60 M€ pour la filière bovine

La FNB y voit « un premier signe positif de reconnaissance de la gravité de la crise que traversent les éleveurs, mais une réponse insuffisante ». Le Modef parle de « poudre de perlimpinpin ». Les céréaliers sont « atterrés d’être oubliés ».

Le Premier ministre, Jean Castex, et le ministre de l’agriculture, Julien Denormandie, se sont rendus en Creuse, samedi 6 mars, à la rencontre des éleveurs de bovins de race à viande afin de « témoigner de la solidarité du Gouvernement envers cette filière dont les difficultés économiques ont été amplifiées par la crise sanitaire », souligne un communiqué. « Le Premier ministre a ainsi annoncé une aide pouvant aller jusqu’à 60 millions d’euros qui viendra apporter un appui substantiel aux éleveurs les plus en difficultés qui, malgré la poursuite de leur activité pendant la crise, ont dégagé un revenu inférieur à 11 000 € en 2020 et ont subi des pertes importantes. Ces aides seront versées aux éleveurs avant l’été. » Elles permettront de « couvrir jusqu’à 80% des pertes d’exploitation », a précisé Jean Castex.

« Le Premier ministre a souligné que cette aide exceptionnelle était adossée à l’évolution de la filière (qualité, sécurisation de débouchés, contractualisation et adaptation au changement climatique). Cette aide doit en effet permettre à la filière, comme elle s’y est engagée au travers de son plan de filière et par la signature de la feuille de route de Lézoux en novembre dernier, d’intensifier la structuration qu’elle conduit et aux éleveurs de s’emparer des outils à leur disposition, notamment dans le cadre du plan France Relance. »

« La crise sanitaire qui a frappé le secteur agroalimentaire comme toute notre économie a fortement impacté la filière bovin viande. En particulier, en 2020, le revenu courant des exploitants de la filière bovine allaitante a chuté de 20% par rapport en 2019. Les revenus du système naisseur sont au plus bas depuis 10 ans. Il était déjà l’un des secteurs les moins rémunérateurs de toute l’agriculture. La crise a provoqué l’effondrement de certains débouchés, notamment celui de la restauration, mais aussi le tassement des exportations (marché italien) », conclut le communiqué.

LES REACTIONS

« Un premier signe positif » (FNB)

La Fédération nationale bovine (FNB) « salue un premier signe de reconnaissance, par le Gouvernement, de la crise historique que traversent les éleveurs… tout en rappelant que ce plan d’urgence, dont les modalités d’attribution ne sont pas encore connues, ne constitue pas une réponse adaptée à la gravité de leur situation », estime le syndicat dans un communiqué du 8 mars.

« La disparition du cheptel de bovins de race à viande français sur nos territoires n’est plus un fantasme et le Gouvernement semble en avoir pris conscience. Avec plus de 200 millions d’euros de perte entre 2019 et 2020 et un manque à gagner d’environ 1 milliard et demi d’euros par rapport à leur coût de production, les éleveurs de bovins viande français « sont en train de crever », pour reprendre les termes particulièrement durs utilisés par les producteurs de la Creuse, samedi , à l’occasion de la visite de Jean Castex et Julien Denormandie. L’Etat reconnaît donc, désormais, l’urgence de la situation. Tout comme la FNB, il fait également le constat de son incapacité à faire évoluer durablement les pratiques des acteurs de la filière viande bovine pour assurer une meilleure répartition de la valeur. Et ce, alors même que les ventes de viandes bovines françaises ont progressé en 2020 ! »

« Au-delà de ce « geste » qu’ils mesurent, c’est donc confortés dans cette certitude que les éleveurs vont poursuivre leur mobilisation : le Gouvernement doit, rapidement, intervenir pour leur garantir un prix couvrant leur coût de production. Cette décision, qui ne coûtera pas un seul euro d’argent public, est la seule réponse concrète et efficace qui leur permettra de maintenir en vie leurs exploitations. Et c’est aussi la mesure la plus cohérente à prendre par le Gouvernement. En effet, les éleveurs ne peuvent pas subir, plus longtemps, ce paradoxe énorme qui consiste, pour les pouvoirs publics, à encadrer toujours plus leur « modèle » d’élevage sans assumer, en conséquence, la nécessité d’encadrer les prix pratiqués sur leur marché. Si les éleveurs de bovins viande partagent pleinement l’ambition de préserver leur modèle familial et herbager – plus coûteux qu’un modèle industriel – ils refusent d’être abandonnés, dans le même temps, aux seules lois d’un marché qui ne reconnaît ni la qualité de ce modèle, ni la valeur de leur travail. »

« A l’heure de l’écriture de la Politique agricole commune, le contexte est propice à des choix clairs et courageux du Gouvernement. Si la France fait, comme elle l’affirme, le choix de la « durabilité » de son agriculture – et parce qu’il n’est pas question qu’elle vienne au secours des éleveurs, à grands coups d’enveloppes d’urgence, tous les six mois –, elle doit désormais prendre les décisions fortes et structurelles qui s’imposent », conclut la FNB.

« Un aveu de faiblesse de l’État » (FRSEA et JA des Pays de la Loire)

« Le Premier ministre a annoncé le déblocage d’une aide d’urgence pour les éleveurs de bovins viande. Alors que le secteur de l’élevage bovin s’enfonce toujours un peu plus dans la crise, c’est un véritable aveu de faiblesse de la part de l’État, incapable de faire respecter la loi Egalim », estiment la FRSEA et les JA des Pays de la Loire dans un communiqué du 8 mars.

