La « finance » contrôle 14 % de la SAU

Après les Safer, Terre de liens alerte sur le marché des parts sociales qui permet d’échapper au contrôle des structures.

L’association Terre de liens a dévoilé, le 28 février, un rapport sur la propriété des terres agricoles en France qui « confirme les phénomènes de financiarisation des terres aujourd’hui à l’œuvre. Nouvel acteur de la propriété des terres, les sociétés d’exploitation agricoles ont doublé en 30 ans. Parmi elles, les sociétés agricoles financiarisées (des sociétés à capital ouvert qui permettent à des investisseurs non agricoles de prendre le contrôle des fermes) représentent désormais une ferme sur dix et contrôlent 14 % de la surface agricole utile (SAU), dont 640 000 ha en faire valoir direct, c’est-à-dire en propriété. »

« Ces sociétés se développent aujourd’hui via un marché parallèle de la terre qui échappe aux contrôles : le marché des parts de société. Le principe est simple : un investisseur achète des parts d’une société agricole et devient ainsi propriétaire des terres qui sont fondues dans le capital d’exploitation de la société. La Safer estime que 200 000 ha transitent chaque année via ce marché qui échappe à sa régulation. En 2021, la Loi Sempastous aurait dû permettre de s’attaquer à ce marché parallèle, mais elle a été largement détricotée par le Sénat. »

Une agriculture sans agriculteurs ?

« Contournement des mécanismes de régulation, concentration invisible des terres (en 2019, une étude exploratoire de la Safer en Eure et Seine-Maritime a montré que derrière 48 fermes se cachaient seulement 19 sociétés mères), détournement des aides de la Pac, concurrence déloyale sur le marché des terres face à des agriculteurs qui souhaitent s’installer, le développement de ces sociétés financiarisées favorise aujourd’hui des logiques d’accaparement et de financiarisation des terres », dénonce Terre de liens.

« Groupes de l’agroalimentaire, fonds d’investissements… : les investisseurs non agricoles ont vite compris l’intérêt de ce marché souterrain de la terre pour prendre le contrôle d’exploitations agricoles et se passer de négociations avec des agriculteurs indépendants. Aujourd’hui, un tiers des sociétés agricoles financiarisées n’est pas contrôlé par des associés exploitants. Aux chefs d’exploitation se substituent alors les cravates et ces sociétés pratiquent la délégation intégrale des travaux agricoles ou emploient des ouvriers agricoles. Un modèle d’agriculture sans agriculteurs à rebours des attentes sociétales. »

« A l’aube d’une nouvelle loi d’orientation agricole voulue par le Président sur le renouvellement des générations, Terre de liens appelle le gouvernement à agir pour mieux contrôler ces sociétés financiarisées. Au risque de laisser se développer un modèle d’agriculture de firmes qui empêche des installations à taille humaine respectueuses de l’environnement. Des terres sans agriculteurs et des agriculteurs sans terres. »

BC

A télécharger :

Proposition de directive européenne sur les terres agricoles (Via campesina, 2 mars 2023)

Quel élevage voulons-nous pour demain ? (Collectif Nourrir, 1er mars 2023)

La terre aux paysan-nes (Les amis de la terre, 28 février 2023)

Des agriculteurs nombreux pour nourrir durablement la France (Terre de liens, Fnab, Civam…)

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