Au Gaec Froger, à l’est du Mans (Sarthe), on ne manque ni de travail, ni de projet. On y cultive également un certain esprit pionnier et un goût prononcé pour le travail bien fait. Les éleveurs se sont relevés après avoir essuyé plusieurs péripéties dont un passage de botulisme ou encore un incendie. Des évènements qui ont au passage mis à mal leur cheptel Holstein à haute valeur génétique. Éric Froger a installé le premier méthaniseur de la Sarthe qui valorise exclusivement les fumiers et lisiers de l’exploitation ainsi que des déchets agroalimentaires. La traite y est robotisée depuis plusieurs années et le parc de trois robots va être renouvelé cette année. Depuis 2020, la robotisation a été étendue à la partie alimentation. La passion n’est jamais loin comme le démontre la participation au concours génétique où l’existence de mères à taureaux du schéma Holstein de la coopérative Évolution. Au sein de cette véritable PME agricole, on pratique un certain esprit d’indépendance. Les éleveurs possèdent une grande partie de leur parc matériel dont l’entretien est effectué par un salarié. Ainsi, les éleveurs possèdent leur propre ensileuse, une New Holland FR 450. « Notre priorité reste la qualité des fourrages et non la date du début de chantier », prévient Flavien Froger, l’un des trois associés de l’élevage. Le pilotage de la ration est réalisé avec l’aide d’un nutritionniste indépendant en la personne de Yan Mathioux. Pour la reproduction, les éleveurs font appel à la société civile professionnelle (SCP) Escouflaire.
RÉDUIRE L’ASTREINTE
Pour réduire l’astreinte et abaisser le temps de travail durant les week-ends, les éleveurs misent, depuis plusieurs années déjà, sur la robotisation. Pour la traite, la situation est bien maîtrisée. Le nombre de traite quotidienne oscille entre 2,3 et 2,4. La nouvelle génération de robots devrait permettre de progresser encore. Le niveau de production est proche de 27 kg/vache/jour et ce, avec un tiers de primipares. Si les Holsteins du cheptel assurent un solide niveau de production, les Jersiaises sécurisent les taux. Au final, le TP(1) moyen est proche de 36 g/l et le TB(2) de 46 g/l. Cette maîtrise de la traite robotisée ne s’est pas faite en un jour mais ces Sarthois ne regrettent en aucun cas leur choix. Ils espèrent pouvoir en dire de même pour les robots d’alimentation. Le bilan de l’automatisation de l’alimentation, bien plus récente, se révèle aux yeux des éleveurs plus mitigé. Le concessionnaire n’a pourtant pas ménagé sa peine pour résoudre les difficultés et la situation s’améliore. La cuisine, avec son grappin, ses stocks de fourrages, ses silos de matières premières et ses deux bols mobiles a remplacé le tracteur et la mélangeuse Keenan. Le télescopique a été conservé pour remplir la cuisine. Après avoir revu le rationnement avec leur nutritionniste, les éleveurs ont gagné en précision pour ce qui est de la couverture des besoins des laitières, des taries ou des veaux.
Éric et Flavien Froger cherchent encore des solutions pour réussir à tirer le meilleur de leur robot d’alimentation. Ils en conviennent d’eux-mêmes que l’être humain a plutôt tendance à garder en mémoire les dysfonctionnements. « Les trains qui arrivent à l’heure sont vite oubliés », rappellent-ils. « Depuis l’automatisation de l’alimentation, des alarmes ont sonné la nuit », déplore Éric. Les éleveurs estiment le nombre d’alarme à trois par semaine en dehors de celles liées à des erreurs humaines. C’est parfois très simple d’intervenir : « le robot se perd en chemin. Il ne capte plus le signal et l’alarme se déclenche. Il suffit alors de reprendre la main avec le logiciel pour le remettre sur les bons rails et tout redémarre », concède Flavien. Mais, c’est parfois plus complexe, comme lorsque la griffe de la cuisine se bloque…Entre le méthaniseur et les robots de traite, l’addition d’alarmes supplémentaires peut vite devenir un enfer. D’ailleurs ces éleveurs en sont bien loin. Sur leur exploitation, les robots sont présents pour soulager leur quotidien et non pas pour ajouter du stress.
