« FaireFrance, une aventure sensationnelle »

Jean-Luc Pruvot élève 90 vaches laitières dans l’Aisne et préside FaireFrance, dont il salue les « résultats très encourageants ».

La marque FaireFrance a été créée en 2012. Où en est-elle et quels sont ses objectifs ?

Au dernier pointage, nous réunissions 542 producteurs de lait (dont environ 10% de bio) installés dans les principaux bassins laitiers de France. En 2018, nous avons écoulé 10,7 millions de briques de lait vendues 0,99 €. La marge réalisée nous a permis, début juillet, de verser un peu plus d’un million d’euros à nos adhérents, soit environ 10 centimes par litre pour atteindre les 45 centimes qui représentent le coût de production. Et même 55 centimes pour les producteurs bio dans le cadre d’un partenariat avec Biolait. En 2019, nous espérons écouler 12 millions de litres de lait FaireFrance dans les 8 500 magasins partenaires. Nous envisageons également de proposer au consommateur d’autres produits laitiers. Mais accroître les volumes ne constitue pas une fin en soi. Nous restons humbles et cherchons juste à prouver que c’est possible d’obtenir une meilleure rémunération pour notre lait.

Qui peut adhérer à FaireFrance ?

Tous les éleveurs qui le souhaitent peuvent nous rejoindre, où qu’ils soient situés. Nous leur proposons d’investir 1 000 à 5 000 euros dans FaireFrance et de s’associer à des animations en magasin ou sur les marchés au moins deux jours par an. Au-delà de 5 animations, l’éleveur perçoit 100 € par prestation. Parler de notre boulot, ce n’est pas super facile. Les cinq premiers clients que j’ai rencontrés m’ont expliqué qu’ils n’aimaient pas le lait… Mais c’est une aventure humaine sensationnelle. Je connais des éleveurs qui étaient au bord du burnout qui ont repris goût au métier grâce à ce contact avec les consommateurs. Un autre m’a contacté pour me témoigner que, grâce au chèque qu’il a reçu en juillet, il a pu emmener sa famille en vacances.

Les Etats généraux de l’alimentation n’ont-ils pas modifié la donne dans la filière laitière ?

Au départ, l’idée d’Emmanuel Macron était géniale : il proposait ce que nous faisons depuis 2012 ! Mais nous n’avons jamais été invités aux débats. Ça nous a sans doute évité d’être déçus car, en fait de ruissellement – ce que l’on prendrait à Ricard ou à Coca Cola irait aux agriculteurs –, nous n’avons observé qu’un goutte-à-goutte… Au final, on s’est bien fait enfumer. Et il n’y a aucune raison que ça change. C’est le jeu de l’offre et de la demande. Les industriels et les financiers ont intérêt à ce qu’un maximum de lait soit produit pour pouvoir peser sur les prix. 1 centime économisé sur 100 millions de litres, c’est un million d’euros vite gagnés pour les acheteurs de la grande distribution.

Que répondez-vous à ceux qui soulignent que tous les éleveurs n’ont pas les mêmes coûts de production ?

Nous devons nous caler sur les prix de revient des jeunes agriculteurs car si eux-mêmes n’y arrivent pas, la profession est foutue. Encore faut-il que les éleveurs y croient eux-mêmes. Je ne vais plus à l’assemblée générale de ma coopérative car, à chaque fois que je prenais la parole dans la salle, je me faisais déglinguer par les paysans ! Moi, c’est la grève du lait en 2009 qui m’a ouvert les yeux. Si les collègues ne prennent pas conscience, par eux-mêmes, de ce qui se passe, s’ils n’ont pas envie d’être payés correctement quitte à produire moins, on n’y arrivera pas.

Propos recueillis par Benoît Contour

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