Courants parasites : dix ans de galère au Gaec de la Gasotte

Lorsque les associés du Gaec de la Gassotte (Vienne) créent en 2008 un nouveau site laitier, ils ne se préoccupent ni de l’emplacement du bâtiment ni de celui des deux robots de traite. Or, dès la mise en route, des courants parasites viennent perturber la santé des Holsteins. Plus de dix ans de galère s’écouleront avant d’en trouver l’origine. L’un des deux robots était posé sur la tranchée contenant la conduite d’eau et le câble électrique du bâtiment. Une configuration catastrophique pour les laitières.

Situé sur la commune d’Aslonnes, à 20 km au sud de Poitiers, le Gaec de la Gassotte fonctionne en famille dans une exploitation dont la configuration nécessite un nouvel investissement. « En 2008, nous décidons de construire un nouveau site de production laitière avec 160 places en logettes et deux robots de traite », raconte Thierry Dorat, l’un des quatre associés, installé depuis 1981. Le projet, confié au service bâtiment de la laiterie, prend forme sur une parcelle à proximité de l’ancienne ferme. « Pour l’alimenter, on tire un câble électrique de 380 volts et un conduite d’eau dans une même tranchée ». Le bâtiment neuf, lui, s’élève au-dessus de cette tranchée qui va le traverser de bout en bout sur 84 mètres. Au passage, elle croise la route de l’un des deux robots de traite.

PLUS DE DIX ANS DE GALÈRE

Dès la mise en route du nouveau site, rien ne va. « Au robot, le passage coince à 2,4 au lieu d’être à 2,7 ou 2,8 » explique Thierry Dorat. Les associés pensent à un mauvais réglage. Cependant, les laitières ont aussi un comportement étrange. « En journée, elles n’occupent pas le bâtiment dans sa totalité tandis que la nuit, tout redevient normal ». Stress, boiteries, soucis de reproduction : leur santé décline. La qualité du lait s’en ressent et le niveau de cellules, grimpant à 400 000, est pénalisé. « Nous avons parlé de nos soucis avec la laiterie mais à ce moment-là, en 2009, nous étions surtout préoccupés par la mauvaise conjoncture laitière ». Les problèmes vont ainsi durer plus de dix ans. « On a vécu des années noires ». Jusqu’à ce que les associés décident de changer leurs robots de traite qu’ils tiennent toujours pour responsables. « Le nouvel installateur nous a demandé un diagnostic électrique avant l’implantation des nouveaux robots ».

UN CHAMP MAGNÉTIQUE DE 50 HERTZ

C’est l’expert Rémi Tertrais(1) qui le réalise. Dans la salle de traite, il relève un champ magnétique de 50 Hertz. Il en identifie la provenance : la tranchée passant sous l’un des deux robots de traite. « La canalisation d’eau et le câble électrique de 380 volts génèrent une boucle de champ magnétique » explique-t-il. « Celui-ci rayonne sur le châssis du robot, créant des courants parasites ». Et d’en préciser le danger : « non seulement le câble électrique n’était pas blindé mais il aurait fallu une tranchée différente pour l’alimentation électrique et l’eau ». Ou tout du moins, un écart bien plus distant que les 30 cm existant. L’expert constate aussi des défauts d’isolement sur l’armoire électrique, l’absence de liaisons équipotentielles entre le compteur du bâtiment et le compteur des forages dans la cour de la ferme (irrigation). « Les deux compteurs auraient dû être raccordés à une même terre ». Autant d’anomalies qui, accumulées, finissent par polluer l’environnement des vaches.

CORRECTIONS ÉLECTRIQUES ET REMONTÉE DE LA PRODUCTION

Au printemps 2021, les corrections électriques sont terminées et une dalle de béton ferraillé a été coulée avant la pose du nouveau robot situé au-dessus de la tranchée. « Nous ne pouvions pas modifier l’emplacement. Ce dispositif permet de faire barrage aux ondes » témoigne Thierry Dorat. « Quinze jours après ces travaux, nous avons retrouvé un lait de qualité et la production laitière est remontée de 5 litres par vache ! » se réjouit l’éleveur. Sur sa dernière campagne, le Gaec de la

Gassotte a produit 1,5 million de litres de lait contre 1 million avant l’intervention technique. « J’ai souhaité témoigner pour prévenir les éleveurs de la nécessité de bien choisir l’emplacement de son bâtiment, surtout avec des laitières. Qu’ils n’hésitent pas à faire appel à un géobiologue et à un bon électricien. Ce n’est rien à faire ». La démarche est même un gage de sécurité et de sérénité.

Nathalie Barbe

 

EN CHIFFRES…

GAEC DE LA GASSOTE (VIENNE) 

  • un salarié et quatre associés (Sylvie et Thierry Dorat, Christian Dorat, Quentin Dorat) ;
  • 140 vaches laitières ;
  • une production de lait de 1,480 million de litres ;
  • deux robots Lely ;
  • un atelier taurillon de 100 places ;
  • une SAU de 380 ha (120 ha de blé, 75 ha de colza ; 30 ha d’orge ; 120 ha de maïs dont 60 en ensilage et 100 ha irrigués).

 

UNE DALLE FERRAILLÉE SOUS LE ROBOT

Pour couper le champ magnétique de 50 Hertz qui rayonnait depuis le câble souterrain de 380 volts non blindé, une dalle en béton ferraillé a été coulée dans un socle à l’emplacement du robot de traite. Puis, un kit de soudure liaison-terre chauffée à 1000°C est venu compléter ce dispositif de protection, tout en cuivre, soudé à une structure d’acier.

 

Lisez également

Philippe Marquet président de Biolait

Installé dans la Loire, il transforme une partie de sa production en yaourts destinés à la restauration collective.