La relance victime de son succès

Les crédits affectés au volet agroéquipements du plan de relance 2021-2022 sont d’ores et déjà consommés. Des rallonges budgétaires et des inflexions du dispositif sont réclamées par plusieurs syndicats.

« Dotée de 215 millions d’euros, la prime à la conversion des agroéquipements de France Relance a rencontré un succès massif et rapide », indique le ministère de l’agriculture dans un communiqué du 27 janvier. « Ce programme permet une substitution ou une réduction importante de l’utilisation d’intrants. Il est désormais clos avec plus de 205 millions d’euros de demandes déposées. Avec 14 710 dossiers déposés, ce sont autant d’agriculteurs, Cuma et entreprises de travaux agricoles qui vont ainsi pouvoir s’équiper de matériels performants pour remplacer leur ancien matériel et faire évoluer leurs pratiques vers plus d’agroécologie. »

Le plan protéines « échouera » (CR)

La Coordination rurale (CR) avait annoncé, dès le 14 janvier, que l’enveloppe de 20 millions d’euros allouée au volet agroéquipement du plan protéines avait été consommée, trois jours après l’ouverture du guichet. « Certes, 20 millions d’euros à l’échelle nationale, cela représente en moyenne à peine 200 000 € par département… ! Mais, pour la Coordination Rurale et France Grandes Cultures, c’est la preuve que les décisions d’investissement ne s’inscrivent pas dans une réflexion d’augmentation des surfaces en cultures riches en protéines mais dans une politique d’investissements déjà prévus, ou d’opportunité car les machines peuvent servir à d’autres productions que celles visées. En effet, ce volet du plan de relance est une opportunité pour les entrepreneurs, les déshydrateurs, les Cuma, les semenciers, les triturateurs, etc. Comme indiqué à plusieurs reprises, ce plan de relance va permettre d’aider des structures qui peuvent investir. Cela concernera probablement assez peu d’agriculteurs. À partir de cette donnée, sans dimension européenne et sans frein sur les importations, on peut malheureusement déjà affirmer qu’il n’y aura pas d’augmentation des surfaces et que, comme les autres avant lui, ce plan échouera ! Les protéines végétales ont toujours été le talon d’Achille de l’agriculture européenne. Toutes les productions étant liées entre elles, un rééquilibrage des grandes cultures et des surfaces fourragères en faveur des cultures protéiques redresserait toute l’agriculture de l’UE. »

« Eviter la course au suréquipement » (Conf’)

« La logique du premier arrivé, premier servi, a fait exploser les demandes d’aide aux investissements protéines du plan de relance. Selon la presse, 63 millions d’euros ont déjà été demandés pour un budget de 20 millions d’euros ! Le site a été fermé et devrait rouvrir le 27 janvier, sans annonce de budget complémentaire », écrit la Confédération paysanne dans un communiqué du 21 janvier. « Lors de la présentation du plan protéines végétales à FranceAgriMer, la Confédération paysanne s’était abstenue sur ce volet du plan de relance. Si ce plan pourrait certes aider à améliorer l’indépendance de la France dans son approvisionnement en protéines végétales destinées à l’alimentation humaine et animale, il souffre des mêmes déficiences que l’ensemble des dispositifs du volet agricole du plan de relance. Pour éviter la course au suréquipement et accompagner l’ensemble des paysan.nes (…), la Confédération paysanne demande des évolutions de ce plan d’aide à l’investissement : augmenter l’enveloppe en la conditionnant à une baisse du taux de subvention de 40% à 20% ; diviser par deux le plafond de financement ; abaisser le plancher d’accès aux subventions à 500 euros d’investissement ; supprimer certains matériels de la liste (ensileuses, remorques… ) qui pourraient surtout servir au renouvellement du parc matériel sans effet sur la production de protéines. Reste la faiblesse systémique de ce plan de relance qui n’envisage la transition agricole sur les fermes que par des aides à l’investissement. Or, ces enveloppes vont financer les industriels de l’agroéquipement. La transition agricole a davantage besoin de cerveaux et de bras paysans pour la penser et la mettre en œuvre que de logique de suréquipements déraisonnables. »

« Les prix des machines agricoles ont augmenté de 4 % » (Modef)

« L’enveloppe dédiée aux investissements pour le volet agroéquipement du plan protéines, soit 20 millions d’euros, a été consommée en 48 h », rapporte lui aussi le Modef dans un communiqué du 25 janvier. « Le dispositif ouvert le 11 janvier est arrêté et le dépôt des dossiers n’est plus possible. Les prix de vente de machines agricoles ont augmenté de 4% depuis le lancement de ce dispositif. Le Modef demande en urgence un rallongement financier afin que tous les agriculteurs puissent en bénéficier et un blocage des prix de vente des machines agricoles. Concernant la mesure Plantons des haies, le Modef souhaite une priorisation de l’enveloppe sur le maintien des haies puis un soutien à la plantation. » Plus globalement, le Modef « craint que ce plan de relance soit dans la continuité du Gouvernement de libéraliser les marchés, de relancer l’agroéquipement et investir dans l’agro-business ! D’ailleurs, aucune mesure est prévue pour assurer un meilleur revenu aux agriculteurs. »

BC

A télécharger :

Circulaire Agroéquipement et aléas sécheresse (ministère de l’agriculture, 20 janvier 2021)

Les déterminants d’une transition vers l’agroécologie (CGAAER, novembre 2020)

Lisez également

Le prix du lait progresse moins vite en France

En octobre, selon Bruxelles, le prix moyen du lait dans l’UE s'est établi à 51,71 €/100 kg, enregistrant une hausse par rapport à septembre (49,61 €/100 kg).