en particulier, à l’investissement des agriculteurs français dans des stratégies de montée de gamme que le recensement agricole 2021 (dont les premiers résultats viennent d’être publiés) met en lumière (signes de qualité, plus de certifications bio, plus de circuits courts pour maîtriser leurs prix). »

A télécharger :

Baromètre Ifop de la conjoncture agricole (FNSEA, 7 janv. 2022)

Les prix agricoles augmentent de 15,8 % sur un an (ministère de l’agriculture, 24 déc. 2021)

Bilan conjoncturel 2021 (Agreste, 15 déc. 2021)

Hausse généralisée des prix (Insee, 15 déc. 2021)

Résultats des exploitations agricoles en 2020 (Agreste, 15 déc. 2020)

Baisse des résultats économiques 2020 (Agreste, 15 déc. 2020)

L’agriculture française reprend son souffle (Chambres d’agriculture, 15 déc. 2021)

A lire également :

Les revenus bruts agricoles supérieurs à ceux des autres entreprises indépendantes (17 déc. 2021)

Lisez également

Les charges baissent moins vite

En septembre 2024,  selon Agreste, le prix d'achat des intrants agricoles continue de baisser, avec une diminution de 0,6 % par rapport au mois précédent (après une baisse de 0,9 % en août 2024).