ALIMENTER 420 ANIMAUX
Au total, l’installation automatisée de l’alimentation doit être en mesure de nourrir les 420 animaux présents sur l’exploitation. Elle prépare la ration pour les laitières en production, celle des vaches en préparation à la mise bas, celle d’une partie des génisses et ce, sans oublier le mash pour les veaux. De plus, le rationnement est loin d’être classique, puisque, par exemple, le concentré de production est une VL fermière préparée par le robot à base d’orge, de soja, de pulpes de betteraves et de 2 % d’huile. Cette VL étant préparée par un prestataire. La cuisine abrite un grand nombre de fourrages et de matière première : maïs ensilage, ensilage d’herbe, ensilage de maïs épis, bicarbonate, soja, céréales…Les éleveurs misent sur les matières premières et les fourrages pour maintenir une bonne efficacité économique. « Tous les ateliers doivent dégager de la marge », souligne Éric.
Au niveau de la cuisine, ce choix technique et économique se traduit par l’installation de onze vis pour alimenter les bols mélangeurs ! « Nous avons eu pas mal de bourrage, se souvient Flavien, qui ajoute : en hiver, le bicarbonate se charge en humidité et les vis bloquent… Si avec des aliments granulés, le fonctionnement est optimal, cela semble plus compliqué avec des farines ». Éric s’interroge également sur le mode de pesée des petits ingrédients. « La pesée des fourrages ne me pose pas de question puisque c’est le peson du bol qui le mesure. Toutefois, c’est bien différent lorsqu’il s’agit d’ingrédients comme le chlorure de calcium. Le robot doit parfois préparer une ration pour une quinzaine de vaches en préparation au vêlage. La quantité totale à apporter est alors proche de 500 gr, poids qui dans les faits est estimé en fonction du nombre de tour de vis…Résultat, nous avons eu des rations avec une dose mal ajustée de chlorure de calcium avec à la clé des rétentions placentaires ou des fièvres de lait. Je conseille aux éleveurs de bien faire attention au choix des vis. Il est préférable de miser sur des dimensions de 150 mm plutôt que 100 mm ». Forts de leur expérience, ces exploitants vont également modifier le mode de récolte des fourrages pour gagner du temps dans la préparation en réduisant le temps de mélange : « Nous allons devoir hacher plus finement la luzerne et la paille », estime Flavien.
UNE CUISINE PRÈS DES SILOS OU DES VACHES ?
Très pointilleux, Éric a également constaté des différences de granulométrie de la ration : « nous observons un écart selon que le robot mélange le début ou la fin des cubes de maïs ensilage ». Autre mise en garde de l’éleveur concernant le positionnement de la cuisine : « alors que les préconisations générales vont dans le sens d’une installation au plus proche des silos, il me semble préférable de la mettre au plus près des animaux. Remplir la cuisine va vite, par contre la vitesse de déplacement du robot est réduite donc inutile de lui faire perdre du temps à parcourir des distances entre les bâtiments. Certes, on perdrait 15 minutes de travail si notre cuisine avait été positionnée près des vaches laitières, mais le robot se déplacerait moins ». Ce remplissage de la cuisine suscite la vigilance des exploitants. Ils veillent à la remplir le plus rapidement possible pour ne pas couper le système trop longtemps. L’opération dure environ 3 h 30. Pour les ensilages, ils arrivent à avoir 10 jours d’autonomie et une dizaine de jours pour les autres ingrédients.
« Les robots d’alimentation sont nouveaux pour nous, comme pour les concessionnaires. Nous sommes sans doute dans une situation comparable à celle rencontrée par les premiers éleveurs ayant acheté des robots de traite.. »…
Erwan Le Duc
EN CHIFFRES…
LE GAEC FROGER (SARTHE)
- trois associés Éric, Edwige et Flavien Froger ;
- assistés de 6 salariés, dont deux à temps partiel ;
- 305 ha dont 130 ha réservés à l’élevage, le maïs représentant 100 ha, une partie de ces surfaces donnant lieu à la production de dérobée, le reste étant consacré aux céréales ;
- une unité de méthanisation de 250 kw alimentée exclusivement par du fumier, du lisier, des déchets verts et des déchets d’industrie agroalimentaire ;
- un cheptel de 185 vaches laitières en production dont 25 % de Jersiaises ;
- un âge au vêlage de 21 mois en Jersiaise et de 25 mois en Holstein ;
- une production entre 26,5 et 27 kg de lait par jour avec 30 % de primipares ;
- un prix du lait à 380 €/ 1 000 litres ;
- 4 800 m² de poulailler en intégration avec le groupe LDC ;
- 3 robots de traite Delaval,
- 2 robots d’alimentation Lely ;
- un atelier d’engraissement d’une trentaine de génisses charolaises.