« En effet, la crise actuelle trouve son origine dans le refus des acteurs de la filière de rémunérer les éleveurs avec un prix couvrant les coûts de production. Une situation totalement incompréhensible alors que les signaux de marché sont au vert. Ce n’est pas d’une énième aide d’urgence dont les éleveurs ont besoin. La seule, la meilleure et la plus efficace des aides, c’est de faire appliquer la loi Egalim et d’imposer aux acteurs de respecter leurs engagements traduits dans le plan de filière. »

« Loi Egalim non appliquée, engagements du plan de filière non respectés et cela en toute impunité. Il y a urgence à ce que le Gouvernement et les parlementaires jouent leur rôle : faire appliquer la loi par tout moyen », alertent Mickaël Trichet, président de la FRSEA Pays de la Loire, et Jordy Bouancheau, responsable viande bovine JA Pays de la Loire.

« De la poudre de perlimpinpin » (Modef)

Le plan d’urgence annoncé le 6 mars par le Premier ministre n’est que « de la poudre aux yeux, car cela équivaut à 3 333 € par exploitation, ce qui correspond à un camion de paille », écrit le Modef dans un communiqué du 8 mars. « Les éleveurs sont en très grandes difficultés, ils demandent une augmentation du prix payé de leur produit et non des mesurettes ! Le cœur du problème, c’est le prix payé aux producteurs, et cela est fondamental. Le constat est sans appel, les prix d’achat de la production agricole subissent une pression constante à la baisse, alors que les charges opérationnelles ne cessent d’augmenter (+ 5 %). »

« Le Modef va envoyer dans les prochains jours un projet de loi aux députés sur l’encadrement des prix agricoles. Pour cela, il faudra que l’État garantisse un prix d’achat aux producteurs. À ce titre, nous demandons en urgence un Grenelle des prix agricoles. Les négociations commerciales ont pris fin le 1er mars et la grande distribution continue de tirer les prix vers le bas ! Nous proposons l’encadrement des marges de la grande distribution, des transformateurs et de l’agroalimentaire grâce au coefficient multiplicateur, d’interdire les promotions sur les produits agricoles et la vente à perte, de fixer des prix planchers rémunérateurs garantis pour les produits agricoles en fonction de l’évolution des coûts de production, et de stopper les négociations commerciales avec le Tafta, le Ceta, le Mercosur… »

« Ainsi, la promesse faite par Emmanuel Macron, à Rungis le 11 octobre 2017, de fixer les prix agricoles en tenant compte des coûts de production n’est toujours pas tenue et menace ainsi le renouvellement des générations », conclut le Modef.

Les céréaliers « atterrés d’être oubliés »

Dans un communiqué du 9 mars, les producteurs de grandes cultures (AGPB, AGPM, CGB et FOP) « prennent note de la décision du Gouvernement d’accompagner les éleveurs bovins de race à viande ayant dégagé un revenu inférieur à 11.000 euros en 2020. Si on ne peut que saluer une telle décision, elles tiennent à faire part de l’incompréhension de nombreux producteurs de grandes cultures qui vivent pourtant des situations similaires. »

« Conscients des très graves difficultés que traverse notre pays et que subissent nos concitoyens avec cette pandémie, l’AGPB, l’AGPM, la CGB et la FOP rappellent que les producteurs de grandes cultures, en dépit de revenus moyens en berne depuis maintenant huit ans, ont tenu à assurer l’essentiel, à savoir l’approvisionnement des filières. Ils sont fiers d’avoir pleinement rempli ce qui est leur mission première : nourrir les femmes et les hommes. Cependant, avec l’augmentation continue des charges, des contraintes et une récolte 2020 catastrophique, la réalité est que près de 60% des producteurs de grandes cultures ont un revenu annuel inférieur à 1 smic ! Ils sont donc aujourd’hui atterrés de se voir ainsi oubliés de la solidarité nationale ! »

« L’AGPB, l’AGPM, la CGB et la FOP ne peuvent accepter l’indécence d’un tri entre les situations d’extrême gravité. Elles tiennent à dire avec la plus grande fermeté qu’elles sont solidaires de tous les agriculteurs en difficulté et demandent que les mesures d’accompagnement prises les concernent tous, sans distinction de filière ou de territoire. Elles soulignent enfin que si le Gouvernement maintenait le cap tel qu’il vient de le définir, il prendrait le risque d’exacerber des tensions et d’inciter à des réactions dont notre pays n’a vraiment pas besoin. »

« Aussi, Eric Thirouin, président de l’AGPB, Daniel Peyraube, président de l’AGPM, Franck Sander, président de la CGB, et Arnaud Rousseau, président de la FOP, appellent le Premier ministre et le ministre de l’agriculture à remédier dans les plus brefs délais à cette situation aux effets désastreux et à veiller à ce que les prochaines annonces sur la Politique agricole commune ou le Plan stratégique national tiennent pleinement compte de la réalité des situations des différentes filières et territoires et soient justes, équilibrées et économiquement viables, à l’image des propositions portées par la FNSEA. »

BC

A télécharger :

Les chiffres clés de la filière bovine (FranceAgriMer, 18 mars 2021)

Les prix des animaux du 22 au 28 février 2021 (FranceAgriMer, 8 mars 2021)

L’indice d’humidité des sols déficitaire au 1er mars (ministère de l’agriculture, 9 mars 2021)

Lisez également

Les charges baissent moins vite

En septembre 2024,  selon Agreste, le prix d'achat des intrants agricoles continue de baisser, avec une diminution de 0,6 % par rapport au mois précédent (après une baisse de 0,9 % en août 2024).