Aux portes de Fougères (Ille-et-Vilaine), les associés du Gaec de la Courtais ont cherché à développer l’autonomie de leur exploitation. Cette logique a abouti à leur conversion au bio et s’est traduite par une revalorisation du prix du lait. Après un entretien avec Philippe Hardy, l’un des trois associés de la Courtais, nous vous proposons un petit jeu de questions & réponses.
Pourquoi les exploitants ont-t-ils opté pour une stratégie d’autonomie ?
Comme pour beaucoup d’autres exploitations laitières, la chute du prix du lait de 2015 a fortement impacté les performances économiques du Gaec de la Courtais. Pour atténuer les retombées négatives, les éleveurs disposaient de deux options : conserver leur approche classique de conduite d’élevage et augmenter la taille du cheptel pour produire plus de lait ou se placer dans une logique d’autonomie permettant de réduire l’achat d’intrants et d’améliorer les marges. Ils ont opté pour la voie de l’autonomie, évitant ainsi d’avoir à se lancer dans de lourds investissements (notamment pour la construction de nouveaux bâtiments pour accueillir plus de laitières).
Comment ces éleveurs ont-ils développé l’autonomie de leur exploitation ?
Philippe Hardy a misé sur les conseils de Michel Lepertel et d’Antoine Berthelot pour développer l’autonomie de son élevage. Tout d’abord, pour mener à bien cette quête d’autonomie, Philippe Hardy et ses associés ont eu recours aux services de NPRL, une société de conseil en élevage dirigée par Michel Lepertel. Ils ont misé sur une conduite agronomique de la surface agricole utile, leur permettant de maintenir un sol sain et productif à moindre coût. Ils ont ainsi abandonné le labour des sols sablo-limoneux de l’exploitation et utilisent dorénavant un déchaumeur à disques pour travailler la terre en surface. Les sols restent couverts en toute saison et la richesse de leur activité biologique témoigne de leur bonne santé. Cette autonomie passe également et principalement par une valorisation des fumiers et lisiers produits sur l’exploitation qui sont utilisés pour fertiliser les parcelles. En ce qui concerne les prairies de fauche, l’éleveur apporte du fumier de bovins composté à hauteur de 15 tonnes par hectare. Le maïs et les céréales reçoivent du lisier épandu grâce à une tonne équipée d’une rampe à pendillard. À noter qu’aucun engrais minéral n’a été acheté lors des deux dernières campagnes.
Par ailleurs, le regroupement de la ressource herbagère et du parcellaire autour des stabulations contribue au renforcement de l’autonomie. Parallèlement, un sous-sol granitique permettant à l’eau de bien s’évacuer, garantit une portance des prairies excellente facilitant l’accès au pâturage du cheptel laitier sur une longue période allant du 15 février au 15 novembre. En moyenne, les vaches de l’exploitation ne sont confinées à l’intérieur que 100 jours par an, avec un record établi à 60 jours. Enfin, pour ce qui concerne les pâtures, les agriculteurs n’utilisent pas de fertilisation spécifique mais ébousent les parcelles à chaque passage. Pour le semis, le Gaec mise sur les semences fermières, a recours aux services d’un trieur et veille à préserver une diversité génétique en renouvelant les variétés.
Qu’en est-il de l’autonomie protéique ?
Les éleveurs ont opté pour un méteil grain en remplacement du soja. Celui-ci est aplati par un prestataire, puis distribué au DAC. Sur le plan énergétique et protéique, ses teneurs sont comparables à celle d’un concentré type VL 2 litres. Réalisé à base de pois, de vesce, d’avoine, de triticale et de seigle, le mélange semé de graines se distingue de la version ensilage par une plus forte proportion de féverole au détriment de la vesce et du pois.
Comment ont-ils développé l’autonomie fourragère ?
Les exploitants multiplient les cultures en dérobée pour maximiser la production de matière sèche par hectare. Ils ont opté pour la production d’ensilage de maïs épis sur les conseils de NPRL. En effet, « Alors que les tiges ont une valeur alimentaire limitée et encombrent inutilement le rumen, l’épi n’a pas d’équivalent pour apporter de l’énergie dans les rations », commente Michel Lepertel. Sur l’exploitation, le maïs ne représente plus que 26 hectares contre 70 ha par le passé. Les éleveurs valorisent désormais leurs prairies sous forme de pâturage, d’ensilage ou d’enrubannage. La maximisation de la production fourragère nécessite également de veiller à récolter au meilleur moment afin d’obtenir un produit bénéficiant de valeurs optimales. Ainsi, les méteils ensilages récoltés en 2017 affichaient 13,7 % de MAT et 0,99 UFL.
Quels sont les conséquences techniques et financières de cette stratégie ?
Suite à la mise en place de cette nouvelle approche, le Gaec a enregistré une légère réduction du niveau de production de son cheptel. La moyenne au Contrôle laitier est passée de 8 800 à 8 000 litres. Parallèlement, les taux ont légèrement progressé et atteignent désormais 44 g/l pour le TB et 33 g/l pour le TP. Avec 150 000 cellules par millilitre, la qualité du lait n’a pas bougé. Le troupeau reste très sain : il ne comptabilise qu’une mammite par mois et les pathologies métaboliques sont inexistantes. Au final, les frais vétérinaires ont baissé de 3 000 €/an. Par ailleurs, en réduisant le niveau d’intrants depuis 2015, l’éleveur a vu son EBE progresser grâce à la chute du coût de production. Autre signe révélateur à souligner : les prélèvements privés n’ont pas bougé au plus fort de la crise du lait. L’exploitation ne perçoit pas encore la revalorisation du lait bio puisqu’elle n’est qu’en première année de conversion. Toutefois, la dynamique des rapports avec le collecteur de lait Lactalis a indéniablement changé. Celui-ci s’est montré très intéressé par la conversion bio et a proposé à l’éleveur des volumes supplémentaires. Les discussions s’avéraient plus compliquées lorsque le Gaec produisait du lait standard.