Invité par la société Zinpro lors d’un colloque technique aux États-Unis, Jim Salfer, de l’Université du Minnesota, estime que la réussite de la traite au robot impose une grande précision dans la gestion du troupeau. Des conseils importants pour les éleveurs américains chez qui la traite est assurée au moins au trois quarts par des salariés latinos, et à qui la position du président Trump fait craindre une baisse drastique de la main-d’œuvre disponible.
Aux États-Unis, l’adoption des robots de traite n’a pas été aussi rapide qu’on aurait pu le penser. « Dans le Minnesota, nous comptons 3 500 exploitations, 460 000 vaches laitières et seulement 177 robots de traite. Ces derniers sont en général installés pour 63 à 65 vaches laitières car les fermiers ne veulent pas d’une machine restant 10 % du temps inutilisée. »
La productivité se révèle très variable. En traite automatisée, elle varie entre 220 et 640 kg de lait par salarié et par heure. Dans des troupeaux de plus de 500 têtes, elle atteint entre 350 à 418 kg. Une étude menée au Minnesota a comparé sur cinq ans les exploitations ayant robotisé la traite à celles conservant une approche manuelle. Leurs coûts de production ont progressé de 2 % par vache et par an, leur production a augmenté de près de 10 % et ce, avec un coût alimentaire pourtant inférieur de 7 %. « Les avantages potentiels de la traite automatisée sont nombreux : elle favorise un plus haut niveau de production, fournit des centaines de données par jour, n’impose aucune gestion horaire sur l’exploitation. Le robot constitue un « excellent trayeur », qui n’est jamais en retard et n’a pas besoin de partir ni en formation, ni en vacances », sourit le chercheur. Toutefois, comme toute technologie, le robot exige de la maintenance régulière voire des réparations. Pour Jim Salfer, le taux de fréquentation constitue le premier critère de réussite. « L’objectif est d’atteindre 140 à 190 visites par 24h, ce qui équivaut à entre 2,4 et 3 traites/jour/vache. Globalement, si vous obtenez entre 1 814 et 2 041 kg/jour, c’est correct. Entre 2 041 et 2 268 kg, c’est un bon résultat, au delà de 2 268 kg c’est excellent ».
L’alimentation constitue le deuxième facteur de succès. « Tout d’abord, il faut que le nutritionniste aime relever les challenges car, en traite robotisée, nous ne nourrissons par les animaux de la même manière. La distribution de granulés de qualité et appétents se révèle primordiale pour faire venir régulièrement et fréquemment la vache dans la stalle automatisée. Des études ont montré que la distribution de granulés incitait plus les vaches à fréquenter le robot qu’un mash. Mais, l’alimentation ne se résume pas à la distribution au robot. La qualité de la ration distribuée sur la table d’alimentation reste fondamentale. Un éleveur peut perdre jusqu’à 5 kg de lait par jour, simplement car il ne prête pas suffisamment attention à l’humidité de la ration ou à sa disponibilité. Certains élevages doivent travailler la cohérence entre les apports à la table et au robot. Il ne faut pas hésiter à aller chercher certaines vaches pour les inciter à aller au robot, car certaines peuvent y être réticentes pour des questions de hiérarchie dans le groupe ».
Une ration à l’auge riche en fibres et basse en énergie va inciter les vaches à fréquenter le robot. Il faut, toutefois, rester cohérent quant à la quantité de concentrés distribuée. Jim Salfer insiste sur le respect des fondamentaux de l’alimentation : un taux de MS (matière sèche) stable, un bonne qualité de mélange à la table, le fait de repousser l’aliment assez souvent, de vérifier régulièrement les vaches qui ne sont pas allées au robot et la qualité de l’aliment appétent distribué au robot.
Moins de lait avec la traite libre ?
Les chercheurs ont pu comparer les différentes installations. Les résultats de ces observations montrent que les vaches dans les étables équipées de barrières intelligentes pour guider les animaux produisent plus que celles libres de leurs mouvements. Il y a également moins d’animaux qui doivent être poussés au robot. « La stratégie alimentaire pour les troupeaux équipés de barrières intelligentes est plus proche de celle d’un troupeau sans robot; l’apport au robot de concentrés augmentant avec la production. La dose moyenne distribuée se situe entre 0,6 et 0,9 kg par passage. Avec une porte intelligente, seuls 8 % des vaches doivent être poussées manuellement contre le double dans un système libre. Ainsi, la traite gagne en productivité et le temps de travail est réduit » résume Jim Salfer. Sa dernière enquête a pointé l’importance d’une séparation des génisses et leur préparation avant la mise bas. « Pour une génisse, le vêlage, le changement de groupe, le robot, tout cela représente beaucoup de changements d’un coup. Lorsque l’éleveur prend son temps initialement avec ses nouvelles laitières, il est gagnant tant au niveau des quantités produites que du gain de temps car il n’aura pas besoin d’aller les chercher pour qu’elles aillent au robot ». Les vaches en première lactation ont souvent un démarrage un peu plus lent que les multipares, mais, une fois qu’elles se sont adaptées au robot, elles y vont plus souvent que les plus anciennes.
Vigilance sur les fraîches vêlées. Dans tous les cas, le spécialiste de l’Université du Minnesota conseille la plus grande vigilance pour les fraîches vêlées. Le robot ne libère en aucun cas l’éleveur de l’observation quotidienne de leur rumination et des bouses.
Il souligne également que les conditions de logement influencent le succès d’une traite automatisée. Le dessin du bâtiment doit naturellement favoriser les mouvements des animaux. Il pointe notamment l’aire d’attente du robot en montrant comment une dominante peut écarter une dominée de la traite et recommande un espace d’au moins 6 mètres. « N’oubliez pas de protéger aussi la sortie du robot pour qu’aucune vache ne bloque le mouvement de celle qui vient de se faire traire : réduire le temps d’immobilisation d’un robot d’une minute par vache augmente en effet de 12 % la capacité du robot. Tout ce qui facilite le flot des animaux, y compris les visites ratées, contribue à la rentabilité de l’exploitation ».
Outre les recommandations en matière de dessin des logettes, le sol résulte d’un compromis. « Ici, les éleveurs préfèrent le sable dans les logettes pour le confort des animaux, mais les robots n’aiment pas le sable ». Pour Jim Salter, la maintenance doit être quotidienne sur ces équipements coûteux et dont tout arrêt est encore plus onéreux. « Les coûts de maintenance représentent probablement 3 à 5 % du coût d’achat. Mais, les éleveurs sont souvent de très bons techniciens et ils apprennent vite à effectuer un maximum de réparations par eux-mêmes », conclut le chercheur.
Par Yanne Boloh