Un décret et un arrêté préparent « l’asservissement du monde agricole à des investisseurs extérieurs », estime la Confédération paysanne.
« En poussant en catimini une définition de l’agriculteur actif qui permet à une personne ne détenant que 5 % des parts sociales d’une société d’être reconnue comme tel », un décret du 13 mai 2023 et un arrêté du 13 mai 2023 consacrent « un modèle où les paysans ne sont en rien maîtres de leurs décisions et de leur outil de production », dénonce la Confédération paysanne dans un communiqué du 22 mai.
« Avec seulement 5 % du capital d’une société, cette personne n’aura pas de poids face aux autres actionnaires. C’est la porte grande ouverte à la financiarisation de l’agriculture et à l’asservissement du monde agricole à des investisseurs extérieurs. Avec des exploitations de plus en plus grandes et donc intransmissibles, des agri-managers ont jugé bon de vendre les fermes françaises aux appétits des fonds de pension privés, spéculatifs et des firmes de l’agrobusiness ou de la grande distribution. Il sera ainsi théoriquement possible de rentrer dans le capital d’une société, d’en prendre un contrôle largement majoritaire, de mettre à la tête de l’exploitation un gérant, possédant seulement 5 % des parts, et de toucher des aides Pac, ainsi que tous les droits afférents à la qualité d’agriculteur actif (soutiens publics, fiscalité…). »
« Avec une telle décision inique, les pires scénarii sont envisageables : intégration totale des producteurs dans la filière de production, prise de contrôle d’investisseurs extérieurs sur le capital des fermes, perte définitive et totale de l’autonomie décisionnelle des paysans débouchant ainsi sur leur disparition pure et simple, remplacés par des gérants à la solde d’impératifs financiers. Ces sociétés pourront truster l’enveloppe du premier pilier de la Pac et continuer à écraser les fermes voisines. Les cédants n’auront comme option que de laisser partir leur ferme à l’agrandissement. »
Un « coup de poignard aux paysans »
« L’outil de production et donc la production d’alimentation échappera irrémédiablement aux travailleurs de la terre. Déjà engagés dans un cycle d’endettement, de surinvestissement, avec une autonomie financière déjà toute relative, les paysans seront définitivement asservis au modèle capitaliste et entrepreneurial. »
Cette nouvelle définition de l’agriculteur actif « agit contre l’intérêt même des agriculteurs. Elle doit être connue et partagée avec l’ensemble de la profession. Nous allons donc porter ce débat dans les départements auprès de nos collègues qui ont leur mot à dire. Et, nous en sommes convaincus, cette définition sera revue sous la pression du terrain. Nous allons aussi interpeler nos parlementaires sur la gravité de ce décret ministériel, coup de poignard aux paysans. Il est de notre devoir de révéler les conséquences à long terme des décisions politiques sur les conditions sociales et environnementales de production pour notre métier essentiel. La Confédération paysanne défendra ainsi de toutes ses forces les intérêts des paysans, contre les intérêts capitalistes de quelques-uns », conclut le communiqué.
BC
A lire également : Pac 2023, mode d’emploi